Mardi 16 Novembre 2010
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Le dimanche 14 novembre à Auteuil, il a remporté le Prix Marc Antony, le quinté du jour, catégorie où, en 8 tentatives, il n’avait, jusqu’alors, pu prendre qu’une cinquième place. Cette victoire, la plus belle, était la vingtième de l’année, alors qu’il n’en avait signé qu’une en 2008 et une en 2009. A 21 ans, Alain de Chitray prend son envol…

Comment tout a-t-il commencé ?

Nous habitions Château-Gontier, et je me rendais assez régulièrement aux courses, près de chez-nous. Mon père, forestier, qui a maintenant une entreprise d’entretien des forêts, a toujours aimé les chevaux, pour la promenade, et, également, les trotteurs. D’ailleurs, pour l’anecdote, il avait acquis, avec des amis, une poulinière. Au départ, elle était destinée à la balade, mais il l’a tout de même mariée avec Off Gy, un étalon qui stationnait dans notre région. La première pouliche qui est née s’appelait… Dryade des Bois ! Entraînée par Jean-Baptiste Bossuet et menée par Jos Verbeeck elle a enlevé… le Prix d’Amérique ! Comme mes parents ont vu que j’aimais aussi les chevaux, ils m’ont acheté un poney.

Vous avez participé à des courses ?

A quelques-unes, mais sans grands résultats…

Pourquoi jockey, alors ?

Un entraîneur réussissait – et réussit toujours – très bien, pas loin de Château-Gontier. Etienne Leenders. J’ai pris l’annuaire téléphonique, et mon culot, à deux mains, et je l’ai appelé, pour lui dire que j’aimerais bien suivre un stage dans son écurie.

Alors ?

Il m’a donné une réponse favorable. J’avais à peine 14 ans. Durant les vacances de Noël, j’ai passé une semaine dans son établissement. J’étais emballé. Et comme tout s’était bien déroulé, j’ai pu y retourner à chaque période de congé. Là-bas, tout le monde m’a conseillé d’entrer à l’AFASEC, l’école du Moulin-à-Vent, à Gouvieux, près de Chantilly. Ce que j’ai fait, après ma classe de 3ème, pour préparer un BPA, sur 2 ans. Les conseillers sont toujours attentifs au lieu de résidence de votre famille et, du coup, j’ai eu Henri-Alex Pantall, implanté à proximité de chez mes parents, pour maître d’apprentissage.

De bons souvenirs ?

Oui. Il m’a accordé sa confiance et m’a fait monter plusieurs fois, en plat. Je n’ai jamais gagné, mais j’ai pris quelques places. Mais voilà…

Voilà quoi ?

Je mesure maintenant 1 mètre 74… Les problèmes de poids n’ont pas tardé à « me tomber dessus ».

Découragé ?

Non. Après ces deux premières années, je voulais absolument rester dans le milieu, l’obstacle est devenu une évidence et Mathieu Androuin, qui travaillait pour M. Pantall, m’a suggéré de contacter Jehan Bertran de Balanda, à Maisons-Laffitte. J’ai pu entrer au service de grand professionnel. Je me suis mis en selle à plusieurs reprises, en compétition, mais, comme il me l’a dit, il n’avait pas beaucoup de chevaux pour moi : des « réclamers » à confier à des apprentis… Après 9 mois, j’ai rejoint l’équipe de Thomas Trapenard.

Et là ?

Là, j’ai découvert encore autre-chose. Si l’ambiance est « boulot, rigueur », il est vraiment très formateur. Il m’a énormément appris. Il n’avait qu’un petit effectif, puisqu’il n’était revenu qu’au début 2008, après avoir mis une parenthèse à sa carrière… Il n’y avait qu’une quinzaine d’éléments, au début. Mais, quand les conditions de course le permettaient, il n’hésitait pas à me les confier. Et la récompense est venue tout à la fin de l’année, mon premier succès, à Auteuil, qui plus est, avecMatch d’Ouilly, lors de la dernière réunion de la saison…

2009 ?

Ce fut dur… Thomas remontait véritablement son écurie, tout redémarrait… Bref, je n’ai encore remporté qu’une épreuve.

2010 ?

La patience du « patron » a payé, l’effectif s’est étoffé. En début d’année, pour lui, j’ai réalisé un coup de deux, à Enghien. D’autres victoires ont suivi… Et puis, lors de la « der » d’Auteuil, en début d’été, j’ai gagné pour Marie-Laetitia Mortier, avant de bien faire, aussi, à Clairefontaine.

Vous avez quitté Thomas Trapenard…

Oui. Au bout de 2 ans, je me suis rendu compte que je commençais à stagner. Or, l’important, à mes yeux, c’est d’ « avancer »…

Et maintenant ?

Depuis début juillet, je travaille pour Carlos Lerner, un homme avec qui il est difficile de rencontrer un problème. Et il me laisse monter pour d’autres professionnels…

Comme Marie-Laetitia Mortier, justement, qui s’occupe de Diamant de Beaufai, avec qui vous venez de signer votre premier quinté…

Oui. Nous venions d’enlever une « deuxième épreuve de handicap », à Enghien, précisément devantRoyal Ultimatenia, qui a encore terminé deuxième dimanche, mais, avant le coup, je trouvais ça « osé » Marie était sûre de la forme de son protégé, le terrain très lourd nous a sans doute bien aidés… Super.

Qu’avez-vous ressenti en passant le poteau en tête ?

Très difficile à exprimer… Peut-être l’impression d’atteindre quelque chose de nouveau… D’avoir franchi un petit palier….

Et comment faîtes-vous, pour progresser ?

Quand je ne suis pas en piste, je regarde le déroulement des épreuves, la position, la monte de tous les jockeys, car tous sont intéressants à observer… Je note mentalement les trajectoires qu’ont choisies, à tel ou tel moment, les Cottin, Gombeau, ou Pieux, et je pourrais en citer d’autres… Ensuite, je n’hésite pas à aller leur poser des questions… Les jockeys d’obstacle sont très ouverts, ils me répondent toujours…

Vos problèmes de poids ?

Je pèse 61 ou 62 kilos, sans régime. Désormais, c’est tranquille.

Vous êtes-vous déjà accidenté ?

Non. Quelques petits pépins inévitables dans notre profession, fractures des côtes, nez cassé… Mais rien que des petits « pètes » sans gravité. Je croise les doigts. Cela dit, ils nous endurcissent et permettent d’aller de l’avant.

Votre principale qualité ?

Je pense savoir toujours garder mon calme, dans la vie comme en course.

Votre défaut ?

La « finition ». A la lutte, je voudrais être plus efficace, « porter » davantage mes chevaux, leur faire donner le dernier coup de reins, comme d’autres savent le faire.

Comment y parvenir ?

J’y travaille. De toute façon, dans tous les domaines, il n’y a que le travail. Il y a un cheval mécanique, dans l’établissement de Carlos Lerner et, tous les midis, l’entraînement terminé, je peux l’utiliser, en compagnie de Marc, un fils de Carlos.

D’autres sports ?

Footing. Pour entretenir ma condition.

Et d’autres passions ?

Non, pas vraiment. Le temps manque. Je suis très « classique », j’aime les sorties, les cinémas, avec mon amie.

Pas trop dur, le réveil à l’aube, parfois ?

Quand on sait pourquoi on se lève, c’est vraiment motivant.

Les objectifs ?

Si tout va bien, j’espère perdre ma décharge  à la mi-2011. D’un autre côté, je souhaite, aussi, que ne plus bénéficier de cet avantage ne me « stoppe » pas. C’est une motivation supplémentaire, pour aller en découdre.

Les projets ?

Je n’irai ni à Cagnes-sur-Mer, ni à Pau, pour les meetings… Depuis que j’ai commencé, je n’ai pas encore pu m’accorder de vacances. Alors je pense qu’il y aura une petite destination « soleil », cet hiver, Tunisie ou Maroc, par exemple…

Comment expliquez-vous ce « décollage », en 2010 ?

Quand tout s’enchaîne bien, que vous vous faîtes remarquer, non pas par votre talent mais, disons, par votre constance, vous êtes plus demandé. C’est la bonne spirale… Et je vais tout faire pour ne pas la quitter.