Lundi 23 Avril 2012
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Mercredi 18 avril à Chantilly, en selle sur Abou Selem, pour Jean-Luc Pelletan, elle a remporté sa première course de l’année. Elle en compte désormais une vingtaine, en plat, sans oublier les 33 ou 34, en obstacle, discipline qu’elle a abandonnée à contrecœur. A 33 ans, Nadège Ouakli se retourne un peu sur son passé, mais regarde toujours vers l’avenir.

De quelle région venez-vous ?

De l’Oise. A 20 kilomètres, environ, de Chantilly.

Vous approchiez les pur-sang de la Ville du Cheval ?

Non. Mais j’ai vite été attirée par l’équitation. J’ai participé à des concours hippiques, à un petit niveau.

Des parents dans le monde des courses ?

Non. Mon père était ajusteur, mais turfiste convaincu, et il a terminé sa carrière par une dizaine d’années en tant que maréchal-ferrant. Un métier de précision, là aussi… Ma mère, elle, était comptable.

Travaillait-il dans les écuries de Chantilly ?

Non. Même s’il lui est arrivé de s’occuper de chevaux de course, il oeuvrait surtout dans les clubs hippiques environnants.

Et vous ?

Le mercredi, jour sans école, je me rendais le matin sur les pistes. J’ai pu me mettre en selle sur des représentants de Bernard Le Gentil… Dans le brouillard, j’entendais les battues et le souffle des chevaux. J’ai été totalement séduite, et j’ai eu envie de devenir jockey.

Alors ?

J’ai fini ma « troisième », d’une scolarité « normale », puis je suis entrée au Moulin-à-Vent, l’école AFASEC de Gouvieux. Je crois que ce n’était que la deuxième année où les filles étaient admises.

Quel a été votre maître d’apprentissage ?

Richard Crépon. Il avait un petit effectif et, chez lui, je n’ai monté que 4 fois en 4 ans. Parallèlement, j’ai obtenu mon BEP et passé mon Bac Pro, par correspondance.

Dans quelle spécialité ?

Agricole. Elevage et production d’animaux domestiques.

Vous avez alors changé d’horizon…

Je suis restée un an chez Jean Lesbordes, où officiaient Didier Mescam et Anne-Sophie Madelaine. Vu ma « formation », l’obstacle me plaisait beaucoup. Jean Lesbordes m’a permis d’y goûter. Il m’a même fait débuter, à Enghien, avec Holly Pitch. J’étais contente d’avoir pu finir le tour… Puis il m’a confié Rocotomana, toujours sur le plateau de Soisy. J’ai conclu 7ème, par manque d’expérience, mais le cheval méritait de terminer dans les 3 premiers.

Le choix était fait ?

Oui. Je me suis bien rendue compte que je n’avais pas beaucoup de débouchés, en plat, et l’obstacle me procurait des sensations extraordinaires. Sur les conseils d’Anne-Sophie et de Didier, je suis allée chez Jean-Paul Gallorini. Pour lui, j’ai enregistré 13 gagnants en 2 saisons, dont 9 avec Le Mage, mon cheval de cœur. Je lui ai été associée à 22 reprises. Nous sommes partis des « réclamers », pour ensuite disputer des listed Races puis Groupes. Mais, sur la fin, j’étais moins sollicitée.

Du coup ?

J’ai rejoint l’équipe de Thierry Civel. Il m’a confié Frère Lumière et, chez Thierry, je suis passée professionnelle, mais le « sésame » s’obtenait, à l’époque, avec 25 lauréats. La règle a rapidement changé, fixant le « cap » à 35, et j’ai donc récupéré ma décharge.

Vous êtes pourtant partie…

Là, c’était un choix personnel. J’avais envie de voir autre chose.

La suite ?

J’ai effectué plusieurs stages. Chez Guillaume Macaire, un formidable formateur, une culture – hippique ou autre – hors du commun ; chez Jehan Bertrand de Balanda, pour qui je me suis imposée en plat comme en obstacle, durant un an ; et, enfin, j’ai fait mes valises pour l’Italie. Je ressentais comme le besoin  de sortir un peu de la France, de voyager, de m’essayer ailleurs. Gianluca Bietolini m’a accueillie. Pour ma première tentative, là-bas, j’ai gagné à Rome. J’ai couru, aussi, à Milan, à Pise… De bons souvenirs.

Mais retour en France…

Oui, chez Guy Chérel, qui ne m’a alignée en compétition qu’une fois ou deux, puis chez Henri-Alex Pantall… Mais je suis désormais au service de Robert Collet depuis 4 ans.

Et vous avez décidé d’arrêter l’obstacle…

Oui. J’ai été victime de pas mal d’accidents : deux fois la main, 7 clavicules, les côtes, décollement de la plèvre, une vertèbre dorsale, un traumatisme crânien avec perte de connaissance. J’en oublie… Cela commençait à faire beaucoup… Heureusement que l’Association des Jockeys avait bien évolué. D'ailleurs, le lundi 30 avril, après la réunion de Chantilly, je serai présente à la réunion annuelle de l'Asso, et je voterai pour élire le nouveau "bureau". Mais, pour en revenir aux "balais", je ne perdrai donc pas ma décharge une deuxième fois.

Pas de regrets ?

Au début, l’obstacle me manquait beaucoup, mais il faut savoir dire « stop ». Il m’est arrivé, de temps à autre, d’y « retâter », pour Robert Collet, le matin, mais très « relax ». Et le patron me fait confiance, en plat, il m’a notamment « abonnée » à Dane Dancer, que j’adore.

Vous êtes néanmoins surtout « cavalière d’entraînement » ?

Oui. Mais le « boss » m’envoie à l’étranger, pour ses champions qui tentent l’aventure hors de nos frontières, il m’a aussi désignée comme « responsable », lors de quelques meetings, comme à Cagnes-sur-Mer, par exemple. Professionnellement, c’est enrichissant, je dirais même gratifiant.

Toute votre vie semble axée sur les chevaux…

Oui. Et depuis, déjà, un bon moment. Mais j’aime bien rencontrer des amis, en dehors du milieu, quand j’en ai le loisir, histoire de parler d’autre chose. Je ne suis pas sportive, mis à part le métier, mais je fais un peu de danse.

Classique ?

Non, salsa, et autres… J’aime aussi le théâtre, le cinéma, et la lecture, notamment ce qui touche à la psychologie. Mais tout cela n’est pas évident, vu nos horaires.

Que voulez-vous dire ?

Pas question d’abréger la nuit de repos. Le matin, nous avons de la « matière vivante » entre les mains, donc pas le droit à l’erreur.

Surveillez-vous la balance ?

Je n’ai pas trop de problèmes, de ce côté-là, mais il faut tout de même faire attention. Je ne me prive pas, même s’il m’arrive, rarement, de me restreindre un peu, pour un engagement.

Des modèles, dans la profession ?

Pas spécialement, même si je regarde toujours Olivier Peslier ou Christophe Soumillon… Mais, mon "idole", c'était Cash Asmussen.

Chez les femmes ?

Non. Chacune a sa vision des choses. Mais j’avoue que Nathalie Desoutter a plusieurs cordes à son arc. Elle méritait bien ce premier Trophée « féminin » qui lui a été décerné, le 10 avril.

Célibataire ?

A mon grand regret…

Comment se fait-il ?

Je n’ai pas encore rencontré la bonne personne… Alors je vis seule, comme une grande.

Un « bonus » à ajouter ?

Je suis contente que mes parents m’aient laissée libre de faire ce que je voulais, comme pour mon frère, qui est cuisinier, lui.

Et votre… âge – pardon pour l’indélicatesse - ?

J’ai toujours le goût de la casaque, et il ne va pas me quitter tout de suite.