Mardi 14 Décembre 2010
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Ce lundi 13 décembre 2010 à Fontainebleau, Ludovic Solignac, 29 ans depuis le 8 novembre, a réalisé le troisième "coup de deux" de sa carrière, après ceux à Fontainebleau, déjà, puis Enghien, sans parler de celui, "PMH", à Meslay-du-Maine. Il a remporté une course de haies pour Dominique Bressou, et un steeple-chase pour son patron, Bertrand Lefèvre… Il approche de la barre des 100 victoires et, pourtant, tout avait mal commencé…

Comment vous est venue l’envie de devenir jockey ?

J’avais fait une courte approche dans un petit club hippique, dans l’Aveyron, d’où je suis natif.  Je suis tombé amoureux de l'animal. Avec mes parents, nous avons visité le haras de Rodez, où j’ai appris qu’il y avait des écoles, à Mont-de-Marsan et à Paris, entre autres, pour devenir jockey. J’étais un casse-cou, j’aimais la vitesse, j’ai dit banco…

A Mont-de-Marsan ?

C’était en alternance, pour un premier stage de six jours, en vue d’une éventuelle admission. Trois à Mont-de-Marsan, où cela ne s’est pas mal passé, puis trois au Moulin-à-Vent de Gouvieux… Au soir de la deuxième session, à Paris, j’étais… à l’hôpital !

Comment cela ?

Nous étions à cheval, pour un test, en file indienne, à l’arrêt. Je n’avais que de vagues notions, j’ai demandé comment faire avancer ma monture. On m’a répondu : « avec les pieds ». J’ai donné deux coups de talon, et mon partenaire est parti au galop… Arrivé derrière celui qui nous précédait, il a fait « pile », je suis « passé par la fenêtre », la tête la première dans la croupe de ce fameux cheval immobile, qui ne l’est pas resté : il m’a décoché une ruade, juste à côté de l’œil… Une semaine d’hosto…

Dégoûté ?

Pas du tout. Mais je me suis dit que c’était fichu, que je n’allais pas être reçu à l’AFASEC. Ma mère, elle, était ravie. Elle pensait que l’accident m’avait « vacciné ».

Vous avez tout-de-même pu intégrer l’AFASEC ?

Oui. Comme je voulais absolument revenir, les examinateurs, ou les dirigeants, je ne sais pas, ont estimé que j’étais suffisamment déterminé pour, au moins, avoir le droit d’essayer…

Alors ?

Les trois premiers mois, j’ai passé plus de temps en clinique qu’à l’école… Mes chevaux faisaient un écart à droite, ou à gauche, et moi, je continuais, seul, tout droit, avec des traumatismes crâniens à la clef…

Toujours pas l’intention d'abréger l’expérience ?

Surtout pas… Je voulais y arriver et je suis un « fonceur ». On m’a fait suivre de véritables cours techniques, au Moulin à Vent, deux mois durant. Là, on m’a inculqué toutes les bases, et j’ai appris à tenir mes rênes correctement. C’était bien.

Un patron d’apprentissage ?

Antonio Spanu, pendant un an. Mais, à cette époque, il a connu des problèmes et a dû arrêter provisoirement. Je suis passé chez Georges Mikhalides qui, lui aussi, a mis un terme à sa carrière, six mois plus tard. Je suis alors entré au service de Jehan Bertran de Balanda, pour qui j’ai monté une dizaine de fois, en plat, et où j’ai rencontré Dominique Bressou, qui était le premier pilote d’obstacle.

C’est lui qui vous a convaincu de changer de spécialité ?

Non. C’est la force des choses. Je suis très « ossu », et j’aime bien manger à ma faim. J’ai connu des problèmes de poids. Je me suis désormais stabilisé à 62, 63 kilos. En trois ou quatre ans, j’ai gagné une course sur les « balais », à Fontainebleau, pour Jehan Bertran de Balanda, mais je ne montais pas beaucoup, cela ne se passait pas toujours bien… J’ai douté.

Jusqu’à quel point ?

J’ai songé que, finalement, je n’étais peut-être pas fait pour ce métier, qu’il valait peut-être mieux que je m’oriente vers « garçon de voyage », car je ne voulais pas quitter le milieu. Je suis retourné chez Antonio Spanu, dont la situation s’était arrangée, pour faire, justement, le garçon de voyage. Mais, le matin, je me mettais toujours en selle. Je me consolais en me répétant que, si monter à cheval n’était plus ma vraie profession, c’était toujours mon loisir préféré…

La suite ?

Deux mois plus tard, un copain qui travaillait chez Laurent Viel, m’a conseillé de tenter ma chance dans l’Ouest. J’ai rejoint le staff de Laurent Viel, effectivement, et en un an, j’ai enregistré 8 gagnants.

Vous avez alors beaucoup « voyagé »…

Un an chez Xavier Guérot, dont 4 mois sur la touche pour m’être cassé la malléole interne et externe ; 5 mois chez Nicolas Madamet, puis un an et demi chez Serge Foucher ; et je suis au service de Bertrand Lefèvre, à Senonnes-Pouancé, depuis bientôt 5 ans.

Combien de victoires ?

15, cette année, et 84, en tout.

Des souvenirs particuliers ?

Mon seul gagnant à Auteuil, un « cadeau » que m’avait fait Serge Foucher, avec Star Glory, dans un réclamer. Ce n’était qu’une modeste épreuve, mais s’imposer à Auteuil, c’est le summum. Toutefois, chez Serge Foucher, j’ai également connu une très mauvaise passe : 7 chutes d’affilée, avec une fracture de la clavicule lors de la dernière. J’ai voulu positiver : ce repos forcé, c’était peut-être la chance de mettre fin à la… malchance. De retour, je suis encore tombé, les deux premières fois, mais j’ai gagné lors de mon troisième essai…

Que disent les patrons, en pareils cas ? Ils vous « engueulent » ?

Pas forcément. Mais ils vous disent que vous êtes un poissard…

Après de telles séries, qu’est-ce qui vous motive ?

La compétition, dresser les chevaux, le matin, essayer de trouver celui qui va m’impressionner par ses progrès… Bien sûr, à notre niveau, nous ne pouvons rêver de Groupes I, et c’est bien connu, le bon cheval fait le bon jockey, et j’ai conclu à l’arrivée d’une listed Race avec Le Surdoué. Mais j’ai des coups de cœur particuliers, comme ma petite Lady Lord, un tout petit modèle mais un courage plus gros qu’elle, qui a gagné à Tours, et, dans la foulée, une épreuve PMU, à Châteaubriand, devant un « Macaire », puis qui a fini 4ème à Nantes, 3ème à Auteuil, 2ème, pour ses débuts en steeple, à Toulouse… Elle m’épate à chaque fois. Et, mon amour, c’est Eiregaumal, avec lequel j’ai terminé 3ème d’un quinté à Auteuil, qui m’a offert trois succès consécutifs et qui m’a toujours remis le pied à l’étrier.

Vous êtes également appelé par d’autres entraîneurs que Bertrand Lefèvre…

Dominique Bressou, dont je vous parlais tout à l’heure et pour qui j’avais réussi à Saint-Malo, il y a deux saisons, Adrien Lacombe, assez souvent, et, lundi, j’ai été flatté que Thierry Doumen me demande de remplacer Benoît Delo, indisponible. En plat, les pilotes qui n’ont pas d’agent ont beaucoup de mal à trouver des engagements, la même chose commence à se produire en obstacle. Mais, ce n’est pas dans mon état d’esprit. J’attends qu’on m’appelle, ce qui devient plus fréquent, et je ne marche pas encore avec une canne…

Avez-vous un modèle ?

S’il faut n’en choisir qu’un seul, c’est sans hésitations, l’unique, le mythe : Christophe Pieux. Quand j’étais tout gamin, je l’admirais déjà. Il a tout. A son âge, il est toujours là, au top. Et il n’a rien changé dans sa façon d’être, malgré son palmarès hallucinant. Il est extraordinaire. Il faut se rendre à l’évidence, je n’ai aucune chance de réaliser un dixième de ce qu’il a fait. Mais je suis heureux dans ma vie, je travaille en bonne intelligence, nous avons des résultats. Et ma femme, Marie, va bientôt nous donner un bébé…  

Vient-elle du monde des courses ?

Non. Même si son père évoluait dans le concours hippique, et fait désormais du pré-entraînement,  elle avait suivi des études de tourisme. Mais aujourd’hui, elle travaille à Senonnes, chez Alain Couétil…

Vous lui avez transmis le virus ?

J’ai la faiblesse de le croire… Lad, elle a voulu goûter à la compétition, et a disputé une dizaine de courses, avec deux places à la clef, face aux jockeys professionnels "hommes". Peut-être histoire de voir ce que pouvait ressentir son mari…

Allez-vous en meeting, cet hiver, à Cagnes-sur-Mer ou à Pau ?

Non. Je reste à l’écurie. Les meetings, surtout depuis qu’il y a ces agents, cela se prépare de longue date. Il faut les chevaux pour, avoir visé des épreuves. On ne débarque pas avec sa valise en annonçant qu’on est disponible.

Pas de vacances ?

Si. Nous allons nous accorder 5 ou 6 jours dans le Midi, à Mougins, chez mon ami Pierrot, Pierre Barbotte, qui travaillait chez Antonio Spanu mais qui a connu des ennuis de santé. Quand je n’allais pas bien, physiquement comme moralement, il a toujours été là. Je lui dois beaucoup. Ensemble, nous allons nous ressourcer…

Et le bébé, c’est pour quand ?

Ce sera un « taureau ».

Comme son Papa, pourtant officiellement « scorpion »…