Mercredi 1 Février 2012
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Il n’est pas bien connu du « grand public ». Il n’empêche qu’il approche de la barre des 400 victoires en obstacle, avec à son palmarès une Cravache d’Or de l’Ouest, trois « Grand Cross de Pau », avec le même Fairplay, plusieurs de Saumur, celui de Craon, de Corlay, et toutes les belles courses de province, et d’autres à Auteuil. Depuis le 1er janvier 2012, à Pau, il s’est mis en selle à onze reprises, pour quatre succès… A 36 ans, il sait que sa carrière est plutôt derrière lui, mais pas sa passion. Anthony Blais se dévoile…

Des parents dans le métier ?

Pas du tout. Mon père était chauffeur routier. Mais amoureux des chevaux…

Turfiste ?

Non plus. Il aimait l’animal, pour l’animal, ce qui ne l’empêchait pas, quand il le pouvait, de regarder la télévision. Je suis originaire de Nantes. Papa connaissait quelqu’un qui avait des chevaux « de balade ».. A 6 ans, j’ai commencé, sans selle… Malheureusement, mon père a connu un grave problème d’anévrisme, un ou deux ans plus tard, et il a été déclaré en situation d’invalidité, pour le travail.

De ce fait ?

Nous allions toutes les fins de semaine, chez ses parents, qui possédaient une petite maison rurale, avec du terrain, près de Nozay. Papa a acheté un poney, chez un voisin de mes grands-parents, et une carriole, pour se promener. Moi, je le montais, ce poney, toujours à cru. Je me souviens même que, dans le pré adjacent, je disposais des barres sur le sol, pour que nous les sautions.

L’obstacle, donc, dans les « gênes » ?

Il faut croire. J’ai d’ailleurs rapidement dit que je voulais devenir jockey, et d’obstacle…

Réactions familiales ?

Ma mère y était radicalement opposée. Elle travaillait et n’avait pas le temps de me conduire dans une école spécialisée, chez le maître de stage, etc… Mais mon père n’était pas contre, bien au contraire, et comme il était devenu, par la force des choses, plus disponible, il a accepté.

Alors ?

Le C.F.A. de Laval, avec Thierry Rousteau, installé à Machecoul, comme maître d’apprentissage.

Bien ?

Oui. Il n’avait pas un gros effectif mais m’a appris à monter les chevaux de course, et m’a permis d’obtenir ma licence.

Vous êtes resté longtemps ?

Trois ou quatre ans, mais, à la fin de mon stage, il n’avait pas les moyens de me prendre comme salarié. Je le remercie encore pour ce qu’il m’a inculqué.

Alors ?

Je suis parti à Nort-sur-Erdre, chez l’ex-femme de Réné Cherruau, Michèle, pour un an et demi, avant de retourner à Machecoul, cette fois chez Alain Claude…

Là ?

Pas extra. Et le Service National est passé par là… Une fois cette période terminée, je ne savais plus trop quoi faire… J’avais appris à tenir mes rênes, mais pas à « monter du gaz », on m’avait aussi pris pour un « con », pardon pour l’expression, avec un salaire totalement insuffisant, profitant, peut-être, de ma jeunesse et de ma naïveté. Les courses, ça ne marchait pas trop bien. J’étais dégoûté. J’ai bien failli tout arrêter.

Et puis ?

Mon ami Jerry Planque, jockey « établi » à l’époque, et désormais entraîneur, m’a téléphoné. Il m’a confié qu’Eric Leray, à Sennones-Pouancé, cherchait du personnel, et qu’il pouvait lui glisser un mot pour moi… Il m’a demandé si j’étais prêt à déménager. J’ai répondu : « oui ».

Jerry l’a fait ?

Oui. Et je lui en suis toujours reconnaissant. Le 1er avril 98, ce n’était pas un « poisson », j’étais embauché chez Eric, et j’y suis depuis bientôt… 14 ans ! Le coup de fil de Jerry s’est transformé en un sacré coup… de pouce.

Comment cela s’est-il passé ?

J’avais été formé en tant qu’apprenti, mais pas « peaufiné ». Je devais avoir 10 victoires au compteur, de petites épreuves, dans des « bleds », avec de bons chevaux, parfois, certes, mais mon curriculum vitae n’était pas très étoffé. « Brut de fonderie », dirons-nous…

Qu’est-ce qui a changé ?

Je ne demandais qu’une chose : apprendre, m’améliorer. J’étais tout au bas de l’échelle. Eric Leray s’est penché sur mon cas, il m’a donné ma chance…

Avez-vous su la saisir ?

Oui, je le pense, mais pas immédiatement… J’en ai fait des « boulettes »… Il me prenait à part, après les courses, et m’expliquait là où j’avais commis une erreur, ce que je ne devais plus faire, pour une raison ou une autre. Je crois avoir su l’écouter et appliquer ses conseils. Petit à petit, le métier est rentré… Mais Eric a été patient, et compréhensif. Il est d’une humanité rare, toujours prêt à nous aider, pour n’importe quel problème… Aujourd’hui, quand je ressens le besoin de passer un week-end en famille, et que je n’ai pas « mes chevaux » à monter, il me laisse carte blanche. C’est le meilleur patron du monde…

Vous avez fait du bon boulot, à Pau, ensemble…

Oui, qui nous console de 2011, où nous avons été déçus, dans l’ensemble. Nous avions de bons sauteurs, jeunes comme vieux, mais beaucoup ont connu des problèmes de santé ou ont « cassé », comme c’est, hélas, fréquent dans la spécialité. Ce début 2012 nous remet du baume au cœur. Super.

Et vous, vous êtes-vous « cassé » ?

Oui, bien sûr. Quelques bons pépins. Fracture, puis luxation de la clavicule, cervicales, lombaires, côtes, nez, le cubitus, en trois endroits, avec plaque et deux vis, le rocher…

Des séquelles ?

On n’est plus les mêmes à 36 qu’à 18 ans, et je souffre parfois du dos, surtout lorsque le temps change. Je rends visite une fois, ou deux, si nécessaire, tous les mois, à un excellent ostéopathe. Il te remet sur pied et, au moins, il te masque la douleur pour un moment…

L’Association ?

Très, très bien. Maria, notamment, s’occupe de tout, nous réconforte, nous conseille, elle n’hésite pas à rappeler s’il manque quelque chose dans le dossier, s’il y a le moindre souci… En revanche, ce mardi 31 janvier, Thierry Gillet, qui effectue un drôle de boulot, avait organisé une réunion, sur l’hippodrome de Pau, le soir, pour évoquer tous les sujets à l’ordre du jour. Or, contrairement à certains collègues, et je ne dois pas être le seul, je n’en avais pas été averti. Je sais bien que Thierry n’avait pas en charge d’envoyer tous les « textos », mais, sur le coup, j’étais un peu en colère. J’aurais bien voulu assister à cet échange. Ce n’est qu’un tout petit détail, d’organisation, sans doute, tout le reste est tellement positif…

Des loisirs ?

Peu, comme nous tous. J’aime être à la maison, avec ma femme, Cécilia, aide-soignante – et qui connaît donc les horaires « décalés » et les week-ends travaillés -, et nos deux enfants, Adrien 7 ans, et Alexis, 2 ans. Je bricole, il y a toujours à faire, chez soi, la peinture me plaît bien et j’ai tout refait moi-même, dans les pièces, et puis, aussi, travailler à l’extérieur, quand il fait beau. Un petit coup de pêche, de temps à autre, mais je n’ai pas encore osé aller côtoyer mon copain Olivier Sauvaget, qui est à Senonnes aussi, et qui est un véritable expert en la matière, pour ne pas dire un « fou furieux ». Surtout, depuis quelques années, j’ai découvert les oiseaux. Nous avons une grande volière, avec des perruches à collier, des mandarins, des… (NDR : pardon, mais je n’ai pas retenu toutes les races citées, n’étant pas un ornithologue averti), je peux rester deux heures à les regarder. La reproduction est captivante…

Un pas vers l’élevage ?

(Rires). Pourquoi pas ? Non, je plaisante… C’est vrai qu’à mon âge, ma carrière est plutôt derrière moi, mais je n’ai pas de problème de poids, je suis en forme, même s’il me faut l’entretenir, la réussite nous sourit, et je m’entends à merveille avec mon patron.

… Pas de problèmes de poids ?

Je les ai résolus depuis longtemps. Je n’accepte pas de monter en-dessous de 65 kilos, ce que je pèse depuis toujours. Je mange normalement, tous les jours – sauf les dimanches midis, quand il y a de beaux engagements à respecter -, je ne connais pas le sauna, et je veux encore moins entendre parler des « médicaments », ces pilules « miracles » qui vous bousillent la santé. Se priver trop régulièrement de repas, ce n’est pas une vie. Sans me lancer de fleurs, je me suis « fait » un petit nom, dans le métier, et j’ai bien conscience que je peux me permettre ce « privilège ». Mais il n’en est pas de même pour les gosses qui débutent, avec une décharge… Si un entraîneur fait appel à eux, précisément pour cette remise de poids, ce n’est pas pour leur accorder deux kilos au moment de la pesée… Alors, c’est la balance qui a raison…

… En forme ?

Oui. A cheval tous les matins, cela entretient. Mais c’est plus difficile en avançant dans le temps. On ressent davantage les courbatures, je ne vous parle même pas d’une chute… Alors, je fais un peu de footing, l’été, du vélo, régulièrement, mais avec modération, pour ne pas trop prendre de « cuisses » et de « mollets », et j’ai un ballon de kinésithérapie, qui me permet des exercices, styles « pompes » ou « abdominaux », dont je n’abuse pas non plus, mais qui m’est bien utile.

La suite ?

On verra plus tard… Je profite de ces moments extraordinaires.