Dimanche 12 Juin 2011
gerald-mosse

Dimanche 5 juin, il a signé son troisième Prix du Jockey Club. A son palmarès figurent aussi 5 Prix de Diane, le Prix de l’Arc de Triomphe 1990, avec Saumarez, les Coronation Stakes et les St- James’s Palace Stakes, en Angleterre, à Ascot, le Dubaï Duty Free, à Nad Al Sheba, le Hong Kong Derby, la Hong Kong Cup, la Sprint Cup, à Haydock… En 2008, il a décroché la Dubaï Duty Free Shergar Cup, en tant que jockey tête de liste du meeting ; l’an passé, il est allé en Australie, pour devenir le premier européen à gagner la Melbourne Cup, le 2 novembre, avec Americain… Plus de 70 Groupes I, de par le monde… Il partage désormais sa vie entre Hong Kong et la France. Gérald Mossé, 44 ans, se penche sur sa carrière, qui est loin de se terminer…

C’est votre père, Armand, entraîneur dans le Midi, qui vous a mis le pied à l’étrier, sans doute…

A 3 ans, oui. Il m’a appris beaucoup de choses, m’a donné le maximum d’informations possible. Mais c’est chez son frère cadet, Gabriel, que j’ai commencé mon apprentissage, de 14 à 15 ans et demi.

Ensuite ?

J’ai rejoint Chantilly et l’établissement de Pierre Biancone, le père de Patrick. Mais, au bout de six mois, Patrick s’est sans doute dit que le yearling qui venait d’arriver était prometteur et il m’a pris à son service (rires).

Vous souvenez-vous de vos débuts en compétition ?

Parfaitement. Le 2 avril 83, au Croisé-Laroche, avec Chiquita. Nous nous sommes imposés de bout en bout. J’ai remporté 20 courses, cette année-là, ce qui, à l’époque, était un bon score. Comme, par ailleurs, ma première tentative dans un quinté, et ma première participation à une épreuve de Groupe, ont aussi été couronnées de succès, je me suis dit que ce n’était pas sorcier. Ce n’est qu’après que j’ai réalisé que ce métier était excessivement difficile.

Patrick Biancone a dû « s’exiler » à Hong Kong…

Oui. J’ai alors travaillé pour le grand propriétaire et Président de France Galop, Jean-Luc Lagardère et, donc, pour François Boutin. J’ai été le partenaire d’un certain Arazi…

Vous avez cependant rejoint Patrick Biancone ?

Jean-Luc Lagardère a eu la gentillesse de me laisser partir, alors que mon contrat ne prenait fin que 12 mois plus tard. On peut avancer que Patrick m’a « racheté », mais j’avais envie de découvrir d’autres pays, d’autres cultures. De 90 à 93, j’ai enregistré de belles victoires, dont la première « Internationale » qui était organisée là-bas. Ces résultats m’ont donné un gros coup de pouce…

Vous êtes néanmoins revenu en France…

Patrick a quitté Hong Kong, et j’ai eu l’opportunité de devenir « première monte » pour Son Altesse l’Aga Khan et Alain de Royer Dupré. Un honneur et un privilège. J’y ai acquis un meilleur équilibre et c’est avec eux que j’ai connu mes plus grosses sensations. Entre l’élevage et l’entraînement, c’est sans doute ce qui se fait de mieux sur la planète, tout du moins d’après ce que j’ai pu voir. A l’écurie, tout le monde travaille « pour », c’est une vraie équipe, soudée, qui participe à la réussite de cette véritable entreprise. C’est exceptionnel.

Parmi tous ces succès, lesquels préférez-vous ?

On va faire simple : les deux derniers, au niveau international, la Melbourne Cup et le récent Jockey-Club. A Melbourne, c’était vraiment extraordinaire. 110.00 spectateurs qui vous ovationnent… En un peu plus de deux minutes, vous passez du statut de jockey à « rock star », ou acteur vedette… C’est pratiquement irréel. D’anciens vainqueurs me l’avaient dit, mais je n’y croyais pas. Maintenant, je peux vous affirmer que c’est la vérité. Je souhaite à tous mes confrères de ressentir de telles émotions.

Pourquoi ces deux Groupes I, plutôt que d’autres ?

Avec la maturité, on apprécie davantage ces instants extraordinaires. Je pense que si je les avais vécus à 20 ou 25 ans, je les aurais moins savourés.

Vous avez terminé deuxième du Derby d’Epsom 99 avec Daliapour, mais ce Derby manque à votre palmarès…

Il me manque d’autres épreuves « légendaires », mais on ne peut pas tout avoir. Je ne regrette rien. Ma carte de visite n’est pas la plus mauvaise, mais je garde les pieds sur terre. Quand je regarde dans le « rétro », je me dis que ce n’est pas mal, ce que j’ai fait, et que j’ai eu vraiment beaucoup, beaucoup de chance.

Il n’y a pas que la chance, tout de même…

Si, un gros, gros, facteur chance. Tout le monde peut perdre une course imperdable, il faut l’entraîneur qui vous fait confiance, le cheval « bien mis », le bon parcours… Tout un tas d’éléments qui jouent pour vous, ou contre vous…

Désormais, vous partagez votre emploi du temps entre Hong Kong et Chantilly…

Je me plais à Hong Kong, mais si je m’y plaisais « complètement », j’y resterais toute l’année. Or, je viens toujours passer 6 mois en France, repartant en Asie au lendemain du Prix de l’Arc de Triomphe. A Hong Kong, il n’y a pas de courses tous les jours et moi, ce que j’aime, ce qui me fait vibrer, c’est la compétition. Pour tout vous dire, il y a 3 ans, j’avais fait plusieurs allers-retours, en espérant trouver, ici, un bon contrat. Cela a failli se faire, mais n’a pas abouti. Ce n’est peut-être que partie remise…

Comment cela ?

Je veux aller jusqu’au bout du « trip », je suis en grande forme physique, je me vois encore quelques belles années de carrière.

Des problèmes de poids, vous qui êtes mince comme un fil ?

Je dois faire très attention. Mais j’y parviens beaucoup plus aisément que lorsque j’avais 20 ans. Je suppose que mon organisme a compris, et a admis, mon régime permanent.

D’autres passions ?

En dehors des chevaux, j’aime les sports extrêmes, la glisse, le ski – à Hong Kong, je pratique le ski nautique -, j’adore les bateaux… Mais je ne fais pas de gymnastique, par exemple, car elle développe les muscles et vous fait gagner… des kilos !

Les voitures, vous qui, il y a quelques années, possédiez de véritables bolides ?

J’apprécie toujours  les belles automobiles, mais cela m’est un peu passé, être au volant d’une « bombe » ne m’attire plus autant.

Vous aviez également des quarter horses, qui stationnaient dans une écurie, et une véritable ménagerie, dans votre jardin

Mes nouveaux voyages, et mes absences prolongées, m’ont empêché de tous les garder, et je n’ai plus cette maison. Alors, j’ai donné mes animaux à mon meilleur ami. Mais j’ai gardé trois quarter horses, que je fais entretenir toute l’année, qui vivent dans un vaste pré, et que je vais monter dans les allées cavalières, en forêt, quand je ne suis pas demandé, à l’entraînement, par les professionnels qui me font confiance l’après-midi.

Des objectifs ?

Vivre encore longtemps ma passion. Collaborer avec une belle écurie et avoir la possibilité de me dire que : je suis encore là, au moment opportun. Ce serait magique. Après, on verra. Chaque chose en son temps.