Jeudi 3 Mars 2011
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Il a commencé à faire parler de lui dans les années 2000, il s’est pleinement révélé à partir de 2004. Et puis, en avril 2010, il  joué sa carrière sur un coup de poker, il a tenté le tout pour le tout, au risque de… tout perdre. Ce mardi 2 mars, pour la réouverture d’Enghien, il a encore passé le poteau en tête. A 29 ans, Sylvain Dehez est en train de gagner son pari…

Vous avez travaillé, longtemps, parfois, pour de grandes écuries. Nous allons y revenir. Pourquoi êtes-vous parti, à chaque fois ?

Le désir de monter davantage en compétition.

D’où vous est venu ce goût ?

Mon père était « premier garçon », chez Xavier Guigand. Quand celui-ci a commencé à ralentir son activité, Papa a pensé qu’il était l’heure pour lui d’arrêter. Nous avons quitté la région parisienne et, en 1989, il a pris sa licence de « taxi », à Dax. Mais, le « mal » était fait, pour mon frère Fabien, et moi-même… Nous voulions devenir jockeys…

L’école AFASEC de Mont-de-Marsan, je suppose…

Exactement. Pour un simple BEP, sur 2 ans. Jean-Pierre Totain a été mon maître d’apprentissage, à partir de 1995. Une année, seulement, ensuite, je suis devenu « salarié », chez lui.

Comment cela ?

J’ai débuté en plat et j’ai disputé quelques courses, sans réussite. Je pesais déjà 55 kilos. De toute façon, l’obstacle m’intéressait beaucoup plus, des sensations différentes. J’ai donc également goûté  « aux balais », sans plus de concrétisations, mais j’apprenais le métier,  toujours pour peu de participations, néanmoins.

Alors ?

Je me suis dit que, tant qu’à faire de ne pas beaucoup me mettre en selle en compétition, autant le faire à « Paris ». J’ai rejoint l’équipe de Jehan Bertran de Balanda, en 1997.

Le déclic ?

Pas du tout, j’ai dû me « produire » à deux ou trois reprises, en une douzaine de mois. Le patron avait ses « pilotes ».

C’est ce qui s’appelle stagner…

Tout à fait, et s’il faut bien que quelqu’un cure les boxes, et qu’il n’y a surtout pas de sot  métier, quand on est gamin, que l’on rêve d’Auteuil, on pense à changer d’horizons.

Du coup ?

J’ai travaillé pour Guy Chérel, à compter de fin 1998. Lui m’a fait beaucoup travailler, beaucoup monter. Il sait responsabiliser ses « gars », on touche à tout, comme lui, du dressage aux soins.

Ne peut-on le comparer à un Jean-Pierre Dubois, au trot ?

Complètement. C’est d’ailleurs pour la casaque Dubois, celle de Jean-Etienne, que j’ai remporté ma première victoire, sur les haies de Saint-Malo, avec Grand Flûtiste, l’été suivant mon arrivée chez Guy.

En 2004, vous êtes entré au service de Yannick Fouin…

Oui. Chez Guy, j’enregistrais 4 ou 5 succès par saison, j’étais surtout cantonné à la province. Je bénéficiais toujours de la décharge due aux apprentis. J’ai appris que Yannick Fouin cherchait quelqu’un dans ma situation… Je lui ai téléphoné, il m’a engagé…

« Tilt », cette fois…

Oui. J’étais associé à tous ses représentants. Je suis devenu « pro », à Auteuil, avec une pouliche de Guy Pariente, que nous avions munie d’œillères pour la première fois, et qui n’a jamais réussi à s’imposer de nouveau, ensuite. J’ai signé de belles épreuves, comme le Prix Cambacérès, avec Royal Honor, ou le Prix Renaud du Vivier, avec Lina Drop. Trois belles épreuves de steeple-chase, aussi, avec Loulia

Parenthèse : préférez-vous les haies, ou le steeple ?

Les deux !

Reprenons. Ensuite ?

Je me suis accidenté. Ce genre de pépin arrive toujours au mauvais moment, mais, là, c’était vraiment le pire. Chez Guy, je m’étais cassé la clavicule, trois fois, en trois mois… A vouloir reprendre trop vite, chaque fois que tu tombes, tu te « recasses ». J’ai eu droit à deux « malléoles », aussi, coup sur coup… Pendant mon absence, Morgan Regairaz m’a remplacé, et s’en est plus que bien sorti. Il a, fort logiquement, gardé ces « montes ». Il a eu sa chance et a su légitimement en profiter. Jérémy Da Silva a, également, pu tirer son épingle du jeu. La roue tourne… A mon retour, Yannick me sollicitait beaucoup moins. J’avoue que le matin, à l’entraînement, j’étais aigri. Je « préparais » et je regardais les autres depuis les tribunes.

Du coup ?

En avril 2010, j’ai décidé d’aller voir ailleurs.

En bons termes avec Yannick ?

Oui. Et encore plus depuis que l’on ne travaille plus ensemble.

Des « pistes », sans jeu de mots ?

Aucune. J’avais l’étiquette « Fouin » collée à ma casaque. Très peu d’autres « clients »…

Avez-vous un « agent » ?

Non.

Avez-vous douté, à ce moment-là ?

Oui. Comme on le dit : « On sait ce que l’on quitte, mais pas ce que l’on va trouver. » Je risquais gros.

N’avez-vous pas cherché un autre « établissement » ?

Non. Rembaucher pour rembaucher ne me disait rien. Après une année moyenne, je voulais réfléchir un peu, ne pas me précipiter chez quelqu’un.

Comment cela s’est-il passé, alors ?

J’ai eu la chance de gagner trois courses, à Clairefontaine, l’été dernier. Pour Richard Chotard et Mickaël Seror, qui venait de s’installer. Cela m’a valu un petit article, dans le journal « Paris-Turf ».

Qui a eu des retombées ?

Oui. Jean-Paul Gallorini m’a contacté, en août. Il m’a demandé si j’étais disponible pour venir faire sauter ses élèves, à Maisons-Laffitte, et… mieux, éventuellement. J’ai répondu favorablement, bien sûr, et, actuellement, je me rends chez lui trois ou quatre matins par semaine.

Les autres jours ?

Je vais aussi chez Christophe Aubert. Deux très grands professionnels, chez qui "méticulosité" n'est pas un vain mot.

C’est pour Jean-Paul Gallorini que vous avez gagné, ce mardi, à Enghien…

Oui. Là encore, c’est bien connu : « Le malheur des uns fait le bonheur des autres… », et Bastien Bénard,  le « pilote » de Jean-Paul Gallorini, s’est brisé la jambe en septembre.

2010, finalement ?

Grâce à Jean-Paul Gallorini, justement, et ses Coralhasi et autres Katkovana, j’ai bouclé ma meilleure année, malgré tous ces déboires.

Mais, pas de vacances, tout de même ?

Non. J’ai participé au meeting de Cagnes, ai fait un aller-retour « express » à Pau, pour le Grand Steeple, dont j’ai fini « moyen » cinquième avec Or Noir de Semoza, puis je suis rentré en région parisienne. Pour me reposer un peu mais avec, aussi, beaucoup de choses à faire.

Vie privée, maintenant. Du sport ?

Je cours, footing pour maintenir la forme.

Loisirs ?

J’aime bien regarder un bon match de foot, nous retrouver, entre amis, pour un bon dîner.

Marié ?

Je vis avec Véronique.

Elle connaît les courses ?

Elle ne monte plus, mais a fait du « concours ». Elle connaît les contraintes.

Et les « beaucoup de choses à faire » ?

Véronique attend un bébé, pour avril. Alors, coup de peinture, tournevis, perceuse…

C’est vraiment un nouveau départ…

Plus que cela.