Mercredi 30 Juin 2010
xavier-hondier

A bientôt 39 ans, il est l’un des jockeys d’obstacle les plus chevronnés. En témoigne le cap des 300 victoires qu’il va bientôt franchir. Lundi, à Dieppe, en selle sur Présidentiable, qui lui en avait déjà offert un, cet hiver, à Cagnes-sur-Mer, il a remporté son 12ème quinté. Mais Xavier Hondier se fait plus rare en France, se rendant fréquemment en Italie, où il a déjà signé deux Groupes I. Il y a deux saisons seulement, un sauteur allemand, Ataman, lui avait apporté son premier Groupe en France… Eclairage sur un homme discret, mais ô combien professionnel…

Comment êtes-vous devenu jockey ?

J’ai toujours été passionné par les chevaux. A 7 ans, ma décision était prise…

Des parents dans la profession ?

Non. Mon père connaissait un entraîneur, Christian Gautier, installé à Maisons-Laffitte. A 11 ans, tous les jours fériés, et pendant toutes les vacances scolaires, je faisais l’aller-retour Colombes, où nous habitions, Maisons-Laffitte, à bicyclette… Je montais deux ou trois lots…

Ensuite ?

Itinéraire normal. A 14 ans, je suis entré à l’école AFASEC de Maisons-Laffitte, avec, bien sûr, Christian Gautier pour maître d’apprentissage. J’avais l’avantage d’avoir déjà beaucoup pratiqué, je faisais même déjà sauter les chevaux, depuis mes 12 ans, au Rond Adam. J’étais donc en avance. J’ai débuté en plat, j’ai monté pour Gérard Philippeau, Jean-Pierre Perruchot, mais j’ai vite été embêté par des problèmes de poids.

Alors ?

A 16 ans, je me suis orienté vers l’obstacle. A 17 ans et demi, je réalisais un coup de 3 à Auteuil… Et je n’avais pas encore 18 ans quand j’ai perdu ma décharge. J’ai travaillé pour Christian Gautier, donc, Michel Papoin, Noël Pelat, où j’ai succédé à Pierrot Larbodière, qui avait d’autres projets, Bruno Jollivet, pendant 4 ans, et j’ai alors décidé de devenir « free-lance ».

Pourquoi ?

Je voyage beaucoup, je suis allé pas mal en Belgique mais, depuis 2 ans, je travaille très souvent en Italie, et ces déplacements sont incompatibles avec un poste à temps plein. Cela dit, je me mets souvent en selle pour Yannick Fertillet, un ami depuis 1998, Pierrot Costes et d’autres. François Doumen a souvent fait appel à moi, aussi, et il ne manque jamais de me féliciter après un beau succès… Je préfère monter « dans la longévité », pour des entraîneurs, ou propriétaires, qui me font confiance depuis longtemps. D’ailleurs, en  cas de « coups  durs », ils ont toujours été là…

C’est-à-dire ?

Comme tous les collègues, j’ai connu des chutes, des fractures, des périodes de vacances forcées… Votre nom disparaît des programmes, et il faut ramer, pour revenir… A chaque fois, ils m’ont redonné ma chance… Ce ne s’oublie pas.

 On vous voit tout de même moins…

Par la force des choses. Je suis un jockey « vieillissant », comme aime à le souligner Yannick Fertillet, pour me « chambrer », et qui, quand je monte une belle course, me complimente : « pas mal, pour un jockey vieillissant… ». Et puis, surtout, je sélectionne. Chaque année, je dresse des 3 ans, il y en a toujours 4 ou 5 qui réussissent bien. J’aime suivre leur carrière, leur évolution.  Je monte pour me faire plaisir, j’ai passé l’âge d’accepter tout et n’importe quoi. Je laisse ça aux jeunes qui ont le couteau entre les dents, qui veulent se faire une place au soleil. Me mettre en selle sans savoir si je vais finir le tour, et pour 48 €, ça ne m’intéresse plus…

Vous vous en sortez, financièrement ?

Je n’ai pas à me plaindre. Les courses, c’est ma passion, ma vie. Je ne sais pas encore combien de temps je vais encore exercer, mais je suis en forme physique, j’ai toujours été dans un contexte sportif… Mais, parallèlement, j’ai investi mes économies dans une écurie, à Maisons-Laffitte, avec 27 boxes, pour des chevaux de selle, dont je m’occupe avec ma compagne Soumaya. C’est très bien, mais j’ai besoin de vibrer. Or, mon écurie ne me fait pas vibrer. Seules les courses procurent ces sensations indescriptibles. Par ailleurs, j’adore les voyages et, en Italie, on gagne bien sa vie.

Comment cela ?

Je collabore avec la famille du Marquis Razza Dormello Olgiata, l’une des plus anciennes casaques, celle que portait le phénomène Ribot. Ils produisent l’un des meilleurs vins italiens, sur une propriété de 7.500 hectares. Au cœur du domaine, 200 hectares sont consacrés aux chevaux et à l’entraînement, avec 11 pistes en gazon. Pour vous donner une idée, le centre d’entraînement de Maisons-Laffitte s’étend sur 260 hectares… Ce sont des gens charmants, très simples, amoureux des chevaux et des courses. Je me rends là-bas en moyenne deux fois par mois. Quand il s’agit de concourir à Rome ou à Pise, je peux faire l’aller-retour dans la journée. En revanche, quand c’est à Merano, l’avion se pose à Vérone, il faut ensuite louer une voiture, et je dois alors rester sur place deux ou trois jours… Tous mes frais sont payés et, je vous parlais tout à l’heure des 48 € alloués à une monte perdante, en France. En Italie, le tarif est de 200 €.

Une drôle de différence !

Depuis 1991, au sein de l’Association des Jockeys, je réclame que cette allocation de base soit revue à la hausse, je sais que nos dirigeants se battent continuellement pour y parvenir, mais, pour l’instant, ils se heurtent au refus de l’Association des Propriétaires. Et c’est grave…

A quel point de vue ?

Si vous n’êtes pas une « vedette », jockey d’obstacle est devenu un « métier de pauvre ». De moins en moins de jeunes sont intéressés. D’ailleurs, les entraîneurs sont les premiers à le constater. Ils ont de plus en plus de mal à trouver des « gosses » décidés à perdurer, qui ne rangent pas leurs bottes après deux ou trois cabrioles, ou qui ne se mettent pas en arrêt maladie pour un ongle cassé…  

Vous n’avez jamais eu cette réputation…

J’ai toujours essayé de faire mon métier du mieux possible, avec sérieux, j’ai toujours été droit, correct, et c’est pourquoi, je pense, mes « clients » me rappellent toujours…

Un message à faire passer ?

Je tiens à remercier ma femme. Nous sommes ensemble depuis 13 ans, et ce n’est pas toujours facile pour elle. Outre le coup de main qu’elle me donne à l’écurie, elle s’occupe de toute l’administration, toute la « logistique » de mes déplacements, billets d’avion, location de voitures, et sans parler de nos deux fils, Ilian, 8 ans et demi, et Jad, 2 ans et demi, dont elle s’occupe avec amour. En dehors du métier je crois que, pour tout le monde, ce bien-être familial est indispensable à l’équilibre…

Et l’équilibre, pour un jockey d’obstacle, c’est primordial…