Il a fêté ses 18 ans le 18 novembre. En 2011, toujours apprenti, il a connu un pourcentage de réussite exceptionnel, en obstacle : une victoire toutes les 5 courses « PHH » disputées, avec 28 succès, et 9 en plat. Malheureusement, lundi 12 décembre, à Cagnes-sur-Mer, pour sa seule apparition de l’après-midi, avec Conférence, préparée par son patron, Arnaud Chaillé-Chaillé, il est tombé dans la phase finale du Prix Ubu III (3.400 mètres, haies, pour des pouliches de 3 ans). Double fracture au niveau de la clavicule. Mais Vincent Cheminaud garde le moral…
Comment vous sentez-vous ?
Pas trop mal. De temps en temps, ça me lance, mais j’ai rendez-vous tout-à- l’heure avec un expert, pour aviser d’une opération ou non.
Où vous trouvez-vous ?
A Pau, chez ma mère. Mon père m’a obtenu un rendez-vous avec des chirurgiens très « pointus », ceux qui étaient intervenus pour ses vertèbres, et lui avaient posé des plaques, dans le dos.
Et est-ce votre père, Christophe, qui fut une fine cravache de l’obstacle avant que son accident, à l’entraînement, ne mette un terme à sa carrière, qui vous a donné l’envie de devenir jockey ?
Sincèrement, non. Ou peut-être oui, inconsciemment. Les chevaux ne m’intéressaient pas plus que cela, comme les hippodromes. J’ai dû faire une balade, alors que j’étais tout petit, à poney, mais c’est tout. Et puis, je ne savais pas trop vers où m’orienter, mes parents ont divorcé, alors est-ce que j’ai voulu, sans le savoir, copier mon père ? Toujours est-il que j’ai eu un déclic, et que j’ai voulu « faire » comme lui.
Papa en a été heureux ?
Pas du tout. Il connaissait, et pour cause, les difficultés du métier. Ma mère étant restée à Pau, je suis entré à l’AFASEC de Mont-de-Marsan. Papa s’est remué pour que j’aie un maître d’apprentissage le plus dur possible. Enfin, quand je dis « dur », ce n’est pas le terme exact. Il tenait à ce que je sois formé « à la dure », sans concessions, que j’apprenne, que j’en bave. En fait, Papa voulait un peu me dégoûter de mon souhait. Lui qui s’était installé à Moulins, a pu faire en sorte que je sois accueilli par Emmanuel Clayeux. Ecole stricte, c’était vrai, mais où j’ai reçu de bonnes leçons. Trois mois avant la fin de mon stage, chez lui, j’ai débuté en plat, à Paray-le-Monial, associé à Soulte…
Première victoire ?
Non ! J’ai conclu sixième, je m’étais endormi durant le parcours, je ne savais rien faire, et je n’ai poussé que dans la ligne droite… Il faut dire qu’avant l’AFASEC, hormis la balade à poney dont je vous ai parlé, je ne m’étais jamais mis en selle. Ensuite, j’ai « couru » à Montluçon, à Moulins, pour ma première « PMU », avec une quatrième place à la clef, et à Châtillon-sur-Chalaronne. Parallèlement, le matin, Emmanuel Clayeux m’avait fait sauter quelques-uns de ses pensionnaires.
Vous rencontriez des problèmes de poids ?
Pas du tout. Je suis très léger. Sans régime, je pèse 52 kilos, et je monte d’ailleurs toujours en plat. Les deux disciplines me plaisent. Mais l’obstacle, tout de même, procure d’autres sensations.
Ensuite ?
J’ai eu envie d’entrer au service d’Arnaud Chaillé-Chaillé. Pour ses résultats, la « façon » dont ses représentants étaient mis, pour son « œil »… Mais je venais d’avoir 16 ans, j’étais très intimidé, et je n’osais pas aller à sa rencontre tout seul. J’ai appelé mon père à la rescousse. A l’époque, Papa était en Corse, il nourrissait le projet de s’établir dans une petite écurie, et d’assurer du pré-entraînement… Mais il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus, dans cette branche-là aussi… Nous avons eu un rendez-vous, le courant est tout de suite passé, avec Monsieur Chaillé-Chaillé, et il m’a embauché, en juillet 2010. D’entrée de jeu, le matin : régime plat, balais, « gros »… Deux semaines plus tard, il m’avait engagé, en plat, à Gémozac, avec Tetaclak. Tilt ! Fabuleux… Huit jours après, je gagnais avec Boy, sur les obstacles de Plessé, près de Nantes. Et il y a eu ainsi 4 ou 5 succès d’affilée, à Royan, etc…, sans que je ne sois battu une seule fois… Au 31 décembre, j’en comptais 5 en obstacle, et 4 en plat.
Vous avez dû vous sentir « arrivé », non ?
Surtout pas. C’était son travail à lui, et le boulot de toute l’équipe. Mais le patron, excellent professeur par ailleurs, même s’il ne parle pas beaucoup, m’a fait de plus en plus confiance. Et j’espère qu’il le fera quand j’aurai perdu ma décharge : je n’en suis plus qu’à deux « points ».
Redoutez-vous ce moment ?
Non. Tout se passe bien, au travail, et je ressens que le « boss » a vraiment envie de me « forger » : il m’a mis en selle à Auteuil, où je me suis imposé dans deux épreuves, dont l’une lors de la fermeture 2011 de l’hippodrome, et même dans un Groupe, à Enghien. Mais, là, il y a eu ce contretemps…
Resterez-vous longtemps sur la touche ?
C’est une grosse fracture avec celle, aussi, d’un os, juste au-dessous de la « clavette ». Il faut voir si je vais passer sur le billard, mais, au bas mot, j’en ai sans doute pour un bon mois et demi.
Fini pour Cagnes et Pau…
Cagnes, je m’y rendais exceptionnellement, ce lundi, mais, à Pau, logiquement, je devais avoir quelques belles cartouches… Dommage. Mais je préfère me blesser en fin de saison qu’en plein meeting d’Auteuil, par exemple.
Vous semblez prendre la chose avec philosophie…
Que voulez-vous faire d’autre ? C’est fait, c’est fait. On ne peut pas revenir en arrière. Et c’est mon premier vrai « pépin ».
Votre père m’a confié que, cette chute, elle était un peu de votre faute…
C’est toujours facile de parler après coup : « il aurait fallu venir ici, plutôt que là, ne pas suivre tel ou tel, t’isoler en pleine piste, revenir le long du rail de la corde… »… Mais… il a raison ! Je suis responsable, sans doute, à 70% de cette culbute. Je ne connais pas vraiment la piste, je manque d’expérience, j’aurais dû laisser « aller » ma pouliche… J’espère ne plus commettre la même erreur.
Le plat ?
Je réponds présent quand des professionnels m’appellent si, bien sûr, je ne suis pas retenu pour les « nôtres ».
L’obstacle ?
Arnaud Chaillé-Chaillé ne m’autorise pas à m’engager ailleurs, sauf pour Guillaume Macaire, Philippe Peltier et François Nicolle. Et il a raison.
A propos de François Nicolle, lui aussi établi à proximité de La Palmyre, comme « Chaille » et Macaire, il travaille désormais avec votre père…
Oui. Papa est devenu son assistant. Monsieur Nicolle, comme j’avais rejoint le staff « Chaillé-Chaillé », lui a tendu une petite perche… C’est bien. Nous nous voyons régulièrement.
Vous qui n’éprouviez pas une attirance particulière pour les chevaux, qu’en est-il aujourd’hui ?
Il en est née une passion. Un vrai métier. Pas facile, car il faut savoir rester « solide », mais tellement prenant.
Quand vous avez prononcé le mot « solide », j’ai senti comme une arrière-pensée…
Pour la « légende humaine », Christophe Pieux. Je ne vois pas son successeur… 15 Cravaches d’Or ! Quelle longévité et… quel talent ! Demain, il revient à Pau, après ses côtes cassées, et il va encore faire « mal » à tout le monde.
En dehors de la compétition, d’autres sources de « vibrations « ?
Pas vraiment. Si : la Play Station 3 (rires)… Non, plus sérieusement, j’aime bien la chasse, la pêche, m’amuser, même sans faire la « fête ». Et j’adore manger… Les « petits restaus », avec mon amie, Aprilia, et les copains…
Où avez-vous rencontré Aprilia ?
A l’AFASEC de Mont-de-Marsan.
Et, que fait-elle, aujourd’hui ?
Elle m’a suivi, nous habitons ensemble, et elle est cavalière chez Arnaud Chaillé-Chaillé…
Piston ?
Non. Elle sait tenir ses rênes, le matin, ne rechigne pas à s’occuper de cinq lots, Monsieur Chaillé-Chaillé ne doit pas regretter qu’elle ait augmenté l’équipe.
Papa veut-il toujours vous « dégoûter » ?
Non. Je crois que, désormais, il apprécie…