Il a perdu sa décharge en un an et demi, est devenu « pro » à 17 et demi. Le monde des courses en faisait le « Saint-Martin » de demain… Et puis, il y a eu un petit coup de « mou », un moment de flottement. Mais, à désormais 22 ans et près de 260 succès à son palmarès, dont 14 quintés (plus d’une fois sur trois à l’arrivée « d’événements »), Alexis Badel semble avoir franchi un palier. Les mots fusent, les « images » sont éloquentes. Il fait le point…
En tant que fils de l’ancien crack jockey Alain Badel et de l’entraîneur Myriam Bollack-Badel, on se doute d’où vient votre attirance pour les chevaux…
Oui, il n’y a pas d’explications à donner. Mais mes parents ne m’ont jamais forcé à opter pour un métier dans ce milieu. Il se pouvait aussi que, quelque part, je le rejette. Ils m’ont laissé vivre ma vie, jouer au ballon jusqu’à mes dix ans…
Quand vous dîtes « jouer au ballon », vous étiez intéressé par le football ou n’est-ce qu’une métaphore ?
Une façon de parler, oui. Jouer au ballon ou à autre chose, j’étais libre de mes choix. Mais, pour tout avouer, j’ai toujours su, du plus loin que remontent mes souvenirs, que j’allais devenir jockey. Je ne me posais même pas la question. C’était inné, en quelque sorte. Mais il me fallait « prendre de l’âge » et apprécier les difficultés de l’équitation.
Vous montiez, au sein de l’écurie familiale ?
Bien sûr. Et, de 13 à 14 ans, tous les jours, du lundi au dimanche, je me rendais chez André Fabre, où je galopais les chevaux. Il avait dit à Maman que j’étais comme Lester Piggott, qui avait commencé la compétition à 12 ans, à l’époque…
Ensuite ?
L’école AFASEC su Moulin-à-Vent, à Gouvieux, avec, justement, André Fabre pour maître d’apprentissage. J’ai même obtenu le statut de salarié, chez lui, à 15 ans et demi, par dérogation. Mais il m’a tout de même fallu attendre mes 16 ans pour débuter.
Bien ?
Oui. Mais je ne me mettais que très peu en selle, sur les hippodromes. J’ai tout de même atteint assez rapidement le cap des 70 gagnants, dont beaucoup pour l’extérieur. Jean-Pierre Pelat, Nicole Rossio, Patrick Tual ou Jehan Bertran de Balanda faisaient beaucoup appel à mes services. Et puis, pour des raisons diverses, beaucoup de ces professionnels ont « disparu ». Alors, forcément, il y a eu un passage à vide, comme tout le monde peut en connaître, dans tous les métiers. D’autant que je n’avais pas d’agent.
Alors ?
Il n’y a qu’un remède, dans ces cas là : travail et acharnement.
N’aviez-vous pas fait paraître une petite annonce dans Paris-Turf, ce qu’on ne voyait jamais de la part d’un cavalier, pour proposer vos services ?
Si. C’est un copain qui en avait eu l’idée. Moi, je n’étais pas trop « chaud », au contraire, mais j’étais très jeune et il a réussi à me convaincre. Un truc que je ne referais pas, aujourd’hui.
La suite ?
J’ai bossé presque un an pour mes parents, c’était comme une solution « de rechange ». Je venais le matin, « au lot », mais pas toute la semaine, un peu au lance-pierre. J’ai pris, et appris, ce qu’il y avait à prendre, et à apprendre.
Alexis Badel, le « fils de… »…
Surtout pas. D’ailleurs, mes parents m’avaient dit, quand je suis entré au Moulin-à-Vent : « Tu oublies que tu es le fils d’Alain Badel… Tu es un « zéro », comme tous les autres. » J’ai toujours appliqué ce principe et puis, quand vous êtes en course, ou dans la stalle de départ, vous êtes tout seul. Là, votre « Papa » ne peut vous êtes d’aucun secours. Vous avez tout à prouver, comme tous les apprentis.
Avez-vous douté ?
Cela m’est arrivé, mais pas des mauvais doutes. C’était « cuit » ? Non. Surtout pas, et ça m’a plutôt donné envie de me « bouger le cul ».
Et donc ?
J’ai rejoint l’équipe de Cédric Boutin, j’avais besoin de me changer les idées, de les mettre au clair. Un an, là encore. Bénéfique. J’ai alors eu l’opportunité d’entrer au service de Jean-Marie Béguigné. C’est formidable. Pour lui, j’ai gagné ma première listed Race, d’un nez, en fin d’année, et j’ai conclu 2011 sur un score de 45. Il est déjà de 9 en 2012… Tout va bien.
Vous êtes à Cagnes, où ne se rend jamais Jean-Marie Béguigné… Qui vous sollicite ?
J’y suis pour François-Xavier de Chevigny. Tony Castanheira me demande, Keven Borgel aussi…
Qu’est-ce qui a changé, en vous, et pour vous ?
Je pense avoir acquis de la personnalité, j’assume plus, bref, je me « démerde »… Je ne suis définitivement pas, ou plus, « le fils de »… Je crois que mes parents sont contents de voir que j’ai pris mon destin en main, que je me débouille tout seul. Et, aussi, j’ai un agent.
Qui s’appelle ?
Ruben Benitah.
Pardon, mais… je ne le connais pas.
Il est mon meilleur ami et… il ne s’occupe que de moi ! Il est très jeune, 22 ans, mais très intelligent – il suit un « Master », à La Sorbonne -, très droit, très dévoué et s’exprime remarquablement. C’est un authentique passionné et, je vous l’assure, ce n’est pas un agent « en carton », il a ça dans le sang, le garçon…
Des modèles ?
Je ne vais pas vous parler de mon père, bien sûr, même si j’ai de lui l’image d’un fin tacticien, élégant, fluide, qui ne « tapait » que très peu… Quand j’étais gamin, j’essayais de m’imprégner de toutes les vedettes. Je n’ai pas connu Yves Saint-Martin, Freddy Head ou Alain Lequeux, mais Dominique Bœuf m’impressionnait par beaucoup de ses côtés. Olivier Peslier est, à mes yeux, « l’ultra classique », chez lui, il n’y a jamais rien qui dépasse, il ne fait pas un geste inutile. A l’inverse Christophe Soumillon fait tout pour parvenir à ses fins, n’est pas avare de ses mouvements. Thierry Thulliez a vraiment une belle position…
Des loisirs ?
Je suis très sportif, même si j’ai la chance de ne pas connaître de soucis de poids. Je pèse 51,5 kilos mais, avec quelques efforts, je peux monter à 51.
Quels sports ?
Quand j’ai le temps, je pratique la boxe thaïe, dans un Club. Et le vélo, le VTT. Je me déchaîne en forêt. J’aime la nature, l’espace, les bois. Je peux passer des heures tout seul à « faire le con ». En fait, je suis très simple
Des bons souvenirs ?
Beaucoup. Pour moi, toutes les victoires sont belles. Je me suis souvent imposé à plus de 20/1, d’une tête ou d’une encolure, et c’est donc que, là, je n’avais pas commis de bévues, que j’avais tiré le maximum de mon partenaire. Je me souviens tout de même de mon premier quinté, avec Sonic Wine, pour ma mère. D’un cheveu et, d’ailleurs, sur la photo, il y avait 13 concurrents en une foulée. J’avais 16 ans.
Des mauvais ?
Quel que soit le résultat précédent, j’essaye d’être un nouveau mec en pénétrant de nouveau dans le rond de présentation, de ne pas me sentir sous le coup de la déception antérieure, ou de me mettre la pression. J’aime mieux regarder devant que derrière. Et me concentrer pour réussir à détendre mon cheval durant le parcours, préserver son « gaz ». Il suffit, tellement, d’un petit détail pour que tout se dérègle…
La « petite machine » Badel est bien réglée…