Vendredi 29 Octobre 2010
paola-beacco

Elle a fait ses débuts en course le 29 septembre 2010, à Maisons-Laffitte. Elle a gagné. Pour sa quatrième sortie, elle est revenue à Maisons-Laffitte, le jeudi 28 octobre. Elle s’est imposée de nouveau, toujours pour son maître d’apprentissage, Guy Chérel. Un peu plus tard dans l’après-midi, elle a conclu quatrième… Elle n’a que 18 ans, mais respire la sagesse et la détermination. Paola Beacco se confie…

Votre nom laisse supposer que vous êtes d’origine italienne…

Tout à fait. Mais je suis née à Paris et ai grandi en France.

Que font vos parents ?

Mon père, Marco Beacco, est musicien, chanteur, compositeur… Il a commencé par la guitare mais touche à tous les instruments. Ca ne marche pas mal, pour lui. Ma mère, Valérie Mathieu, est journaliste à « Marie-Claire Maison »…

Rien à voir avec les chevaux. Comment vous est venue cette idée de devenir jockey ?

Cela remonte à loin. Ma mère a acheté une maison, en Normandie. J’ai fait la connaissance d’un petit éleveur, près d’Agon-Coutainville. J’ai toujours adoré les animaux et, outre ses chevaux, il avait des vaches, des poules… J’étais toujours fourrée chez lui.

Il s’agissait donc de trotteurs, non ?

Oui. Mais il m’emmenait aussi aux courses, à Deauville, notamment. Le galop m’a tout de suite séduite. Toute petite, j’ai alors dit « Je veux être jockey… ».

Et cette intention ne vous a jamais quittée ?

Elle a été moins intense pendant un moment, j’aimais aussi beaucoup la photo, le côté « journaliste » de Maman me plaisait… Mais, c’est connu, chassez le naturel, et il revient au… galop ! Un jour, j’ai annoncé : je veux quitter Paris et devenir jockey.

Alors ?

Mes parents m’ont toujours écoutée, et respecté mes choix. Je ne prétends pas qu’ils étaient enchantés, mais ils m’ont laissé libre de prendre, ou tout au moins d’essayer de prendre, le chemin qui m’intéressait. Ma mère est très « positive ». J’ai fait un avant-stage à l’école AFASEC du Moulin-à-Vent, à Gouvieux, mais cela ne m’a pas enchantée du tout. Je suis alors entrée à l’école, la « Maison familiale » de Vimoutiers,  où j’ai obtenu mon BEP.

Guy Chérel est votre maître d’apprentissage, depuis deux ans. Mais comment êtes vous entrée à son service ?

L’éleveur normand dont je vous parlais, a parlé de moi à Guy, qui lui a répondu : "Oui, on verra, on verra… " Et, comme je ne voyais rien venir, un jour, je suis allée à Auteuil, j’ai trouvé Guy Chérel, je me suis plantée devant lui et je lui ai lancé : « Voilà, j’ai 15 ans, je ne sais pas monter à cheval, mais je veux être jockey… »

Cette forme de « culot » a payé ?

Il m’a regardée, et il a lâché : « OK ».

Bien accueillie, à l’écurie ?

C’est toujours plus difficile pour une fille. On part du principe qu’automatiquement, elle est moins bonne qu’un garçon, on l’imagine plus difficilement dans la peau d’un « vrai » jockey. Alors, il faut savoir se faire sa place.

Vous avez-su ?

Je l’espère. J’ai de bonnes relations avec mes collègues, quelques-uns sont même de véritables amis, désormais. Quand Cyrille Gombeau vient à l’écurie, et qu’il fait sauter des chevaux aux côtés de Bertrand Thélier ou Benoît Gicquel, je m’efforce toujours d’être tout près d’eux, près de ceux qui savent ce qu’ils font. Je les observe, je tente, par rapport à ce que je les vois faire, de corriger mes défauts. Et ils me conseillent, tranquillement.

Pourquoi ce mot, « tranquillement » ?

Parce qu’il y en a qui « gueulent », qui, eux-mêmes, sont « morts de trouille », et que cela ne sert à rien, de toute façon.

Voulez-vous, aussi goûter à l’obstacle en compétition ?

Pour l’instant, non. Comme toute l’équipe, dans le staff Chérel, je fais franchir les obstacles à nos pensionnaires, le matin. J’avoue que ça me plaît beaucoup. Je suis dure, et je prends des coups, comme tous, à l’entraînement. Mais, la course, c’est autre chose. Là, le risque est accru. Et je n’ai pas envie de me faire « très mal ». Une « vraie » mauvaise chute risquerait de me dégoûter. Et, de plus, mes parents seraient tellement inquiets… Cela précisé, si je pouvais être associée à un super-sauteur, même sans chances, à Auteuil ou ailleurs, je bouclerais bien un parcours…

Vous avez 18 ans… Dans quelques années, n’envisagez-vous pas d’adopter une vie « plus féminine », avec un foyer, des enfants ?

Des enfants, il n’en est pas question avant un bon moment. J’ai beaucoup d’ambition. Ce n’est peut-être qu’un grand rêve, mais j’estime qu’il faut avoir des buts, se fixer précisément, dans tous les domaines, tous les métiers, ce que l’on veut atteindre. Pour l’instant, je mets la barre très haut. Je verrai plus tard s’il faut la redescendre. Mais je veux y arriver, plus que tout le monde.

Et s’il s’en suivait une belle carrière…

C’est évidemment ce à quoi j’aspire, mais je ne veux pas me bercer d’illusions. Si, toutefois, j’y parvenais, elle serait alors assez courte.

Pourquoi ?

Parce que je veux découvrir d’autres pays, d’autres manières de vivre, de manger, de penser… Toute petite, mon père, qui travaillait beaucoup aux Etats-Unis, m’y avait emmenée. J’étais fascinée, dans ma petite tête de gamine, m’y installer un jour me semblait inévitable… Apprendre des autres, des coutumes différentes, des attitudes différentes, tout cela aide à progresser. J’adore apprendre.

Un crack jockey voyage beaucoup…

Oui. Là, ce serait vraiment le top. Entrevoir des méthodes de travail qui ne sont pas tout à fait semblables aux nôtres, des courses qui se déroulent sur un autre rythme… J’espère, l’an prochain, pouvoir partir en stage à l’étranger, pour m’imprégner de tout cela. Et, quant au crack jockey international que vous évoquiez, j’ai été subjuguée par la gentillesse et la disponibilité d’Olivier Peslier, l’une de mes idoles. Avant de me mettre en selle, pour mes débuts, à Maisons-Laffitte, il est venu me prodiguer conseils et encouragements… Les vraies « stars » sont ainsi… Ceux qui se prennent pour Olivier Peslier, parce qu’ils ont enregistré 12 succès dans la saison, et vous regardent de haut ont tout faux… justement !

Sur le plateau d’Equidia, après votre succès du 28 octobre, vous avez déclaré admirer tous les jockeys de plat…

C’était la première fois que je passais à la « télé », je venais de gagner, j’étais émue… Je n’ai pas trouvé les bonnes phrases. Ce que je voulais transmettre, c’est que j’admire les gens qui n’ont pas beaucoup de talent mais qui se donnent les moyens pour réussir. Et c’est d’ailleurs valable dans toutes les professions. L’expérience joue beaucoup, également, mais le travail est indispensable. Rares sont ceux qui ont toutes les qualités nécessaires dans le sang…

Et vous travaillez beaucoup ?

Oui. Dans le quotidien de l’écurie, bien sûr, mais, au niveau de la compétition, je m’applique, du mieux possible. Ensuite, je décrypte les vidéos de mes courses. Je repère mes erreurs, celles qu’il ne faudra surtout plus commettre, les trajectoires que j’aurais pu privilégier au lieu de celles que j’ai empruntées…

Du temps, tout de même, pour une vie « normale » de jeune-femme ?

Très peu. En dehors de mes copains ou copines du monde hippique, je revois, de temps en temps, des amies de longue date, d’enfance ou du collège. J’aime bien sortir, notamment au cinéma, quand je le peux… Mais la musique est très importante, pour moi. Toutes les musiques. Elles me permettent de me reposer, de me retrouver, et de me remettre en question.

Vous remettre en question ?

Oui. Sans me flageller, non plus. Mais, à tous les niveaux, tous les plus grands le font. Il n’y a qu’ainsi qu’on franchit les étapes….

Et que vous a dit Guy, après votre première victoire ?

Je revenais dans le rond de présentation. Il m’a crié : « Ne tombe pas ! ». Puis il m’a fait remarquer, sur un ton assez haut : « Tu n’as pas poussé jusqu’au poteau… ». J’ai eu beau arguer que je n’avais vu personne venir m’attaquer, il a poursuivi « C’est comme ça qu’on se fait surprendre… »

Et c’est tout ?

Non, il a fini par : « Bravo ! ».

Bravo.