Dimanche 21 Août 2011
alexis-larue

Vendredi 19 août, en selle sur Sharanza, entraînée par son patron de toujours, Jean-Pierre Gauvin, Alexis Larue a remporté une modeste épreuve à réclamer, à… 103/1 ! Sa première victoire de l’année, la quarante-deuxième de sa carrière, en brisant un écart de 44. A son retour aux balances, il rayonnait. A 25 ans, il sait qu’il ne deviendra probablement pas un jockey vedette, mais il s’en moque. Il est heureux auprès des chevaux…

Pourquoi avoir choisi ce métier ?

En fait, je ne l’ai pas vraiment choisi. Ce qui est sûr, c’est que tout gamin, les chevaux me fascinaient. Mon père, bien avant ma naissance, avait un demi-sang, pour la promenade, que je n’ai d’ailleurs jamais connu. Mais un ami d’enfance de Papa est maréchal ferrant. Dès que je le pouvais, je l’accompagnais partout, je pouvais passer des heures dans les prés, avec les chevaux. Je voulais travailler auprès d’eux, mais il y a tellement de possibilités…

Equitation ?

Dès mes 7 ans. Club hippique, puis concours, j’ai obtenu mon Galop 7.

Et « jockey », alors ?

Lors de mon année scolaire de 3ème, comme tous mes camarades, j’ai dû effectuer un stage dans une entreprise. Nous étions à côté de Saint-Galmier. Par l’intermédiaire de ce maréchal ferrant, qui avait travaillé pour la très importante écurie Bedel, j’ai pu passer ces trois jours chez Jean-Pierre Gauvin. C’était au printemps 2002. Cela m’a tellement plu que j’y suis retourné 15 jours, l’été suivant. Là, Jean-Pierre Gauvin a convoqué mes parents et leur a dit que j’étais doué, que si cela m’intéressait, il était prêt à me prendre comme stagiaire apprenti, en septembre. Mes parents m’ont un peu poussé, dans le bon sens, à accepter. Et je les en remercie vraiment, aujourd’hui.

Pas d’école ?

Si, parallèlement, j’ai suivi des cours à la MFR, Maison Familiale et Rurale, de Mornand-en-Forêt.

Des bons souvenirs ?

Beaucoup. Notamment le Grand Prix des Apprentis, à Lyon, que j’ai gagné par deux fois, lors de la dernière réunion de l’année, le succès de Salsa de la Tour, au cours d’un meeting d’hiver de Deauville. Je me suis encore imposé avec lui, dans un « selling », à Lyon, et il a été acheté. Mais, et cela m’a beaucoup touché, son nouvel entraîneur, Jean-Philippe Sabatino m’a téléphoné, pour que je le monte, dimanche 21 août, à Cluny.

Vous ne vous mettez pas très souvent en selle…

C’est vrai, on a toujours l’impression de ne pas être assez sollicité, et c’est plus difficile puisqu’atteint par la limite d’âge, j’ai perdu ma décharge, l’an passé, sans avoir atteint le cap des 70 lauréats. Mais je ne me plains pas, participer à une compétition, être l’arrivée, en signer une de temps en temps, c’est déjà formidable…

Les grandes épreuves ?

C’est un rêve, bien sûr. Sans parler de listed Races ou de Groupes, j’ai disputé un seul tiercé, à Lyon, avec Réflexe, qui devait  porter 51 kilos et que m’avait confié Michel Maillard. Je me souviens que lorsqu’il m’a annoncé qu’il m’avait déclaré sur son représentant, j’ai immédiatement senti des gouttes de sueur couler sur mon front.

Résultat ?

Nous avions terminé quatrièmes. Ce n’était  pas si mal, et mes parents m’avaient vu à la télévision. Je sais qu’ils regardent toujours Equidia, quand je suis engagé dans une course retransmise, et qu’ils hurlent dans leur salon, pour m’encourager…

Et, financièrement, vous vous en sortez ?

Oui, d’autant que le premier garçon de l’écurie étant parti, mon patron a eu la gentillesse de me proposer de le remplacer. J’ai donc deux casquettes, ou trois, même : cavalier d’entraînement, pilote, et premier garçon. C’est une grosse responsabilité, mais cela me plaît énormément. Toute la partie « soins » me passionne. Nous avons une quarantaine de pur-sang et nous sommes une dizaine à travailler. Je me donne à fond.

Qu’avez-vous pensé, en passant le poteau, à Vichy ?

Pendant une seconde, quand je me suis retrouvé en tête, je n’y ai pas cru. La pouliche, lors de ses débuts, s’était débarrassée de son jockey, nous n’avions donc aucune référence, mais Monsieur Gauvin m’avait confié que, vu la façon dont elle travaillait, si je lui dessinais un bon parcours, je ne terminerais pas loin. Tout s’est très bien passé et, après ce moment de surprise, je me suis dit « mais si, c’est vrai… ».

Espérez-vous devenir un jockey « vedette » ?

Non. Si cela avait dû être le cas, j’aurais « percé » depuis longtemps, mais je suis très bien comme ça. Je me fais plaisir. Si je ne devais plus monter que deux ou trois fois dans l’année, cela ne vaudrait plus le coup, et tout en continuant mon rôle de premier garçon, je redeviendrais cavalier d’entraînement. Mais tant que je peux concilier les trois, tout va pour le mieux.

44 d’écart… On trouve le temps long, non ?

Oui. Surtout quand on voit des chevaux de l’écurie gagner avec d’autres... Mais on se console en se disant qu’on a fait du bon boulot, le matin.

D’autres passions ?

Je fais du moto-cross, dans les chemins creux, avec des amis, et je joue au football. Je suis milieu de terrain de l’équipe de mon village, le FCC, le Football Club de Chazelles-sur-Lyon. C’est excellent pour la condition physique…

Mais les matches n’ont-ils pas souvent lieu le dimanche ?

Si et, bien entendu, je privilégie les courses, si je dois me rendre à Marseille, Deauville, où n’importe-où, un dimanche. Mais, quand je n’ai pas d’engagements, je cours… sur le stade !

Une compagne ?

Ornella Salton, une cavalière qui officiait dans l’Est mais qui m’a désormais rejoint, à côté de Lyon.  Dimanche 21 août, elle sera d’ailleurs à Vittel. Elle connaît les exigences du métier et, de plus, elle adore le foot.

Elle est parfaite !

Oui…

Vous évoquiez Salsa de la Tour, avez-vous d’autres « chevaux de cœur » ?

Tous ceux avec qui l’on s’est illustré, on les aime forcément un peu plus, mais si je devais n’en avoir qu’un, je vous dirais Dance Petit.

Pourquoi ?

Je l’avais monté une quinzaine de fois, nous avions remporté un petit handicap, à Moulins. Il était en valeur 17. Ce n’était donc pas un phénomène, mais il est tellement gentil. Le matin, c’est lui qui « tirait » les poulains, qui leur servait de leader. Et puis, quand Dance a eu 10 ans, le patron a décidé de le réformer, estimant qu’il en avait assez fait, mais il voulait lui trouver une retraite heureuse.

Alors ?

Je l’ai racheté, pour l’offrir… à mon père ! Si ma mère est toujours institutrice, Papa, qui travaillait dans l’électroménager, est un jeune retraité. Il ne s’était pas mis en selle depuis plus de 30 ans, lui qui adorait ça et, depuis maintenant deux ans, quand je passe le voir à l’improviste, il n’est que rarement là : il est toujours quelque part, dans une allée cavalière.

Et où « habite » Dance Petit ?

Chez… le maréchal ferrant !

La boucle est bouclée.