Clin d’œil du destin : il fêtera ses 34 ans ce dimanche 29 mai, jour du Grand Steeple-Chase de Paris, mais lui, le jockey d’obstacle dont la carte de visite s’orne de nombreux Groupes (avec Good Bye Simon, Grande Course de Haies d’Auteuil, Groupe I, le Grand Steeple-Chase de Merano, avecPrésent Bleu, et autres Royal Penny ou Moncadou) sera dans les tribunes. Blessé ? Sous le coup d’une « mise à pied » ? Non sollicité ?
Non, Benoît Delo a simplement décidé de mettre un terme à sa carrière, Crios, le 11 avril à Enghien, lui ayant offert son dernier succès. Une résolution, annoncée publiquement cette semaine, qui en a surpris plus d’un, et sur laquelle il revient…
Un coup de tête ?
Non. Même si cela peut y ressembler, vu de l’extérieur. Mais cela faisait six mois que je ne me reconnaissais pas. J’avais perdu ma motivation, la flamme… Je montais de moins en moins, on m’appelait donc de moins en moins, et ce n’est pas la bonne spirale… Ajoutez à cela que je m’étais luxé une épaule et que, le 28 avril à Enghien, elle s’est encore déboîtée, à la lutte, en appliquant juste un coup de cravache à ma monture, alors que je finissais troisième avec Crios. Je ne veux plus prendre de risques, l’accident grave nous guette tous.
Mais encore ?
J’ai une maison, donc des charges, je viens d’investir dans le Sud-Ouest, ma région natale, et il faut que l’argent rentre. Or, ces derniers temps, ce n’était pas extraordinaire.
34 ans, n’est-ce pas un peu tôt, quand on voit la longévité d’un Christophe Pieux, par exemple ?
Déjà, vous parlez d’une exception, d’un Homme exceptionnel. Ensuite, on ne lui propose pas les mêmes partenaires qu’à moi… Tant mieux pour lui, il le mérite, bien sûr. Mais, prendre le départ en sachant que, si tout va bien, je vais juste pouvoir finir le parcours, loin des premiers, ne m’intéresse plus.
Quel a été votre itinéraire ?
Rien ne me prédisposait à devenir jockey. Je suivais des études « normales ». En « seconde », je me suis fâché avec des professeurs. J’étais un peu le rebelle de ma famille. J’avais eu l’occasion, lycéen, pour me faire de l’argent de poche, d’aider un éleveur local, Mathieu Dagusan-Garros. Il m’emmenait avec lui pour présenter ses produits aux ventes. J’ai pris goût à l’animal et à l’ambiance. J’ai arrêté l’école…
Pour faire quoi ?
J’ai eu la chance de pouvoir entrer au service de Jean-Claude Rouget. En tant qu’apprenti de plat, j’ai dû gagner cinq ou six courses, pour lui.
Vous y avez rencontré Patrice Julien, qui était un véritable « phénomène », dans le Sud-Ouest…
Oui. Et nous sommes toujours amis. Je l’ai eu au téléphone la semaine passée.
Je le définirais comme un « surdoué Baudelairien »…
C’est exactement ça. La formule lui colle parfaitement. Il avait de l’or dans les mains, et il l’a prouvé, tant en plat qu’en obstacle. Mais il n’en a toujours fait qu’à sa guise. Il a quitté Jean-Claude Rouget et les Cravaches d’Or qui l’attendaient, comme ça, pour venir tenter sa chance à Paris et s’essayer à l’obstacle. Et il a réussi. Puis, il a vécu un drame familial, la perte de son fils qui venait de naître, et il n’a pas été épargné par les blessures. A tel point que les médecins français ne voulaient pas lui redonner sa licence. Mais il m’a beaucoup aidé, m’a donné de précieux conseils.
Vous avez suivi le même chemin ?
Non. Si j’ai dû me résoudre à laisser ma place, chez Jean-Claude Rouget, c’est uniquement pour des problèmes de poids. Je suis très ossu, assez « massif », et je savais que je n’avais aucun moyen de perdre des kilos. Je me suis donc tourné vers l’obstacle et suis arrivé à Lamorlaye, chez Bernard Barbier. J’y ai enregistré mon premier gagnant. Pour lui, j’ai signé trois victoires en Italie, ce qui m’avait enchanté, évidemment. Je me suis mis en selle pour d’autres entraîneurs, aussi, comme Eric Pilet, qui m’avait confié sa bonne Ariel. J’ai ensuite rejoint l’équipe de Yann-Marie Porzier, mais, un an avant les ennuis de Yann, j’avais été appelé par Thierry Doumen.
Chez qui vous étiez toujours…
Oui. Je l’apprécie énormément. Il est très intelligent, très professionnel, il assure un très bon suivi de tous ses pensionnaires. Dans la cour, on rencontre le vétérinaire, l’ostéopathe, le maréchal-ferrant… On en apprend toujours. C’est un tout, qui tend à aboutir à la réussite. Même s’il a des méthodes « modernes », il travaille toujours un peu « à l’ancienne », dans le bon sens du terme. Mais je remarque que les courses, en général, ne prennent plus cette direction-là, il y a des réunions partout, tout le monde court après « l’oseille », qui fait parfois cruellement défaut, dans de petites structures… Et ce côté ne me plaisait plus du tout…
Vous êtes amer ?
Absolument pas, je vous le garantis. C’est une constatation, c’est tout. Je garde de merveilleux souvenirs de mon métier et, moi qui adore et pratique tous les sports extrêmes, notamment de glisse, je vous assure qu’il n’y a qu’en compétition, à cheval, que l’on reçoit de telles décharges d’adrénaline …
Pourquoi ?
J’ai fait du parachutisme, du saut à l’élastique, du wind-surf, lié au vent, donc, du snow board, lié à la neige, ou du surf tout court, lié aux vagues…. OK, il faut essayer de maîtriser ces éléments, mais vous n’êtes pas associé à un être vivant, qui plus est un cheval…. Les sensations ne sont pas du tout les mêmes. Je pense que cette adrénaline va me manquer, mais il faut savoir faire des choix…
Qu’allez-vous faire, désormais ?
M’efforcer de ne pas croquer le peu que j’ai pu mettre de côté. Je ne veux donc pas me transformer en « entraîneur débutant »…
Des projets ?
Oui. Depuis que je suis reparti sur des idées à exploiter, je me… reconnais mieux ! J’ai retrouvé mon côté « battant ».
Quel genre d’idées ?
Je n’aime pas parler avant que les choses ne se réalisent. Disons qu’avec ma compagne, Marie Leroy, qui a travaillé à Equidia, nous avons chacun un objectif, et les deux coïncident parfaitement. Nous avons donc investi dans une propriété, dans les Landes, entre Dax et Bayonne, et nous nous tournerons sans doute vers le tourisme et le commerce. Le business plan est à l’étude.
Les courses, c’est fini ?
Ce n’est pas possible… J’espère pouvoir y revenir avec le statut de « petit propriétaire », par exemple. Mais il faut d’abord que je remporte… mon nouveau challenge !