Lundi 15 Février 2010
arnaud-duchene

Arnaud Duchêne, ces dernières semaines, a été sous le feu de l’actualité, et Jacques Darmony, de Paris-Turf, a consacré un long article, le 9 février, à la mésaventure arrivée au fils du regretté Roger.

Rappel des faits : dans le quinté du vendredi 29 janvier à Pau, son partenaire, Secret Agent (24/1), commet une faute très sérieuse au dernier obstacle de cette course de haies longue de 3.800 mètres. Le terrain est lourd. Le pensionnaire de Laurent Métais peine à se relancer, mais il va pouvoir vivre sur son avance pour conserver la troisième place qu’il occupait au saut de cet ultime obstacle. Arnaud Duchêne « se relève », quelques mètres avant le poteau d’arrivée… Atlas du Berlais (40/1) vient leur ravir, d’un nez, le premier accessit.

C’est vrai. Cela change tout. Pour les parieurs (jeux simples placés, tiercé, quarté ordre, quinté ordre…). Le jeune cavalier (28 ans), qui s’est fait surprendre de quelques centimètres, n’a pas respecté le Code des Courses, qui prévoit qu’un jockey doit soutenir sa monture jusqu’au bout du bout.

Que s’est-il réellement passé ?

Je plaide coupable. Je ne pensais pas qu’Atlas du Berlais pouvait revenir nous coiffer. Coupable, et responsable.

Qu’elle a été la première sanction des commissaires ?

1.000 euros d’amende, et 15 jours de « mise à pied ». Alors là, j’ai vu « rouge ».

C'est-à-dire ?

Même pour ceux qui gagnent très bien leur vie, 1.000 euros, c’est une somme, alors, pour moi… Et 15 jours, de plus, à ne pas pouvoir récolter un centime. Je les ai plus ou moins traités de tous les noms…

Alors ?

Alors, ils ont doublé ma « mise à pied »… En plus des 1.000 euros d’amende, ils me « prenaient » un mois de salaire. J’ai bien failli « déraper » plus gravement encore. Heureusement, Ervan Chazelle, un ami de longue date, est intervenu et m’a demandé de me calmer. Dans sa bouche, les mots ont eu du poids. Je savais qu’il ne voulait que mon bien…

Et maintenant ?

Je suis rentré à Maisons-Laffitte, chez mon patron, Jehan Bertran de Balanda. Il m’a dit que j’avais eu tort, bien sûr, que j’aurais dû me taire. Mais ce qui est fait est fait…

Quelles conclusions en tirez-vous ?

J’ai présenté mes excuses, bien entendu. Et je sais parfaitement que j’ai commis une faute. Mais, d’un autre côté, ce n’est pas mal que cet incident ait été mis sur la place publique, que les gens en parlent. Cette histoire de « double punition » est d’un autre temps… Le Code des Courses doit être dépoussiéré, et j’espère que les têtes de liste de la profession vont tenter de faire évoluer les choses. Puisque les dirigeants aiment tant le « modèle britannique», pourquoi ne s’inspireraient-ils pas du Code des Courses anglais ? J’ai eu la chance de remporter un Groupe III, outre-Manche, pour François Doumen, avec Kasbah Bliss, qui m’avait déjà offert le Prix Finot. Je souhaite à tout le monde de vivre une telle expérience… C’est extraordinaire. Là-bas, les chevaux ne sont pas des « numéros ». Les turfistes connaissent les noms des pur-sang, leurs performances, leurs jockeys, leurs entraîneurs, les palmarès… Ils lisent le Racing-Post de A à Z. En France, malheureusement, certains parieurs ne savent même pas sur qui ils misent, si ce n’est le 5, ou le 8. Et ces mêmes-là sont capables de vous insulter – voire pire -, si vous avez commis une petite erreur durant le parcours, ou que vous êtes battus à la lutte, à la « régulière ». Les jockeys ne sont pas assez « reconnus », chez nous. On oublie trop souvent le côté « sportif de haut niveau » et les efforts qu’il faut faire pour s’y maintenir.

Lesquels ?

Sans parler de l’entraînement, lutter contre le poids, par exemple, tout simplement. Pour ma part, je mesure 1,73 mètre et, pour pouvoir monter à 64 kilos, je dois faire attention. C’est une hygiène de vie, des privations, parfois…

Je ne vous demande pas comment vous êtes venu à ce métier…

C’était une suite logique. J’en ai toujours rêvé. Je suis entré  à l’école du Moulin à Vent, j’ai eu d’abord Christiane Head-Maarek comme maître d’apprentissage, puis Jean-Paul Gallorini.

C’est, sans doute, là que vous êtes passé à l’obstacle ?

Oui.

Par goût ?

Oui, mais si je n’avais pas connu de problèmes de poids, j’aurais bien aimé continuer encore un peu en plat. Mais, à 16 ans, de par ma morphologie, j’étais déjà trop lourd. D’ailleurs, et c’est dommage, j’ai rapidement eu une réputation de « gamin lourd ».

Vous avez été au service de plusieurs écuries, vous avez « voyagé »…

J’ai beaucoup bougé, car je me suis beaucoup « cherché », aussi, par rapport à ma famille, et tout un tas de choses… J’ai appris… Ceux qui te disent qu’ils vont te faire monter, parce que tu es le fils de Roger, etc… quand tu es dans la « merde », tu ne les entends plus. Et c’est ceux que tu attends le moins qui te tendent la main. Depuis trois ans, j’étais chez LoïcManceau, à Pau. Cela m’a fait beaucoup de bien, m’a remis les idées au clair… Une très belle période de ma vie.

Vous avez eu le temps de vous faire quelques bons souvenirs, tout de même…

Oui. Je vous ai parlé de Kasbah Bliss. Il y a eu aussi Millenium Royal, toujours pour François Doumen, et la Grande Course de Haies d'Auteuil 2007, Groupe I.

Vous avez également été victime d’un grave accident…

En 2002, à Dieppe. Triple fracture ouverte des tibias et péronés gauches, et fracture du genou droit. Un an et demi d’arrêt…

Vous avez dû vous poser des questions…

Fatalement. On se pose plein de questions. Mais j’avais vraiment envie « d’y retourner ». Ma seule peur… c’était d’avoir peur, à cheval. Mais, heureusement, je me suis vite rassuré, après mon retour. Mais j’ai toujours dit que, le jour où je la ressentirai, j’arrêterai.

Admirez-vous certains jockeys ?

Comme tout le monde, les pilotes vedettes. Ils ne sont pas les meilleurs pour rien. Mais j’ai beaucoup d’admiration pour Laurent Métais. Quand je suis arrivé dans les vestiaires, il m’a pris sous son aile. Il m’a toujours donné de bons conseils. Même quand je remportais une course, parfois, il m’appelait, me prenait à part et me tirait l’oreille en me disant : « Là, tu as fait une bêtise… ». J’avais beau lui répondre que « j’avais gagné quand même », il me rétorquait : « Oui, mais ce petit détail aurait pu te coûter la victoire… Corrige-le, la prochaine fois… ». Et puis, il y avait la génération précédente. Mon père, bien sûr, son ami Patrice Lemaire, Christophe Aubert, Bruno Jollivet, et même Philippe Chevalier, que je connais depuis qu’il a rejoint le staff Gallorini, venant du concours hippique et des rangs amateurs… C’était une autre ambiance, entre eux. Autant ils pouvaient être rivaux, sur la piste, autant ils étaient solidaires, dans le vestiaire. De nos jours, peut-être parce que c’est plus « dur » et que tout le monde défend son « beurre », chacun a sa petite place, son petit coin… et la rivalité continue dans le vestiaire. Les mentalités sont complètement différentes.

Avez-vous d’autres passions ?

Le golf. Il y a rien de mieux pour se « vider » la tête. A Maisons-Laffitte, nous formons une bonne équipe, avec Boris Chameraud, Sylvain Dupuis, et quelques autres, et nous jouons souvent.

Votre avenir immédiat ?

Je suis tous les jours au boulot, je travaille « à fond ». D’un autre côté, je suis plus « relax », j’ai moins à me soucier de mon poids au gramme près, le temps de cette « suspension ». Et puis, une fois ma peine « purgée », je vais revenir à Auteuil… Et je vais essayer de rattraper le temps perdu…