Jeudi 6 Janvier 2011
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Après celles décrochées en 2004, 2008 et 2009, Ioritz Mendizabal obtient encore la Cravache d’Or de plat pour 2010. Et, après quelques jours de vacances dans sa famille, pour les fêtes, il a attaqué 2011 par deux victoires, pour ses deux premières montes, à Deauville. Il revient sur son itinéraire.

Quel âge avez-vous ?

Euh… 36, non 37 ans…. Attendez, je suis né en 1974. Je vais sur mes 37 ans…

Et où êtes-vous né ?

A San Sébastian, en Espagne.

Des parents dans le milieu hippique ?

Non. Mon père travaillait à la banque et ma mère était professeur. Mais ils aimaient se rendre sur le champ-de-course, pour se détendre et s’amuser, ils m’emmenaient avec eux, et les chevaux et le spectacle m’ont tout de suite plu.

Avez-vous fréquenté un centre équestre ?

Assidûment, depuis mes 11 ans. Là, j’étais vraiment conquis. J’ai décidé de faire le grand saut, et de devenir jockey mais, en Espagne, il n’y avait pas d’école AFASEC. J’ai donc franchi la frontière, pour intégrer celle de Mont-de-Marsan.

Vous parliez le français ?

Pas un mot. Ma langue maternelle, c’est le basque. Je me suis logiquement, et rapidement, mis à l’espagnol, mais je n’avais aucune notion de français.

Pas trop dure, alors, cette arrivée en France ?

Ce n’était pas facile, bien sûr, mais j’étais tellement content d’être là…

Qui a été votre maître d’apprentissage ?

Michel Laborde, à Dax. Un gros coup de chance, je suis vraiment bien « tombé ». On travaillait beaucoup, beaucoup, chez lui, mais en contrepartie, il jouait le jeu à fond. Dès que j’ai obtenu ma licence, il m’a fait très fréquemment monter. Deux mois après, j’enregistrais mon premier gagnant. Ensuite, je n’ai pas remporté beaucoup d’épreuves, mais j’étais régulièrement en selle et j’apprenais le métier.

Vous n’êtes pas resté, chez Michel Laborde…

A la fin de mon apprentissage, en 1991, j’ai eu l’opportunité d’entrer au service de Jean-Claude Rouget. Au bout d’un moment, les succès se sont accélérés et j’ai perdu ma décharge en 1994. Ensuite, six mois plus tard, ce fût le service militaire.

N’avez-vous pu obtenir une « dérogation », ou au tout au moins des « aménagements » vous permettant de participer à certaines compétitions, durant cette période sous les drapeaux ?

Non. Je sais que c’est parfois possible, en France, mais en Espagne, ce genre d’ « arrangements » n’existe absolument pas.

N’avez-vous pas craint que cet « interlude » mette un frein à votre carrière naissante ?

Oui et non. J’étais motivé, il ne faut pas chercher de mauvaises excuses, et je savais que cette interruption n’allait pas me coûter ma place chez Jean-Claude Rouget…

Tout a redémarré très vite, à votre retour au sein de l’écurie ?

Non, j’ai connu quelques années de galère, jusqu’en 1999.  Les aléas de la vie. Mais je n’ai jamais perdu confiance, me suis toujours accroché pour faire toujours de mon mieux…

En 2001, vous avez terminé 4ème du classement annuel des jockeys, 2ème en 2002, 2ème en 2003, et, enfin 1er en 2004, avec 220 victoires, record absolu. Quelles sensations ?

Cette première Cravache gardera toujours un goût particulier, même si les autres, évidemment, m’ont causé un immense plaisir. Celle-là, elle était très forte en émotions. Quant à mon score, 220, je pensais qu’il allait rester dans les annales pour quelques années, au moins. Alors je tire un grand coup de chapeau à Christophe Soumillon, qui, dès la saison suivante, a porté ce record à 226.

Pour parvenir à de tels résultats, vous « faîtes » beaucoup de « province »…

Qu’entendez-vous par là ? Non, je vous signale qu’en 2010, plus  de 80% de mes 171 succès ont été acquis dans des courses PMU. J’en ai « ras le bol » d’entendre, ou de lire que je suis un gentil jockey de province, où Jean-Claude Rouget me « déclasse » ses représentants, et que c’est facile, pour la Cravache d’Or. Cette année, je n’ai gagné qu’à 62 reprises pour mon patron…

Ce n’était pas ce que je voulais dire. Je voulais insister sur le fait que vous n’hésitez pas à parcourir des milliers de kilomètres, tous les jours ou presque, en voiture, en train ou en avion, pour aller monter à  Longchamp, Bordeaux, Deauville, Cagnes, Lyon, Saint-Cloud, et j’en passe…

Ah… Dans ce sens là, oui c’est vrai. C’est très fatigant, et cela coûte beaucoup à ma vie de famille. Je suis toujours à gauche et à droite…

Vous avez un caractère bien trempé, vous avez l’air de savoir ce que voulez…

Je crois que c’est pour tout le monde pareil, que chacun a ses idées et que lorsqu’il estime avoir trouvé sa voie, il fait tout pour réussir, sans déroger à certains principes.

Est-ce Michel Chartier, votre « agent » qui gère vos déplacements ?

Non. Lui il s’occupe de me trouver les meilleures montes possibles, et je tiens à saluer le travail formidable qu’il accomplit. Sans lui, ce serait beaucoup plus compliqué. En revanche, c’est moi qui organise tous mes « voyages », toute cette partie logistique qu’il faut bien maîtriser. Ainsi, ce jeudi 6 janvier, je serai en selle à 4 reprises, à Pau. Ensuite je filerai en voiture à l’aéroport, pour arriver à Deauville en fin de soirée, car le lendemain vendredi, la 1ère s’y disputera à 11 h 05.

Michel Chartier fait donc bien son boulot, notamment dans les quintés, où vous êtes souvent assis sur de bonnes chances, non ?

Souvent, oui. Toujours, non. Parfois, je ne suis associé qu’à un outsider, mais il faut aussi savoir travailler pour l’avenir, faire plaisir à ses « clients » habituels, pour garder des relations de confiance mutuelle.

Vous avez été victime de plusieurs accidents, notamment en 2005, et, en 2011, un mauvais coup de pied de cheval vous a mis sur la touche pour quelques semaines…

Ce sont les risques du métier. Disons que j’étais bien parti, c’était la reprise, et ce contretemps m’a un peu stoppé… Mais il faut savoir positiver : j’aurais pu recevoir cette ruade un peu plus bas, dans le genou, ou un peu plus haut… Là, c’était six mois de repos forcé…

Votre regard sur l’Association des Jockeys ?

En cas de pépin, on se sent bien épaulé, elle est toujours là pour des renseignements, des soucis administratifs. Non, je n’ai rien à lui reprocher, c’est très bien.

Connaissez-vous des problèmes de poids ?

Je suis parvenu à bien le stabiliser. Je fais très attention, à ce que je mange, mais depuis 5 ans, je n’ai pas mis les pieds au sauna. Je peux monter à 53,5 kilos.

Avez-vous eu recours à l’aide d’un nutritionniste, ou un diététicien ?

Non. Je n’y crois pas, pour nous, jockeys. Nous sommes tous, ou presque, 3 kilos au-dessous de notre poids « normal ». Or un nutritionniste, ou un diététicien, va, lui, vous concocter un programme, un régime, pour vous amener à votre réel poids de forme, idéal par rapport à votre taille. Ce n’est pas très compatible.

Vous « renquillez » pour un 5ème trophée ?

Je « renquille » pour bien bosser, on verra en octobre. C’est à l’automne que l’on constate si l’on est, ou pas, dans le « match ». En naît alors une saine émulation entre les différents prétendants. Un moteur qui aide à se surpasser.

Avez-vous d’autres passions, d’autres loisirs, pratiquez-vous d’autres sports ?

Non, mon rythme de vie ne m’en laisse pas le temps… Avant, j’aimais bien jouer à la pelote basque, à Pau, avec des amis. Cela me manque, mais je n’ai pas le choix, d’autant qu’avec mon épouse, Caroline Brunaud, qui est entraîneur, par ailleurs, nous venons d’avoir une petite Ines, et là, trouver un instant de libre est pratiquement impossible.

Vous vous êtes tout de même accordé un peu de répit, pendant les fêtes…

Oui. J’en avais besoin, et avec Ines, c’était nécessaire. J’ai bien profité de ma femme et de ma fille. Les jours sont passés trop vite et, malgré mes séances quotidiennes de cheval mécanique, j’ai pris un bon kilo. Il va disparaître en deux ou trois semaines.

La famille semble très importante, pour vous…

Primordiale. Caroline et Ines, bien sûr, mais aussi mes parents. Ils sont restés en Espagne, je ne les vois presque jamais, mais dès que j’ai un souci, je les appelle. Ils sont loin, mais je suis proche d’eux, par téléphone. On dit toujours que l’on choisit ses amis, mais pas sa famille. Mais, là encore, comme pour Michel Laborde, j’ai eu la chance de très bien tomber. J’ai une famille exceptionnelle.

Papa, Maman sont-ils fiers de vous ?

Oui. C’est certain. Mais comme, moi aussi, je suis fier d’eux, l’équilibre est parfait.