Lundi 22 Février 2010
thierry-jarnet

Durant sa longue et fructueuse carrière, Thierry Jarnet n’aura pas été épargné par les accidents, graves, parfois. Le dernier en date, survenu le 23 décembre 2009 dans le rond de présentation de l’hippodrome de Deauville, pourrait paraître bénin. Au moment où la quadruple Cravache d’Or se  mettait en selle, son cheval a fait un écart, Thierry a sauté, et s’est reçu, debout sur ses jambes, mais très lourdement. Aujourd’hui encore, sa fracture du talon droit l’empêche de poser le pied à terre. Pendant cette période d’inactivité forcée, à 43 ans, l’homme aux 2.200 victoires, dont deux Prix de l’Arc de Triomphe, fait le point…

Comment évolue votre fracture ?

Du mieux possible. J’ai commencé la rééducation. Le 26 février, j’ai rendez vous pour un contrôle médical. Les médecins décideront, ou non, si je peux enfin prendre appui sur mon pied droit. 

En attendant ?

Je marche avec des béquilles.

Ne trouvez-vous pas le temps long ?

Si, bien sûr. Je ne suis pas du genre à rester assis sur une chaise, devant la télé. Je m’occupe comme je peux. Je suis souvent à l’écurie, avec ma femme, Sandrine Tarrou, et j’ai toujours tout un tas de trucs à faire, à régler. Mais j’avoue que, parfois, je tourne un peu en rond.

Vous n’êtes plus un « jeune jockey »… Suite à ce pépin, ne pourriez-vous pas avoir envie de ranger vos bottes, de, par exemple, vous investir davantage dans l’entraînement, aux côtés de Sandrine ?

D’abord, je vous assure que je ne me sens pas « l’un des vieux du peloton ». Je suis jeune dans ma tête. Quand je vois des gamins de 20 ans, dans les vestiaires, qui n’ont déjà plus trop envie de bosser, de se lever tôt le matin, ou de faire les efforts nécessaires pour rester au « top », je me sens jeune. Certains sont déjà lassés de beaucoup de choses. Moi, je ne suis lassé de rien. Ensuite, je travaille déjà en « collaboration » avec Sandrine, au niveau de l’entraînement. Enfin, j’aime trop mon métier pour envisager arrêter. Ce n’est pas une question d’argent : au niveau financier, je n’ai pas le couteau sous la gorge… Mais les chevaux et la compétition me passionnent toujours autant.

Quand vous parlez d’efforts nécessaires, vous faîtes allusion à quoi ?

A l’hygiène de vie qui est inhérente à notre profession. Aux problèmes de poids, qu’il faut prendre à la base. Rien ne sert de multiplier les régimes quand, par ailleurs, on se permet des « écarts »… qui pèsent lourd dans la balance ! Pour ma part, j’ai toujours dû faire attention…

Vous n’avez jamais trop été ce qu’on appelle un « fêtard »…

Je me donne entièrement à mon métier. Les chevaux m’ont toujours fait vivre, je les respecte, comme je respecte les entraîneurs qui me font confiance. Dès lors, certaines mauvaises habitudes sont incompatibles, à la longue, avec l’efficacité. Mais, attention, je vis bien, je ne manque de rien, je suis serein… En fait, depuis que j’ai commencé dans les clubs hippiques, à 7 ans, que j’ai décidé de devenir jockey, à 12, et que je suis entré à l’AFASEC, à 14, mon histoire a été simple. Ma vie est simple. Et, quelque part, le bonheur, n’est-ce pas la simplicité ?

Et avez-vous tout de même des loisirs ?

Pratiquement pas. J’aime toujours autant les animaux. Comme nous avons désormais plus de place, nous en avons encore plus qu’avant. Des chiens, notamment. Et plus particulièrement des lévriers espagnols. En effet, ils servent à la chasse, dans leur pays, et, quand ils ne plaisent plus, ils sont tout bonnement liquidés. Avec Sandrine, nous faisons partie d’une association qui s’en occupe, et nous en recueillons beaucoup. Nous arrivons à en faire « adopter », parfois même par des amis jockeys. Ma fille, Ambre, qui a maintenant 12 ans, a des poneys, et c’est marrant… Mais, en dehors de cela, j’avoue que nous ne sortons que très rarement. Nous nous levons tous les jours à 6 heures, travaillons beaucoup et je vous assure que, le soir, nous n’avons pas envie de veiller. Nous devions cependant partir en vacances, cet hiver, mais, avec mon accident, le projet est tombé à l’eau. Ce n’est pas grave : pas de vacances, cette année.

N’étiez-vous pas impliqué dans l’Association des Jockeys ?

Si, durant une dizaine d’années, j’en ai été le Vice Président. Je n’ignore donc pas les difficultés que peuvent rencontrer les dirigeants de « l’Asso ». J’ai souvent eu l’impression de me battre contre des moulins à vent… Alors, j’ai eu le sentiment d’avoir fait « mon temps » et j’ai passé la main…

Votre actualité immédiate ?

J’ai hâte de pouvoir me remettre en selle, à l’entraînement. Je pense qu’alors, tout ira vite. Pas besoin de cheval mécanique pour retrouver mes sensations… J’espère pouvoir remonter en course début avril.

Mais n’avez-vous pas gagné toutes les grandes épreuves ?

Non… Il m’en manque quelques belles… Il faudrait que je les gagne ! Et, si possible, avec nos représentants (rires)…

Vous n’avez pas de contrat de première monte…

Non. Si j’ai un « agent », comme tout le monde, je n’ai toutefois jamais « pleuré les montes », je n’ai jamais décroché mon téléphone pour offrir mes services. Je suis heureux d’être toujours demandé – c’est que l’on reconnaît ma compétitivité – mais je n’ai pas mal roulé ma bosse, et je me réserve un peu pour l’écurie. Mais, en fait, si, j’ai un contrat avec une écurie…

Laquelle ?

Celle de... ma femme !