Il avait déjà remporté le Prix du Président de la République, le handicap, steeple-chase, le plus convoité du programme d’Auteuil, en 2007, en selle sur Norville du Bois. Ce dimanche 17 avril, il a été « réélu », cette fois avec La Segnora, pour son « patron », Yann-Marie Porzier. Pourtant, à quelques jours du « scrutin », il n’était pas sûr de pouvoir remplir son contrat, même s’il y était décidé. A 28 ans, Frédéric Ditta s’ouvre à des tas de choses qu’il ignorait. Il se raconte…
Comment la vocation est-elle venue ?
Lentement. Les courses ne m’intéressaient pas. Les chevaux, si…
Pourquoi ?
J’habitais Arpajon, avec beaucoup de clubs hippiques autour. L’école et moi étions fâchés, je redoublais sans arrêt. Ado, j’avais l’impression d’être incompris. Alors, je me risquais dans l’enceinte d’un de ces clubs, j’approchais un cheval, m’asseyais dans son box. Il me servait de « psy ». Je lui parlais, et, évidemment, il ne me contredisait pas, il me faisait des bisous, me léchait les cheveux… Il m’apportait beaucoup.
Vous ne montiez pas dessus ?
Non. Jamais. Je les caressais, les remerciais…
Comment est venu le désir de devenir jockey ?
Pas glorieux. Mes études devaient tourner court. Je devais donc penser à un métier mais, pour tout vous dire, je n’avais pas vraiment envie de travailler. Comme mon gabarit me l’autorisait, j’ai alors pensé à l’école AFASEC du Moulin-à-Vent, à Gouvieux.
Roule, ma poule ?
Non. Durant les trois premières années, je dois avouer que les compétitions elles-mêmes ne me pasionnaient toujours pas. J’avais Jean-Paul Delaporte pour maître d’apprentissage. De bonnes leçons. Je pesais 45 kilos, à l’époque, mais j’ai voulu goûter à l’obstacle. Là, ce fut la révélation… Il m’a fait débuter, en 2001, je crois, directement à Auteuil, avec Flash de Cerisy, tout en disant, à son ami Frédéric Spanu : « On va s’amuser, on met le « gosse »… C’est possible… » J’ai gagné. Et, pour Jean-Paul, j’en ai remporté 15 ou 16. Ensuite, il n’a plus entraîné de sauteurs.
Alors ?
Yann Porzier, pour qui je montais régulièrement, m’a embauché. Mais, un mois plus tard, il a connu les problèmes que l’on sait.
Du coup ?
Pas mal des représentants de Yann étaient partis chez Jean-Paul Gallorini, et j’ai suivi le mouvement. Extra. J’y suis resté quatre ans mais, la dernière année, j’étais beaucoup moins sollicité. Quand Yann a retrouvé, enfin, sa licence, il m’a téléphoné...
Vous totalisez plus de 50 victoires, avez remporté 3 quintés, plusieurs listed Races, dont 2 Prix « Finot », mais vous demeurez un jockey « de l’ombre »…
Je ne comprends pas vraiment. Je suis au boulot tous les matins, j’ai la prétention de dire que je suis très sérieux et très perfectionniste et, l’après-midi, j’ai tout de même montré que je ne les « empêchais » pas de gagner… Peut-être suis-je trop discret, je reste dans mon coin… Cela dit, je pense être aimé du public, mais moins apprécié de la profession.
Pour quelle raison ?
Difficile à dire. Après mon succès dans le « Président » 2007, j’ai été appelé par beaucoup d’entraîneurs, et j’avais un beau programme à suivre. Malheureusement, 8 jours plus tard, je me suis fracturé l’épaule gauche. Mon arrêt forcé a freiné, bien sûr, le coup de « booster » dû à cette victoire.
Avez-vous un « agent » ?
Non, cela ne m’intéresse pas. Les professionnels vous remarquent, ou non. Si oui, ils vous appellent. Dans mon cas, un agent ne récupèrera qu’une monte « par raccroc », et je privilégie la qualité à la quantité. D’ailleurs, même quand on sélectionne, qu’on veille à ne pas s’accidenter, il peut toujours survenir l’imprévisible.
A propos d’épaule, suite à votre chute du 5 avril à Enghien, avec Nice Girl, tout est rentré dans l’ordre ?
Non. La culbute, par elle-même, était anodine. En revanche, un rival, qui nous suivait, m’a piétiné. Sur le coup, vu les hématomes que j’avais un peu partout, les radiographies ne pouvaient rien déceler. Quelques jours plus tard, tout était OK mais, comme j’avais un doute, j’y suis retourné, une troisième fois.
Et, là ?
J’avais bien une fracture de l’omoplate gauche.
Comment avez-vous géré la douleur ?
Je dormais assis, dans le canapé, appuyé sur l’épaule droite.
Vous avez pris le départ du « Président » dans ces conditions ?
Oui. J’avais entière confiance en ma jument. Yann m’a dit que je prenais des risques, que lui aussi, vis-à-vis de moi, des propriétaires, de La Segnora elle-même. Mais il a confirmé ma monte… Je me suis appliqué à ne pas la gêner. Quand, sautant trop bien, à la rivière des tribunes puis au rail-ditch, elle s’est retrouvée devant, alors qu’il fallait attendre, j’avais trop mal pour la reprendre. Je l’ai juste accompagnée, c’est elle la « Présidente ».
L’avenir ?
Yann a de belles années devant lui. Et j’espère que moi aussi.
Et le futur, « hors courses » ?
Quinze ans que je ne suis que « dans le cheval », que je n’entends parler que « du cheval », que je ne fais rien d’autre… J’ai pris pas mal de résolutions…
Lesquelles ?
Je commence seulement à prendre du bon temps.
Par exemple ?
J’adore la voile. J’ai eu la chance d’être invité, sur un bateau, à prendre part au départ de la Route du Rhum et à suivre les premiers miles durant deux heures. Avec l’un de mes meilleurs amis, qui possède un « 11 mètres », nous allons faire le tour de la Corse, durant 15 jours, en juillet.
Et autres ?
Grâce à ma compagne, Chloé, je découvre beaucoup de choses. Son père m’initie au pilotage de son petit avion. Super… Nous allons boire un verre en Normandie et revenons aussitôt. Et, sans même parler de ces « trucs », nous allons au théâtre, à l’opéra… Et je veux voyager, aussi, moi qui n’ai jamais quitté la France… Nous nous sommes fait également, et c’est important, beaucoup d’amis extérieurs au milieu des courses. Pendant une période, j’avais l’impression de rencontrer mes collègues, le matin au travail, d’éventuellement déjeûner avec eux, voire dîner, puis de les retrouver en soirée… En ne dialoguant que « cheval »
Quelles destinations envisagez-vous ?
Il y a plein de merveilles en Europe, visibles en un week-end prolongé… L’Angleterre, où j’aurais dû me rendre à trois reprises mais, à chaque fois, il y a eu des « impondérables », dont ma fracture du bassin. Les « fences » me fascinent, je rêve de participer au Grand National de Liverpool…
Ailleurs ?
Partout. J’ai soif de m’ouvrir à d’autres continents, d’autres modes de vie. Cet été, aussi, j’ai été convié à m’initier, en Californie, à ce surf, avec un genre de parachute… Je suis plus que partant !
Saint Augustin a dit : « Le monde est un livre et, qui ne voyage pas n’en lit qu’une page… »
Très bien résumé. J’ai envie de lire tout le livre. Même si je suis déçu, je ne veux pas dire « Je n’aime pas », sans avoir jeté un œil.
Vie privée ?
Comblé. Chloé, ma compagne, que j’ai rencontrée, à cheval, chez Jean-Paul Gallorini, alors qu’elle effectuait un stage, est monitrice d’équitation depuis 6 mois. Mais, parallèlement, elle poursuit ses études, en Bac + 5. Elle prépare un « instructorat » au Cadre Noir de Saumur mais, son but, c’est d’entrer dans « l’événementiel » de la Fédération Française d’Equitation.
Et qu’avez-vous ressenti, dimanche, en passant le poteau ?
De la douleur… Mais je le savais au lâcher des élastiques. J’ai encore mal aujourd’hui, mais j’ai gagné mon pari…