Depuis des années, il est l’une des grandes vedettes de l’obstacle. En témoignent ses 4 Cravaches d’Or. Il n’en demeure pas moins, comme tous ces funambules en casaque de soie, à l’abri d’une chute. Ce samedi 15 octobre, à Auteuil, lui et son partenaire, Shanango, un pensionnaire de son « patron », Guillaume Macaire, se sont livrés à une cabriole spectaculaire. Résultat : nez cassé, 14 points de suture sur le visage, et une côte fracturée avec, en prime, un pneumothorax. Mais il en faut plus pour arrêter Jacques Ricou. A 31 ans, il est bien décidé à décrocher un cinquième trophée suprême, en 2011.
Comment vous sentez-vous ?
C’est mieux. Je ne me souviens pas vraiment de la culbute, simplement d’avoir eu l’impression d’être passé sous un camion. D’après des amis qui ont vu la scène, mon cheval, qui a fait un « 360° », a dû me retomber dessus, et j’ai dû prendre aussi un grand coup de sabot d’un rival, qui n’a pu m’éviter, et qui m’a « fini »… Lundi après-midi, j’ai pu quitter la clinique Ambroise Paré. J’avais la tête comme un compteur à gaz, la face bleue et tuméfiée de partout. Mais j’ai pu regagner mon domicile, aux Mathes, à côté de La Palmyre, dans la nuit de lundi à mardi. Ma femme m’a tout de même reconnu… Pour tout vous dire, je « désenfle » gentiment, ma côte, ce n’est pas agréable, mais c’est tenable, à tel point qu’en me réveillant, mardi, je n’avais qu’une envie : aller monter à cheval.
Vous ne l’avez pas fait, si ?
Guillaume Macaire m’a dit de me calmer et il tient absolument à ce que je respecte les 15 jours de repos qui m’ont été prescrits par les spécialistes. OK. Mais je serai là pour le Grand Week-End de l’Obstacle, les 5 et 6 novembre à Auteuil.
C’était votre premier « pépin » ?
Non, mais j’ai été relativement épargné. Il y avait eu la cheville, clavicule, apophyse, une hanche… Rien que du normal.
Comment tout-a-t-il commencé ?
Je suis né au Lion-d’Angers, où mon père est boucher charcutier. Turfiste convaincu, il me trimbalait sur l’hippodrome, et les champs de course environnants, à peine avais-je abandonné ma « tototte »… Tout gosse, j’étais fasciné. Et, dès que j’ai enjambé un poney, j’ai su ce qui me restait à faire.
Dans un poney-club ?
Non, chez Monsieur Maussion, le père de Michel, grand jockey.
Et alors ?
Pendant un an, j’y ai passé tous mes jours de congé et mes vacances scolaires. Il m’a alors dirigé chez Georges Bonsergent, un « petit » permis d’entraîner, chez qui je suis resté trois ans. Georges m’a recommandé à Philippe Peltier où, tout en continuant l’école, je me suis rendu durant deux années.
Déjà en obstacle ?
Oui. Le plat ne m’a jamais intéressé.
Ensuite ?
Cette fois, j’étais vraiment sûr de vouloir devenir jockey. A 16 ans, j’ai intégré le CFA de Laval, et Philippe Peltier m’a envoyé chez Guillaume Macaire. Je savais où j’allais. Philippe m’avait prévenu : tu habiteras à La Palmyre, mais tu ne verras pas beaucoup la plage…
Facile ?
Disons que j’étais « préformé » en arrivant là-bas, je savais monter, sauter, mais Guillaume a continué ma formation. J’ai « tapé dedans ». J’ai eu des périodes de « bien », et de « moins bien », aussi, loin de la famille. Guillaume m’a pris dans un coin et m’a glissé dans l’oreille : « Ecoute ce que je te dis, fais mois confiance, et… tu verras ! »
Du coup ?
J’ai toujours écouté ce qu’il avait à me dire, je lui ai fait confiance, et la suite est venue… Guillaume est un grand formateur. Quand j’ai rejoint son écurie, Philippe Sourzac a gagné le Grand Steeple-Chase de Paris, avec Arénice. Avant Philippe, il y avait eu un certain Christophe Pieux, Marsac, Juteau, puis Benoît Gicquel… Et il sait aussi forger les entraîneurs, comme Adrien Lacombe, Lagarde, et d’autres…
Comment fait-il ?
La plupart des professionnels gardent pour eux leur expérience, leurs « trucs », leurs « méthodes ». Lui, il dévoile tout, il veut tout faire partager. C’est le plus grand des professeurs.
N’est-il pas parfois un peu dur, avec ses jockeys ou ses employés ?
Comme il l’est avec lui-même. Parce qu’il est en recherche permanente, sinon de la perfection, tout au moins de ce qui s’en approche le plus. Et, s’il est dur, il est droit, et je dirais même Droit, avec un grand D. J’en ai fait, des conneries, j’en ai perdu, des courses. Il m’a fort logiquement engueulé, sur le moment, mais il n’y a jamais eu de rancune ni de rancœur. Par ailleurs, il a un tel regard sur le monde, hippique ou non, une telle culture, une telle plume et un tel coup de pinceau, qu’il n’y en a qu’un, comme lui.
Nourrissez-vous des sentiments « père-fils », avec lui ?
Absolument pas. Il me tutoie, je le vouvoie, nous avons beaucoup d’affinités, mais il demeure mon patron. Nous avons le même sens du cheval, nous parlons le même langage, et nous avons des rapports très professionnels, même si il y a un petit quelque-chose en plus, derrière.
Votre carrière ?
J’ai débuté en 98. Les deux premières saisons, j’ai remporté 14 épreuves. Après, tout s’est enchaîné. J’ai obtenu la Cravache de Bronze dès ma quatrième année. « Sourzy » était le premier pilote, Benoît venait en deuxième position, et moi derrière. Philippe est parti, je passais derrière Benoît, mais je m’en sortais bien. Puis tout est allé crescendo.
Vous avez pourtant quitté le « Maître » ?
Ce fut presque un déchirement. J’avais une belle proposition, du staff « Mulryan », j’avais peut-être aussi besoin d’aller voir ce qui se passait ailleurs. La décision a été difficile à prendre, le « feuilleton » a duré un moment. Mais Guillaume a bien compris et nous nous étions séparés en très bons termes.
Résultat ?
J’ai été associé à des cracks, Mid Dancer, Or Noir de Somoza, Zaiyad et toute la bande… Je n’ai rien inventé, avec tous ceux-là, ils étaient déjà bons avant que je n’arrive. J’ai connu de magnifiques succès, mais, humainement parlant, cela ne m’a pas apporté grand-chose. Si, une vraie belle rencontre, Jean-Baptiste Deshaies, le premier garçon d’Arnaud Chaillé-Chaillé. Un mec super. Alors, terminé, j’ai voulu passer à autre chose.
Vous avez cependant joué les prolongations, avec les « Mulryan » rapatriés en région parisienne…
Oui. J’ai perdu un an, j’ai failli vendre ma maison pour m’installer à côté de Chantilly, mais, heureusement, je n’ai pas franchi le pas. Cela aurait été l’erreur de ma vie. Mais je ne regrette rien, d’autant que j’ai rencontré Hervé Nagard. Une expérience de plus, qui m’a appris, qui m’a endurci.
Retour à la case départ, non ?
Guillaume m’a de nouveau accueilli, j’ai retrouvé ce qui me manquait ailleurs. Je n’apprécie que d’autant plus là où je suis aujourd’hui. Et je le dis : le jour où j’arrêterai de monter pour Monsieur Macaire, c’est que j’aurai rangé mes bottes. Mais ce n’est pas pour demain, j’ai toujours la même passion, pour ne pas dire la même hargne. Et j’ai la prétention de pouvoir me regarder dans la glace, le matin quand je me rase.
La Cravache d’Or 2011 ?
Je ne veux pas vendre la peau de l’ours, mais, même avec mon arrêt forcé, je crois qu’ils vont avoir du mal à me revoir…
En dehors des courses ?
Je suis très « sport » : je cours, j’adore le vélo, le squash… ma femme, et… la vie ! Des plaisirs simples, une bonne soirée entre potes.
J’entends du bruit…
Je rentre nos deux poules ; elles s’étaient sauvées… Des œufs frais, le matin.
Vous ne voulez pas de bébés ?
Oh, si, si ! Mais je suis sur les routes, entre Strasbourg, Pompadour ou Toulouse, toute l’année. Là, nous allons avoir 15 jours pour essayer. Finalement, je ne regrette pas mon nez cassé…