Lundi 31 Août 2015
Lénie Suzineau

Retour sur 15 ans de passion, de travail et de fractures.

Qu’est-ce qui a motivé votre décision d’arrêter votre carrière ?

J’y pense depuis un an mais mon dernier accident au mois d’avril a accéléré les choses. À cause d’un pneumothorax et de plusieurs côtes fracturées, j’ai été écarté de la compétition plusieurs mois. Pendant ce temps, un cheval que j’avais préparé et débuté, nommé Bon Augure, a gravit les échelons sans moi. Quand je suis revenu, mon patron Adrien Lacombe m’a annoncé que je ne le remonterai pas, car il avait gagné ses 3 dernières courses avec un autre jockey.

Cela a été un coup de massue pour vous ?

Oui, car j’en rêvais la nuit de ce cheval. C’est lui qui me faisait tenir pour continuer. Il pouvait changer ma fin de carrière et m’apporter les victoires à Auteuil que je n’avais pas eues. Je comprends mon entraîneur, lui non plus il n’a jamais touché un cheval pareil, mais c’est frustrant pour moi de ne pas récolter les fruits de mon travail à mon retour. Surtout que ce cheval était très compliqué à dresser. Quand tu as 32 ans, tu te dis que tu n’en auras plus d’autre occasion comme celle-ci.

Avec quel sentiment quittez-vous le monde des courses ?

De l’amertume. Je sais que ce n’est pas un monde de « bisounours », qu’il y a de l’argent en jeu, mais cela pourrait être tellement différent parfois. Des gens comme David Powell, Gilles Chaignon ont été des gens fidèles, humains et corrects que je tiens à remercier.

Vous avez totalisé 224 victoires en 15 ans. Quel bilan tirez-vous de votre carrière ?

J’ai eu une belle carrière sympathique mais je n’ai souvent pas eu de bol. A cause de fractures au mauvais moment qui ont impacté ma carrière car j’en totalise 17 en tout… Je n’étais pas doué à la base, mais j’ai toujours essayé de bien faire. En travaillant dur comme c’est le cas chez Guillaume Macaire, ça a fini par rentrer.

Que retenez-vous des 11 ans passés à ses côtés ?

Ce n’était pas facile ! Quand tu as 16-17 ans et que tu te fais hurler dessus du matin au soir, il faut réussir à encaisser. Mais j’ai persisté, ce qui m’a permis de décrocher une cravache de bronze en 2008 avec 50 victoires. Je ne regrette pas d’être resté aussi longtemps, je n’aurais pas pu mieux faire. Comme à la base je n’étais pas doué, si je devais réussir dans les courses, c’était forcément chez lui. A force de sauter 15 chevaux par jour, on finit par progresser ! Mais à cause des accidents, j’ai souvent perdu des automatismes.

Expliquez-nous…

Comme ce n’était pas inné chez moi, il fallait que je compense par le travail, mais lorsque je revenais de convalescence, il me fallait du temps pour me réadapter. Ce sont les blessures qui m’ont, à chaque fois, coupé dans mon élan. Comme en 2009, j’ai souffert d’une luxation du coude, d’une fracture du radius, de la clavicule avec une greffe osseuse. Lorsque je suis revenu chez Guillaume Macaire, Bertrand Lestrade avait pris ma place, et c’était trop tard pour la récupérer. C’est ce qui m’a poussé à partir d’ailleurs.

Vous êtes alors arrivé dans l’Ouest en 2010. Comment ça s’est passé ?

C’était le début de la fin, mais je ne regrette pas mon choix. Je cherchais surtout à construire une vie de famille. Au bout de 11 ans dans le métier, je n’avais plus grand chose à perdre… C’était une région qui correspondait davantage à mes qualités. Je suis alors arrivé chez Alain Couétil où je ne me suis pas très bien adapté à sa méthode basée sur la vitesse. En arrivant chez Adrien Lacombe, j’avais retrouvé un second souffle car sa méthode de travail correspondait à celle que j’avais connue chez Guillaume Macaire.

Quel regret formulez-vous sur votre carrière ?

De ne pas avoir suffisamment profité des bons moments et des victoires car ça peut très vite s’arrêter. Mon autre regret sera de ne jamais avoir remporté une course de groupe à Auteuil.

Quelles perspectives s’offrent à vous désormais ?

Je compte faire une formation pour un travail manuel mais je ne souhaite pas en dire davantage tant que je n’ai pas passé les tests… Je sens que j’ai encore besoin d’apprendre. Mais une chose est sûre, je continuerais à côtoyer les chevaux car j’en ai deux en retraite dans mon jardin, mais je ne veux plus que mes enfants viennent me voir à l’hôpital.

Source : coursesepiques.com - Propos recueillis par Marion Dubois