La carrière de Philippe Sogorb, jockey, n’est pas terminée, et elle est déjà bien remplie, avec plus de 850 victoires, et, encore, un coup de deux à Angers, mardi 15, mais, depuis ce jeudi 17 février, le cavalier de 36 ans vit une nouvelle aventure : toujours à Angers, il a sellé son premier partant en tant qu’entraîneur, pour une belle deuxième place…
Pourquoi, entraîneur ?
C’était mon rêve, depuis longtemps. Très longtemps, même.
Mais vous avez sans doute d’abord voulu être jockey, non ?
Bien sûr. J’ai toujours adoré les chevaux. A 6 ans, alors que nous habitions en région parisienne, j’ai demandé à mes parents de m’inscrire dans un poney-club. J’ai immédiatement mordu, ou été mordu…
Des courses, comme Olivier Peslier et d’autres, devenus aujourd’hui de fines cravaches ?
Non. Jamais. Mais je savais tout de même quel métier j’allais essayer d’exercer.
L’école AFASEC du Moulin-à-Vent, à Gouvieux ?
Oui. Avec Elie Lellouche pour maître d’apprentissage. Tout marchait bien, j’ai perdu ma décharge, et j’avais dépassé les 100 gagnants quand j’ai quitté Chantilly, en 1996.
Pourquoi ce départ ?
Premièrement, la Marquise de Moratalla m’a proposé un contrat de « première monte », dans le Sud Ouest. Deuxièmement, à l’écurie, Dominique Boeuf et Olivier Peslier « passaient » avant moi, ce qui était tout à fait normal. Mais j’ai préféré tenter de devenir le premier en province plutôt que de rester le troisième, à Paris. Je suis donc entré au service de Robert Litt, pour qui je travaille toujours.
Regrettez-vous cet « exil » ?
Pas du tout, au contraire. Je me suis très bien intégré à la région et, ce qui n’était pas négatif, je pense que je n’avais pas une mauvaise réputation, quand j’y suis arrivé. Tout me plaît, là-bas.
Vous êtes d’ailleurs pas mal demandé par « l’extérieur » ?
Oui. En dehors des chevaux « maison », je me mets régulièrement en selle pour Christophe Ferland, Didier Guillemin, et d’autres professionnels qui me font confiance.
Vous êtes-vous assuré les services d’un « agent » ?
Non. Les entraîneurs me connaissent et, en province, je ne sais pas si cela vaut le coup.
Certains de vos succès ressortent-ils du lot ?
Non. Tous m’ont comblé, un coup de 4, à La Teste, en août dernier, ce Prix Claude Rouget, mardi, avec la casaque de son fils Jean-Claude sur le dos, pour Christophe Ferland… Mais j’ai eu un « vrai » cheval de cœur.
Lequel ?
Vertigineux, que préparait Carole Dufrêche. Un super. Qui m’a permis de disputer de grandes épreuves…
Vous allez porter désormais, sinon une deuxième toque, une seconde « casquette »…
J’ai toujours dit que je tenterai de m’installer entraîneur entre mes 35 et 38 ans, s’il ne m’arrivait rien de fâcheux d’ici à là. J’ai obtenu ma licence début 2010, je me suis accordé un délai pour commencer à tout bien organiser, et, aujourd’hui, j’ai 4 pensionnaires dans mes boxes, sur l’hippodrome de Mont-de-Marsan. Je suis dans les temps…
Vous vous fixez des objectifs, des délais ?
Souvent. J’aime bien.
Vos sentiments ?
J’avoue ressentir un peu d’appréhension. C’est un nouveau départ. A l’image d’un gamin qui commence son apprentissage et qui ne sait pas s’il parviendra à devenir jockey. La profession est dure, ingrate, il faut que de bons propriétaires vous appuient. Je « démarre » tout petit, mais j’espère que l’entreprise va s’étoffer, que l’effectif va augmenter, petit à petit.
Et si ce n’était pas le cas, vous avez un plan « B » ?
Non. Je ne veux même pas y penser. C’est comme si vous vous rangiez dans les stalles de départ en étant persuadé que vous allez être battu… Et, de toute façon, je suis toujours jockey, même si je sais pertinemment que je vais être beaucoup moins demandé.
Pour quelle raison ?
L’expérience l’a montré : les entraîneurs hésitent davantage à confier l’un de leurs élèves à un jockey qui, par ailleurs, a aussi sa licence. Ils ont peur, après une course, de perdre ou leur protégé ou leur « client », ce qui est tout à fait logique.
Vous ne voulez pas franchir le cap des 1.000 lauréats ?
Ce n’est pas que je ne veux pas, mais je ne le pourrai pas, statistiquement. Même si, en 2011, je monte encore à « plein temps », je n’atteindrai pas ce score, et si mon écurie se développe, je ne pourrai pas être au four et au moulin. Et puis, même si je suis toujours en pleine forme, les années passent…
D’autres passions ?
Mon métier me prend 90% de mon temps, entre l’entraînement, les déplacements, les courses. Les 10% qui restent, je les consacre à ma compagne, Nathalie Dessouter…
Vos plaisirs ?
Nous avons de la chance, avec Nathalie. Nous ne connaissons pas de problèmes de poids. Nous aimons, de temps en temps, nous asseoir à une bonne table, tranquilles. Savourer les plats et le moment.
Un bébé en vue ?
Pas pour l’instant. Elle est aussi passionnée que moi et, dans l’immédiat, la priorité, pour nous deux, c’est notre carrière.
Faîtes-vous sauter des chevaux, le matin, au travail ?
Cela m’arrive.
Entraineriez-vous des sauteurs, éventuellement ?
Bien sûr. J’aime les deux disciplines. Et le jockey est tout trouvé !