Vendredi 17 Juin 2016
JEAN BERNARD EYQUEM

INTERVIEW

Passionné, il n’est pas prêt d’arrêter !

Ne sachant pas 4 jours avant la course mythique si il monterait ce cheval, Jean Bernard Eyquem ne se doutait pas qu’il savourerait sereinement les 200 derniers mètres du Jockey Club seul en tête avec ALMANZOR !

Retour sur plus de 30 ans de carrière …

Habitant à 1km de l’hippodrome de La Teste, et alors que personne autour de lui n’est passionné de courses, c’est à l’âge de 8 ans que JB tombe amoureux des chevaux. Très rapidement, devenir Jockey devient un rêve, sans autre idée en tête !

Il fera ses classes au Moulin à Vent à Gouvieux dans l’Oise de 14 à 18 ans, mais comme tout bon natif du sud-ouest, le climat picard - parisien n’est pas sa tasse de thé .. C’est un enfant terrible, il ne s’adapte pas, il ne monte pas beaucoup.
C’est grâce à son maitre d’apprentissage, Nicolas Clément qu’il a l’opportunité de travailler pour Madame Desmarais à La Teste. Il devient alors premier jockey chez Jean Francois Bernard, une écurie d’une cinquantaine de chevaux : « c’est l’éclosion », dit-il

Après environ trois ans de collaboration, et un tempérament toujours bien trempé, le jockey commence chez Jean Claude Rouget à Pau. Avec les chevaux de haut niveau qui lui sont confiés, tout s’accélère, les montes, les victoires, les gains ! Ce partenariat durera un an et demi, mais il profite allègrement des plaisirs de la vie … il a alors 25 ans : « l’âge d’or des conneries, (rires), mais le mien a duré au moins jusque 32/33 ans, j’ai eu du mal à apprendre de mes erreurs ! »

Surement de belles rencontres et certainement sa qualité, lui auraient permis de monter bien plus, mais son comportement lui joue malheureusement encore des tours.

Et puis un jour, à Pau, une rigolade avec l’entraineur Philippe Boigontier aboutie à un pari inattendu : monter en obstacle ! C’est ainsi qu’il montera pour l’entraineur Francois Rohaut. Après 4 ans d'exercice, il avoue honnêtement que c’est une discipline à part ! Il faut monter tous les matins pour se maintenir en forme. Il tire son chapeau à ses collègues de l’obstacle, il faut un vrai mental, ils ont beaucoup de mérite : « ce sont des guerriers, les pilotes, comme les chevaux ! »
L’appréhension ressentie sur sa dernière course entrainera une perte de confiance … il restera chez Francois Rohaut, qui arrête aussi l’entrainement des sauteurs, et retournera à ses premiers amours : le plat, discipline pour laquelle il estime que tactique et vitesse sont plus présentes qu’en obstacle.
Premier jockey pour Monsieur Rohaut, il gagnera de belles courses de groupe pour le propriétaire Monsieur Gispert, dont la Poule d’Essai des Pouliches en 2006 (groupe 1), jusqu’à la course dont personne ne veut ... Une course exécrable à Madrid entrainera un clash professionnel définitif. Il ira alors frapper à nouveau à la porte de Jean Claude Rouget en 2009, où, il espère qu’il y finira sa carrière.

Jean Bernard, 40 ans, jockey professionnel depuis 22 ans, c’est 1600 victoires en France et à l’étranger, en plat et en obstacle. Avec une carrière en dent de scie, il connait aujourd’hui très bien son métier. Les expériences bonnes ou moins bonnes lui ont indiqué sa place au sein d’une équipe et le travail à accomplir.

Un cheval ?
« j’en ai deux … ALMANZOR évidement … mais mon cheval de coeur c’est YOUNG TIGER. Je l’ai monté toute sa carrière, on a tout gagné ensemble en Espagne : un cheval attachant, gentil, généreux et beau ! Mais je suis passionné des chevaux avant tout, j’aime le rapport que j’ai avec eux. Dans tous mes coups durs, c’est vers eux que je me suis toujours réfugié.»

Un homme ?
« Sans hésitation, Jean Francois Bernard. Il m’a beaucoup appris, je lui suis vraiment redevable et reconnaissant, je ne pourrais pas l’oublier. Il m’a donné ma chance même en tant qu'apprentis, m’a permis de revenir sans le Sud Ouest. On s’est engueulé, séparé et retrouvé. On aura passé de très bons moments ensemble tant professionnels que personnels jusqu’à son décès l’an dernier. »

Le métier de jockey ?
« LE PLUS BEAU METIER DU MONDE !!! C’est dur et contraignant c’est vrai, mais on a la chance de monter des chevaux de qualité, voyager dans le monde, de porter fièrement de belles casaques, de rencontrer beaucoup de personnes intéressantes. Si on est sérieux, on en vit très bien. »

Un conseil ?
« Travailler, être sérieux et avoir un peu de caractère quand même … malgré ma tête brulée, je me suis toujours donné les moyens d’y arriver. Mais j’avoue n’avoir jamais autant travaillé et avoir autant d’envie que depuis mon retour chez Jean Claude Rouget.
J’ai aujourd’hui une hygiène de vie bien différente, j’ai une famille, je me battrais pour garder mon boulot et je ne suis pas prêt d’arrêter de monter. »

Un secret pour garder la forme ?
« Le golf. Je fais quasiment 18 trous tous les jours. Ca me garde en conditions, et je décompresse énormément tant physiquement que mentalement. Je crois même que je monte mieux ... rires ! »

THE JOCKEY CLUB ?
« J’étais serein, sans trop de pression (merci le golf ...) j’ai écouté de la musique, me suis fait masser et j’ai même regardé un film sur l’Ipad, car étant donné que c’était ma première course de la journée, je ne voulais pas trop cogiter en observant les autres pilotes dans le vestiaire.
Une fois à cheval ... que du bonheur ! J’ai relativisé car je voulais en profiter à 200 %. J’ai même un peu plaisanté dans les stalles de départ avec David Morisson qui montait son 1er Jockey Club, mais surtout pour ne pas communiquer de nervosité à mon cheval. Et puis les boîtes se sont ouvertes … 2100 mètres intenses. A 200 mètres du poteau, je savais que rien ne pouvait m’arriver… j’ai savouré puis j’ai regardé l’écran géant et j’ai pensé à mon patron Monsieur Rouget, cette victoire c’est comme pour le remercier de m’avoir fait confiance ... une seconde fois »

La suite ?
« J’ai savouré cette sacrée victoire, c’est vrai … mais je suis déjà passé à autre chose. La vie continue : Le travail tous les matins avec un plaisir toujours présent ! »

Un merci à une personne en particulier ?
« Olivier Peslier … pour tous ses bons conseils, merci. »

Un rêve ?
« L’Arc … »

C’est évidement tout ce que nous souhaitons à Jean Bernard, un exemple de vie, avec ses hauts et ses bas, ses coups de coeurs et ses coups de gueules, et bien-sur ses victoires !
Bravo

Propos recueillis par Carole Desmetz Consulting​
Copyright Photo : Hippik - Panoramic​