Jeudi 24 Février 2011
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Mardi 22 février, à Fontainebleau, deux jours après avoir fêté ses 25 ans, il est lourdement tombé.  Un cheval l’a « écrasé », et des adversaires le suivant l’ont percuté. Perte de connaissance, cinq ou six minutes de coma, avant la bouteille salvatrice d’oxygène, dans l’ambulance qui l’emmenait à l’hôpital. Traumatisme crânien, douleur sensible à la clavicule gauche.  Joint le soir même, Christophe Herpin s’exprimait parfaitement, avec des mots fluides et bien sentis. Le lendemain, après une bonne nuit de repos, il était encore plus époustouflant.

Vous souvenez-vous de quelque chose ?

De la course, parfaitement. De la chute, pas du tout. Un cousin, qui habite la région de Fontainebleau, était venu m’encourager. Il m’a dit que j’étais tombé, alors que mon partenaire, Nicolas du Clossaute tout très bien, à partir du moment où il part du bon pied. Mais l’un de nos rivaux a fait un  « soleil » devant nous, ce qui a pu perturber ma monture… Mon cousin m’a raconté qu’une fois à terre, j’avais été d’abord « aplati », avant de recevoir quelques coups de sabots…

Et qu’en est-il ?

C’est sans doute vrai. Tout le coté droit de mon visage a doublé de volume, l’oreille droite, toute râpée, est comme brûlée…

La clavicule ?

Les médecins étaient dubitatifs… Les radios ont révélé une fracture, mais pas franche. Comme une ancienne qui se serait « rouverte ».

Une explication ?

Sans doute, oui. En février 2009, avec Villez de Condé, à Auteuil, dans le Prix Tofano, j’avais fait une belle culbute. Je ne me sentais pas bien de « chez pas bien ». Mais j’avais le boulot, le lendemain matin. Alors, pour être opérationnel, j’avais muni mon épaule gauche d’ « Elastoplast ». Ces bandages m’avaient bien soulagé, et je les ai gardés durant deux ou trois semaines. Je suppose que tout avait dû se remettre en place…

A la « sauvage » ?

Probablement. Ce soir, je ressens une petite douleur, mais je peux bouger le bras. Dès que je sortirai de l’hôpital, j’adopterai le même « remède »…

Comment en êtes-vous arrivé là ?

Comme, déjà, mes parents, je suis natif de Granville, dans la Manche. Nous habitions à 400 mètres de l’écurie de Philippe Chemin. Je regardais avec attention ce qui s’y passait. A 5 ans, j’ai demandé à être inscrit dans un poney-club. A 11, j’étais en selle sur des chevaux de course, chez Philippe Chemin…

Itinéraire classique, dès lors ?

Non. J’aurais voulu intégrer l’AFASEC, pour devenir jockey, mais mes parents s’y sont opposés. Ils tenaient à ce que je poursuive, d’abord, des études, avant de choisir ma voie. Ils arguaient qu’avec un CAP de l’AFASEC, si je connaissais n’importe quel problème, de poids, ou autre, et que je ne réalisais pas mon rêve, les choix s’offrant à moi seraient très réduits…  Je les ai écoutés. J’ai suivi la filière de l’amateurisme, chez Philippe Chemin, tout en obtenant mon BEP « élevage », puis mon Bac Pro CGEA, conduite et gestion d’une entreprise agricole.

Et les courses ?

J’ai monté en gentleman-rider, avec environ 25 succès à la clef, toujours pour Philippe Chemin, et un titre d’Espoir, en 2004.

Vous êtes donc toujours resté chez lui ?

Non. Durant mon BEP, il m’a recommandé, gentiment, d’aller voir ailleurs, pour découvrir autre chose, et il m’a envoyé chez Jack Barbe, à Deauville. Puis, à la fin du stage, je suis retourné chez lui.

Vous aviez commencé par l’obstacle ?

Non. Philippe tenait à ce que je prenne confiance en moi, en plat. Il estimait que je n’étais pas assez mûr pour me diriger sur les « balais ». Mais, quand il m’a senti assez prêt, il m’a fait débuter directement en Cross, à Compiègne, et j’ai conclu 4ème, avec Honorin du Clos. J’ai ensuite fini 3èmed’un autre cross au Touquet, avant de m’imposer à… Granville, pour mon troisième essai du genre, avec Tit Jaune du Repas

De quoi devenir alcoolique ?

Non. Mais « accro », oui.

La suite ?

Philippe Chemin m’a embauché en septembre 2006. J’étais toujours amateur, et je tenais à finir l’année dans cette catégorie, car j’étais à la lutte pour la Cravache d’Or avec un certain… David Cottin ! Finalement, je me suis incliné, 11 à 12…  En 2007, je suis devenu professionnel.

Avec des fortunes diverses…

Oui. J’ai beaucoup « mangé », comme on dit dans le métier. Le 20 février 2007, jour de mon anniversaire, je me suis cassé le plateau tibial externe gauche, à l’entraînement, avec Villez de Condé. Je ne suis revenu que début mai, mais pour ma première monte, j’ai gagné, directement, à Compiègne. Je me suis ensuite fracturé la clavicule gauche, au travail, toujours, avec 1 mois et demi d’arrêt, mais un succès, peu de temps après ma reprise, à Auteuil. Puis il y a eu le cubitus droit, avec 3 mois et demi sur la touche et, durant l’hiver 2009-2010, l’humérus, avec 6 mois de repos obligatoires… Là encore, 15 jours après mon retour, j’inscrivais une listed Race à mon palmarès.

Ce Villez de Condé, qui vous a envoyé deux fois à la clinique, vous devez le maudire ?

Vous plaisantez ? Il m’a offert mon premier succès à Auteuil,  une listed Race, un Groupe, et j’ai perdu ma décharge avec lui, dans un « réclamer », c’est vrai, mais qui empruntait le parcours extérieur, avec le « rail-ditch » et toutes les grosses difficultés d’Auteuil…

Que devient-il ?

Il coule une retraite heureuse, chez moi, à Hudimesnil, à une quinzaine de kilomètres de Granville. Et j’aime le voir tous les jours…

Vous êtes toujours au service de Philippe Chemin ?

Bien sûr. Chez lui, j’ai eu aussi la chance de rencontrer Philippe Bréchet, ce gentleman éclairé qui a remporté à 6 reprises le Grand Cross de Craon, et qui m’a tellement appris. Un maître. Il m’a même poussé à relever des défis…

Philippe Chemin a l’air très important, dans votre vie…

Sans lui, je n’en serais pas là. Je lui dois tout. Nous avons des rapports très francs : « ça va, ça va »… « ça va pas… », nous mettons les choses à plat. Si j’ai commis une erreur, jamais il ne me prendra à partie dans le rond de présentation, ni devant mes collègues, dans les vestiaires. Il me parle à l’écart, nous regardons la vidéo, il m’explique calmement son point de vue, et il a souvent raison. C’est comme cela que l’on avance, et il n’y a aussi, que les bons chevaux qui vous mettent de l’avant.

Aujourd’hui ?

Il m’a téléphoné ce matin. Encore cet après-midi. Je veux absolument être d’aplomb pour mardi prochain à Enghien, avec, notamment, Sable des Ongrais, dans le quinté. Sable, c’est moi qui l’ai dressé. Avec lui, j’ai battu Zayiad dans une listed…

Qu’a dit Philippe ?

Ne t’inquiète pas… Si tu es en mesure, tu le monteras. Sinon, j’ai un plan B.

Mais, après un telle « pancarte », vous n’êtes pas écoeuré ?

Non. Je n’ai qu’une envie : y retourner…

Vie privée ?

Pas beaucoup de temps. 150.000 kilomètres par an. Je ne suis pas toujours au volant, mais souvent dans le « camion ». Nous couvrons tout l’Ouest, Paris, le Centre, Vichy, Moulins…

Une vie privée quand même, non ?

Je vis avec Karelle.

Elle comprend l'emploi du temps d’un jockey ?

Oui. Elle travaille aussi à l’entraînement.

Ne me dîtes pas que vous l’avez rencontrée chez Philippe Chemin ?

Si !

Pas de jeu de mots facile : bonne… route !