Lundi 13 Septembre 2010
laurent-gerard

A 40 ans, Laurent Gérard fait partie des « anciens » de l’obstacle. Et ce n’est pas parce qu’il s’est cassé la main en juin, ou qu’il vient d’être opéré de la glande thyroïde, que l’idée d’arrêter sa carrière lui effleure l’esprit. Il va passer le cap des 300 victoires, s’est distingué dans les deux disciplines, puisqu’il a remporté, entre autres, les Rêves d’Or, en plat, à Vichy, et quelques très belles épreuves à Auteuil, comme les Prix Ketch, Fifrelet, Gilles et Alain de Goulaine, Gérald de Rochefort, Mélanos et de Longchamp ou encore la Grande Course de Haies de Baden-Baden, celle de Clairefontaine et, à Enghien, les Prix de Besançon ou Durtain. Mais l’envie est toujours là, comme son implication au sein de l’Association des Jockeys, depuis 6 ans. Et c’est avec son cœur, qu’il répond aux questions…

Comment se passe votre convalescence ?

Très bien. L’opération s’est parfaitement déroulée, les analyses du nodule que le médecin avait détecté, sont bonnes… Je n’ai plus qu’à être patient. Je suis arrêté jusqu’au 21 septembre, mais il faudra voir si la cicatrice est bien « solide ». Les muscles du cou sont sollicités, à cheval, et je ne voudrais pas que tout cela « lâche », en reprenant trop vite.

Qu’est-ce qui vous motive ?

J’aime les chevaux, j’aime le sport. Monter en course est un sport. J’aime préparer « mes » sauteurs, le matin à l’entraînement, et le plaisir suprême, c’est de gagner avec eux, l’après-midi.

Pour qui travaillez-vous ?

J’habite à côté de Deauville, je suis salarié chez Markus Nigge, et je me mets en selle pour d’autres entraîneurs locaux, comme Stéphane Wattel, Philippe Van de Poële ou Dominique Darlix. Mais ils n’ont que très peu d’éléments, surtout cette année. Alors, par le passé, je me rendais régulièrement dans la baie du Mont-Saint-Michel, à Genêts, chez Antoine Lamotte d’Argy, avant qu’il ne s’installe à Maisons-Laffitte. J’y arrivais très tôt, ce qui me permettait d’être de retour à Deauville en fin de matinée, pour Markus. J’allais également parfois à Maisons-Laffitte. Si vous ne montez pas à l’entraînement, vous ne montez pas non plus en compétition, et j’ai envie de monter davantage… Mais je dépends des professionnels de la région, désormais.

Pourquoi avoir choisi ce métier ?

Mon père était turfiste, et un assidu des hippodromes de l’Ouest. Je l’accompagnais souvent. J’étais aux anges. Comme j’étais tout petit et très léger, je me voyais bien jockey. Je suis entré à l’Ecole de Vimoutiers mais, comme elle n’était pas reconnue par France Galop, j’ai dû partir pour celle du CFA, à Chantilly, qui n’existe d’ailleurs plus. J’avoue que j’ai « morflé » de quitter mes parents et les miens.

Tout s’est cependant bien déroulé ?

J’étais nul, à cheval. Dominique Sepulchre, chez qui je suis resté 6 mois, n’a pas mis que des bonnes appréciations, sur mon carnet… J’ai alors intégré l’équipe du Haras du Mézeray, pour la famille Moussac et Antoine Bozo. Ensuite, j’ai fait un an, en tant que « stagiaire » chez François Pedrono, avant d’aller chez Philippe Van de Poële, qui venait de s’installer, et qui a été mon maître d’apprentissage, pendant deux ans. J’ai débuté, en plat, en 1988, année de mon premier gagnant, à Rouen, et j’ai beaucoup monté, dans cette discipline. Mais j’ai connu des problèmes de poids. Il me fallait observer un drôle de régime pour descendre à 53 ou 54 kilos. Et, dans ces conditions, tu n’es pas physiquement assez fort. J’ai débuté en obstacle en 1990.

Et ça vous a plu ?

Oui. C’est une spécialité où la « main » du cavalier intervient plus qu’en plat, la notion de chance y est moins importante, il faut vraiment « sentir » son cheval. J’adore ce métier. Je ne cherche pas à être en haut de l’affiche ou à la « une » de Paris-Turf, mais je me défonce dans ce que je fais. J’aime l’argent, comme tout le monde, mais je ne vais surtout pas me prendre pour un autre. Le principal, c’est de bien faire son travail et, le top, de gagner pour les gens que tu aimes. Avec 23 ans d’expérience, je n’ai aucun doute sur mes compétences, même si, parfois, après une grosse « pancarte » tu peux te remettre en question. Mais, d’un autre côté, l’obstacle t’a à l’usure…

Comment cela ?

J’ai la chance de ne pas avoir été victime d’accidents graves, mais ça, + ça, + ça… Par exemple, je pratiquais le tennis et le squash, mais j’ai maintenant des problèmes d’épaule…

A propos d’accidents, vous êtes l’un des membres dirigeants de l’Association des Jockeys…

Sous son ancienne forme, elle ne m’intéressait pas beaucoup. Mais, quand j’ai mis le « nez dedans », il y a six ans, avec son nouveau Président, Ronan Thomas, je me suis tout de suite senti très concerné. Je m’y investis beaucoup. Nous avons de fréquentes réunions, comme encore ce mardi 14 septembre, et elles sont généralement constructives. Nous faisons des choses utiles, nous battons pour ce que nous estimons juste, pour faire évoluer certains règlements, sécuriser tous les hippodromes, et, bien évidemment, aidons ceux qui en ont besoin, ceux qui se blessent plus ou moins sévèrement. Nous nous chargeons de toutes les démarches administratives. Le côté associatif me plaît beaucoup. Ne pas vivre que pour « sa pomme »…

Comment voyez-vous vos prochaines années ?

Disons que le temps me pousse inévitablement vers la « retraite ». Dans deux, trois ou quatre ans…

Des idées de reconversion ? Entraîneur ?

Entraîneur, c’est vraiment beaucoup de soucis. Je n’ai pas encore d’idées bien arrêtées. J’aime écrire, d’ailleurs je vais avoir un blog régulier sur le site de l’Association, site que nous nous tentons de développer et de faire évoluer. Alors, pourquoi pas la presse spécialisée ? Je voudrais toutefois demeurer jockey d’entraînement, 3 ou 4 matins par semaine, avec un autre boulot à côté. Devenir handicapeur me plairait bien. Commissaire, aussi, mais professionnel, et non bénévole, pour faire avancer « le truc »… Maintenant, j’ai tellement le goût de la compétition, que je ne suis peut-être pas à l’abri de m’essayer entraîneur… Toutefois, je suis sûr d’une chose…

Laquelle ?

Depuis des années, je n’ai vécu que pour moi et ma carrière, j’ai fait beaucoup de concessions au niveau de la famille. Je ne parle pas uniquement de ma femme et de ma fille, Clémentine, car j’ai moins monté quand elle est arrivée, pour la voir un peu grandir, mais de mes parents, mes frères, mes sœurs… J’ai sans doute raté quelque chose… Alors je voudrais aussi prendre un peu de recul, me consacrer davantage aux miens, d’autant qu’en principe, en 2011, nous aurons un deuxième enfant.

En principe ?

Déjà pour Clémentine, qui a 6 ans aujourd’hui, avec mon épouse, Sandrine, qui est infirmière à l’hôpital de Lisieux, nous nous étions tournés vers l’adoption, pour fonder une famille. Nous sommes passés par une association et sommes allés chercher notre fille en Colombie. Et, quand tu as passé un mois en Colombie, tu ne pleures plus, en France… Nous avons rencontré des gens formidables. C’est une riche expérience humaine. Je ne dis pas « humanitaire ». Alors, normalement, l’an prochain, nous referons un voyage en Colombie.

Et vos loisirs ?

Je ne suis pas « boulot-dodo ». Tout ce qui est « culturel » m’attire, du cinéma à l’opéra, en passant par la musique, toutes les musiques, le théâtre… J’ai aussi mes « potes », Yann Barberot et Nicolas Millière, qui, eux aussi, ont fait carrière à Deauville. J’aime les bonnes tables, les bons vins, sans pour autant jamais en abuser, et les bons amis. Je pense être quelqu’un de sérieux, consciencieux et responsable.

Un souhait ?

Que tout le monde respecte tout le monde.

Respect, M. Gérard…