Mardi 31 Mai 2011
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Il est très doué. Tous les puristes l’ont remarqué. Plusieurs entraîneurs, dont les plus grands, aussi. Il est fort en gueule et dit toujours ce qu’il a à dire. Certains professionnels l’ont noté également. Mais il est le premier à reconnaître ses torts, comme il l’a encore fait dimanche 29 mai, à Auteuil, après sa victoire dans le Prix La Barka, Groupe II, le quinté du jour, en selle sur Roi du Val. En direct, au micro d’Equidia, il a eu le courage de déclarer : « La dernière fois, je l’ai mal monté… J’ai corrigé le tir, aujourd’hui… » Bastien Bénard, qui fêtera ses 26 ans en octobre, se confie…

Etes-vous issu du « sérail » ?

Pas du tout, mes parents sont tous deux infirmiers.

D’où vous est venue cette envie de devenir jockey, alors ?

Il y avait un poney-club, près de chez moi, à Chambourcy. J’y ai rapidement passé tous mes mercredis et mes week-ends. Le contact des chevaux m’avait immédiatement plu. Dans ma tête, ma voie était toute tracée…

L’école AFASEC ?

Oui, à Gouvieux. Mais c’est Joël Rémy, à Maisons-Laffitte, qui a été mon maître d’apprentissage.

Bien ?

Tout, bien. Il a été un très bon maître. Mais il était assez dur, notamment avec moi. J’en avais sans doute besoin. Il est plus « cool », désormais… J’y suis resté cinq ou six ans, avec cinq ou six gagnants, en plat, à la clef. L’écurie était essentiellement tournée vers l’obstacle mais, sur les « purs », en plat, Joël mettait des « pilotes », ce qui est bien normal. Mais, dès la première année, par goût, je faisais sauter les pensionnaires de Joël, accompagné de Nicolas Millière, qui m’a donné beaucoup de conseils.

Ensuite ?

Je suis passé chez Jehan Bertran de Balanda. Toujours en plat, tout d’abord, avec un ou deux succès. On m’envoyait beaucoup en province, où il fallait que je me fasse maigrir pour descendre à 51 ou 52 kilos et terminer… nulle-part ! Ce n’était tellement pas motivant, « toucher » la « monte perdante », je n’en étais pas encore là. Du coup, l’obstacle. Là, j’ai signé pas mal de victoires, dont mon premier Groupe, avec Madox

Et puis ?

Et puis, Steven Colas a rejoint l’équipe. Le patron en est littéralement tombé « amoureux » et, du jour au lendemain, je ne me suis pratiquement plus mis en selle, les sorties en compétition de Boris Chameraud, le premier jockey, se faisaient aussi plus rares.  

Alors ?

Ce n’est pas dans mon caractère. Je ne peux pas rester assis dans mon coin, sans rien dire. Bien sûr, j’ai « ouvert ma gueule », mon grand défaut…

Changement ?

Un tour chez Yannick Fouin, puis j’ai intégré le « staff » de Carlos Lerner. Il a une grande ouverture d’esprit, il est gentil, j’ai passé mes meilleurs moments avec lui. On se dit tout, on ne se cache rien. On s’est « pris la tête » pour des « conneries », mais je déjeune pratiquement tous les jours chez lui. Il est mon deuxième père et, en tout cas, mon père spirituel.

Vous êtes au service de Jean-Paul Gallorini, non ?

Oui, je m’y rends deux ou trois fois par semaine, mais, en fait, je suis « free lance », avec d’autres « maisons » qui font appel à moi.

Ne vous avait-il pas offert d’être son premier jockey ?

Si. Mais, l’été dernier, je suis allé monter en Corse. Je n’aime ni Clairefontaine, ni Dieppe, deux des principaux hippodromes « fonctionnant » durant cette période. C’était sympa, de belles fins de semaine dans des cadres enchanteurs. Mais je suis tombé en course, en juillet, et me suis brisé tibia et péroné droits. Plus de huit mois d’arrêt forcé.

Qu’en dîtes-vous, aujourd’hui ?

C’est de ma faute… Quand on est le premier jockey de Jean-Paul Gallorini, on n’a pas le droit d’aller exercer en Corse. Je crois qu’il en a été encore plus blessé que moi. A l’automne, je regardais gagner les chevaux que j’avais préparés, avec une certaine amertume, évidemment, mais, ce qui m’aidait à avaler la pilule, c’est que  Sylvain Dehez leur était associé. C’est lui qui, fort logiquement, a récupéré ma place, et j’ai été heureux pour lui, ce dimanche, pour son Grand Steeple, son Ferdinand Dufaure et son Wild Risk. Nous sommes comme des pilotes de Formule 1 : celui qui est « cassé » ne s’assoit plus face à son volant…

Après cet accident, l’Association des Jockeys a-t-elle été à la hauteur ?

Et comment ! Maria, l’une des secrétaires, réalise un boulot en or. Elle fait tout pour nous. C’est formidable de pouvoir compter sur des gens comme eux, et comme elle…

A ce propos, David Bayat, un gentleman-rider, qui venait de demander sa licence et qui est au service de Jean-Paul Gallorini, a été victime d'une terrible chute, à l'entraînement, la semaine dernière...

Je prie pour lui...

Revenons sur Roi du Val et le Prix La Barka…

C’est l’une de mes plus belles victoires, surtout avec ce cheval-là et d’autant que toute ma famille était présente sur l’hippodrome. Nous sommes tout de même huit frères et sœurs. Je leur ai fait un signe en passant le poteau.

Jean-Paul Gallorini était satisfait ?

Naturellement. A mon retour, lors de la précédente sortie de Roi du Val, que j’avais trop précipitamment placé derrière l’épouvantail Questarabad, et où nous avions dû nous contenter de la quatrième place, je lui avais dit que « j’avais cherché à inventer un truc… ». Il m’avait répondu : « les jockeys ne sont pas faits pour inventer ». Il a raison.

Et votre famille ?

Super. J’ai deux petits frères, qui font partie des jeunes espoirs du PSG et que je vais voir souvent au Camp des Loges, les autres, et mes sœurs, je les aime tous, et je leur consacre beaucoup du peu de temps que j’ai de libre.

Vous devez donc regarder les matches du PSG ?

Pas plus que cela, cependant. J’aime le sport en général. Quand je me suis tourné vers l’hippisme, j’étais ceinture marron de judo ; je ne perds pas grand-chose, tant que possible, de Roland Garros… Mais je vous avoue qu’à tout cela, je préfère un bon restau, assorti d’une bonne bouteille, avec ma compagne, Sophie, fille d’un ancien entraîneur et qui s’est consacrée au journalisme spécialisé.

Fêtard ?

Je ne l’ai jamais été. De toute façon, je ne tiendrais  pas le coup.

Un modèle ?

Celui qui remplacera Christophe Pieux n’est pas encore né. Nous serons sans doute morts quand quelqu’un d’autre décrochera 15 Cravaches d’Or. Il est hors normes. A tous les niveaux. Son cœur aussi, est en or.

Des objectifs ?

Pas vraiment. La Grande Course de Haies d’Auteuil arrive maintenant dans le programme de Roi du Val. Toutefois, j’ai tout de même l’esprit d’un gagnant et mon absence m’a fait un peu oublier : j’aimerais retrouver davantage de bonnes montes.

Elles vont venir…