Jeudi 12 Mai 2011
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Il a 17 ans, il est capable de gagner de bout en bout, à Chantilly, devant nos plus fines cravaches, alors qu’il n’est, évidemment, qu’apprenti, avec sept – dont cinq « PMU » - victoires à son palmarès. Il a un prénom peu commun : et pour cause, il est anglais. Il est en train de réaliser son rêve, et peut-être que ses premières ambitions n’étaient pas encore assez grandes… Rufus Vergette se confie, avec une maturité rare…

D’où venez-vous ?

De Peterborough, pas très loin de Londres.

Et comment vous retrouvez-vous apprenti en France ?

Mes parents étaient agriculteurs, tout en étant cavaliers d’obstacle amateurs. George, mon père, et Helen,  ma mère, ont d’ailleurs tous deux une centaine de succès à leurs compteurs.

Ils sont toujours là-bas ?

Non. Nous nous sommes installés en France quand j’avais 4 ans.

Pourquoi ?

En Angleterre, une autoroute est venue couper en deux notre propriété. Mes parents ont choisi de déménager.

Où ?

A Montmorillon, près de Poitiers. Ils exploitent environ 150 hectares.

Parlaient-ils français ?

Un peu. Aujourd’hui, ils maîtrisent.

Et vous ?

Evidemment que non. Je suis entré à l’école sans pouvoir aligner deux mots dans votre langue et, à la maison, bien sûr, nous nous exprimions, et nous exprimons toujours, en anglais..

Vous semblez parfaitement bilingue…

Merci.

Votre passé « cheval » ?

J’avais à peine plus d’un an que j’étais déjà sur un poney. Puis j’ai tâté du CSO.

Une révélation ?

Non.  Même si j’y ai obtenu quelques résultats,  le CSO ne m’intéressait pas plus que cela.  Mais il permettait d’amener à la chasse à courre…

Une tradition typiquement « british », non ?

C’était vrai. Ce ne l’est plus. La chasse à courre a été interdite en Angleterre.

Vous y avez goûté en France ?

Oui. Mon père aimait beaucoup, auparavant. Ce n’est plus le cas, et son emploi du temps est trop « surbooké ».

Et vous ?

Pour moi, c’était le plaisir d’être à cheval, au grand air, de sauter des troncs d’arbre, avec mon poney, de pister l’animal.

Avec un fusil ?

Jamais. Et je ne me sentirais pas capable de tirer. Mon jeu, gamin, c’était la « traque ».

Les études ?

Pas mal, mais elles ne m’ont jamais attiré. Je voulais devenir jockey, depuis longtemps.

Pourquoi ?

J’ai participé à environ 100 compétitions réservées aux poneys, j’en ai signé 70.

Vous aviez un phénomène, ou était-ce vous, le phénomène ?

Pour tout dire, j’avais la chance d’en posséder six. Le matin, avant de partir pour les cours, et le soir, en en rentrant, je les montais, je les « travaillais ». Je jaugeais leurs aptitudes à tenir la distance, ou, au contraire, à être de purs sprinters. Et je sélectionnais les épreuves en fonction… C’était fatigant,  mais gratifiant.

Un boulot d’entraîneur, non ?

Si vous voulez…

Ensuite ?

Le Moulin-à-Vent, l’école AFASEC de Gouvieux…

Quitter la famille n’a pas été trop dur ?

Au début, si. Et puis, on s’habitue. Maman cuisinait pour nous. Au fur et à mesure, dans mon petit appartement de 30 m2, dans la même rue que l’écurie de mon patron, car, à mon âge, je n’ai pas de voiture, j’ai appris à me préparer mes repas. La vie de solitaire, cela s’acquiert, avec le temps, comme tout.

Des plats anglais ?

Non. Un steack, avec des légumes, par exemple… Seule entorse, comme à Noël dernier, où j’ai eu trois jours de vacances et où j’ai pu rejoindre mes parents : le traditionnel, et indispensable, Christmas Pudding…

Problèmes de poids ?

Au contraire, je pèse 48 kilos pour 1 mètre 62. Je peux encore grandir, bien sûr, mais je serais étonné de prendre 10 kilos.

André Fabre, comme maître d’apprentissage, un hasard ?

A l’AFASEC, après quelques mois où, par la force des choses, j’étais plus débrouillé que certains qui n’avaient jamais essayé l’équitation, il a été question de Jean-Marie Béguigné et d’André Fabre. J’ignore comment la décision a été prise, mais je suis arrivé chez M. Fabre. Apparemment, la meilleure école.

N’est-il pas trop dur ?

Non. Il m’a rapidement fait confiance, je me suis imposé sous les couleurs de son épouse, cet été, à Deauville – mon meilleur souvenir – et, cette saison, tout marche bien. Bilan, pour une trentaine de montes, je totalise sept lauréats. Je vis mon rêve.

Lundi 9 mai, à Chantilly, vous l’avez emporté de bout en bout, dans une bonne épreuve. Les ordres ?

Oui, mais non. M. Fabre m’avait recommandé de ne pas contrarier mon partenaire, de le laisser galoper « à sa main ». Nous sommes mal sortis des boîtes, de travers, et j’ai un instant eu peur. Mais mon poulain est retombé dans la bonne foulée. Il a alors suffi de « gérer ».

Des modèles ?

Je ne vais pas être original : Olivier Peslier et Lanfranco Dettori. Deux monstres sacrés.

Votre style à vous ?

Comme tous les apprentis, j’essaye de prendre le meilleur de chacun de nos aînés, mais tout en gardant, en soi, un style, une position… Je ne me bats pas contre.

D’autres passions ?

J’aime le sport. Le vélo, la natation, je jouais au foot… Chez mes parents, il y a une piscine, et j’adorais me faire quelques longueurs. Désormais, c’est le bassin municipal, mais je m’y rends le plus possible.

Un objectif, pour l’année ?

Aucun. En revanche, un but, oui : apprendre. En prenant les courses, que M. Fabre me laissera monter, comme elles viennent…

Et elles viendront de plus en plus...