Mardi 8 Novembre 2011
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Il y a quelques jours, à 36 ans, il a franchi le cap des 500 succès. Il en est désormais, déjà, à 507 ou 508. Il a « tâté » de l’obstacle, où il a enregistré une quinzaine de victoires, mais il est revenu à sa discipline favorite, le plat. Alexandre Roussel répond à toutes les questions.

D’où venez-vous ?

Du Sud, de Saint-Zacharie, un petit village à côté d’Aubagne, dans les Bouches-du-Rhone. Régulièrement, je voyais passer des promeneurs, dans nos ruelles, juchés sur deux chevaux de trait. J’ai eu le coup de foudre. J’ai demandé à ma mère de se renseigner. Elle a téléphoné au Parc Borély, qui nous a orientés sur l’école A.F.A.S.E.C. de Callas, près de Marseille..

Aviez-vous approché les chevaux de plus près ?

Dans un centre équestre, oui. Je récurais les boxes, afin d’obtenir assez d’argent pour me payer des balades, et en donner un peu à ma mère.

A.F.A.S.E.C., alors ?

Avec Christian Scandella, une crème d’homme, comme maître d’apprentissage. Il m’a fait débuter, dans l’ancien « Borély », corde à droite. J’ai dû monter trois ou quatre fois, pour lui, sans podiums à la clef. Mais, il y a eu des soucis…

Avec Christian ?

Non. Au niveau de l’école, j’ai fait des « conneries », sans rentrer dans le détail, je dirais même des grosses. Ils m’ont envoyé poursuivre mon chemin à Graignes…

Qui vous a pris sous son aile ?

Personne ne voulait de moi, vu ma carte de visite. Jean-Luc Guillochon, lui, a accepté. A l’époque, il était installé à Dragey, dans la Manche, « pays » de l’obstacle. Je me suis donc mis à cette discipline, sollicité par mon patron, bien sûr, mais aussi par Jacky Chapdelaine, ou Philippe Peltier. J’ai dû participer à 300 compétitions, pour 15 lauréats, en 4 ou 5 ans.

Ensuite ?

Jean-Luc a « coulé »…J’ai alors travaillé pour Bernard Renard, mais il n’avait pratiquement pas de sauteurs et, de toutes façons, je commençais à avoir peur, sur les « balais », je l’avoue.

Du coup ?

Jean-Luc Guillochon et Cyriaque Diard se sont « associés », dans la Sarthe, et m’ont appelé. Mais au bout d’un moment, pour diverses raisons, j’ai voulu aller voir ailleurs. Eric Lecoiffier m’a accueilli, et nous avons accompli du bon boulot, en particulier avec Petite Spéciale. D’ailleurs, à son sujet, je tiens à rétablir la vérité : nous avions remporté l’important Prix de l’Elevage, où elle a été disqualifiée, jugée « positive » à la testostérone. C’était vrai. Mais il ne s’agissait pas de « doping » ni de « traitement », Il a été constaté, plus tard, qu’elle souffrait d’un kyste aux ovaires, et que son propre corps produisait cette hormone. Il y a eu d’autres belles épreuves, avec les AQPS, notamment.

Combien de temps, chez Eric ?

Une  année, dont je garde d’excellents souvenirs, d’autant que j’y ai rencontré ma femme, Olivia, qui était cavalière, chez lui, et qui comprend donc toutes les contraintes de ma profession. Puis il y a eu trois ou quatre mois chez Eric Libaud, avant que Cyriaque ne me téléphone pour que je regagne son écurie. Jean-Luc Guillochon avait décidé de « revoler » de ses propres ailes et j’avancerais, maintenant, que je terminerai ma carrière chez Cyriaque.

Pourquoi ?

C’est un homme hors du commun. Professionnellement et humainement parlant. Par exemple, il a été le premier à garnir les barres d’appel de ses obstacles, sur la piste d’entraînement, avec des pneus, pour que les chevaux ne se blessent pas en les touchant.

Et vous voyez une fin à votre passion ?

Bien sûr. Nous ne sommes pas éternels. Tant que le corps me dira « oui », je continuerai à exercer le plus beau métier du monde. Mais il ne faut pas rêver. Les Christophe Pieux, en obstacle, Thierry Jarnet, Dominique Bœuf, qui vient d’arrêter, ou Gérald Mossé, sont des exemples de longévité, toujours au « top ». Disons que pour l’instant, l’échéance de mes 40 ans me paraît raisonnable. Mais si je ne suis pas encore parvenu au chiffre de 700, je jouerais peut-être un peu les prolongations.

Vous avez évoqué plusieurs « pointures ». D’autres modèles ?

Cash Asmussen. Il a amené la monte « à l’américaine », et, au fil des mois, tout le monde l’a copié. Je ne vois que Bœuf, Bonilla, ou Thulliez, pour avoir toujours le pied à fond, ou presque, dans les étriers. Le calme olympien, en toutes circonstances, d’Olivier Peslier, est admirable. Mais tous ceux que je viens de vous citer sortent de l’ordinaire

Vos grands souvenirs ?

J’en ai beaucoup. Helios Quercus, bien sûr. J’ai été béni des dieux, car, en revenant chez Cyriaque, je suis « tombé »  sur ce champion. 7 « tilts » en 9 sorties, à 2 ans. Et le top, le Critérium International. Ensuite, cela s’est mal passé une fois, j’ai été « viré ». Mais le propriétaire n’a pas connu que de la réussite, depuis… Sormio, comme la calanque, m’a fait plaisir, aussi, comme mon cheval de cœur, Magic Secret, dont je m’occupais tous les jours.

Aujourd’hui ?

Tout va bien. Nous habitons une maison perdue au fond des bois, nous avons trois beaux enfants – Manon, 12 ans, Léo, 7 ans, et  Ilan, 4 ans  - qui sont tous inscrits dans un « poney-club » et qui se battent pour monter la ponette qui gambade chez nous, et qui m’accompagnent et m’encouragent dès qu’ils le peuvent

Bilan ?

Je ne regrette pas d’avoir quitté le Sud, où j’aurais probablement mal tourné. Maintenant, le boulot est énorme. Avec la décentralisation, et vu la mauvaise desserte de La Flèche, au niveau trains ou avions, je dois parcourir environ 100.000 kilomètres en voiture, chaque année  Heureusement, l’été, Olivia me sert de chauffeur. Mais je trouve cette « décentralisation » très positive, tout le monde a à y gagner, propriétaires, entraîneurs et  beaucoup de jockeys dits « de province » montrent qu’ils n’ont rien à envier aux « parisiens ».

Le poids ?

Aïe, aïe, aïe ! J’aime bien la bonne bouffe, et je dois donc me surveiller. Pour me mettre en selle à 54,5 kilos, je respecte un régime, je saute des repas, et j’ai un sauna, chez moi. Je préfère bien manger, puis m’abstenir, plutôt que de m’asseoir, deux fois de suite, devant une salade.

Des « variantes » ?

Le bateau, la mer, la pêche… J’ai le permis. Quand je le peux, je me rends à Pornic ou Pornichet. Je me vide la tête.

Des vacances ?

Ce n’est pas facile. L’an passé, nous sommes partis une semaine en Martinique, avec Olivia. J’ai monté, là-bas, et nous avons été reçus, chez l’entraîneur, comme si nous faisions partie de la famille. Contactés de nouveau, nous irons 15 jours, cette fois, après le meeting d’hiver de Deauville. Et, c’est important, je voudrais privilégier une semaine, cet été, tous ensemble 

Pour conclure ?

Tout le monde a droit à sa part de soleil, dans notre microcosme, et j’apprécie les interviewes sur ce site, car elles mettent en valeur des apprentis, de jeunes jockeys, ou des stars de la cravache. Dommage que vous ne puissiez pas parler des lads et autres garçons d’écurie…