Jeudi 22 Mars 2012
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Bien souvent,  la carrière d’un jockey d’obstacle suit le même mouvement sinusoïdal qu’un parcours de haies, de steeple-chase, ou de cross country : des hauts, et des bas. Julien Plumas a connu le creux de la vague. Dimanche 18 mars, il est revenu à Auteuil surfer sur la crête du succès, avec la bonne Ma Filleule, qui devançait facilement un lot de grande qualité. A 27 ans, il ne regrette pas de s’être « accroché ». Il se confie, sans faux-fuyants.

Pourquoi « jockey » ?

J’ai commencé à monter des poneys chez Claude Maussion, le père de Michel qui a été un grand  cavalier d’obstacle, puis je suis allé chez Gorges Bonsergent, un « permis d’entraîner ».

Je vous arrête tout de suite : vous êtes en train de me raconter la vie de Jacques Ricou !

(rires). Vous avez raison, mais c’est… la mienne aussi ! Comme Jacques, nous sommes quelques-uns, natifs de la région du Lion-d’Angers, à avoir suivi le même itinéraire.

Pourquoi, vous ?

Je l’avoue : pour faire comme les copains, tout simplement. Et puis, petit à petit, c’est devenu une passion.

Au point ?

D’entrer à la Maison Familiale de Laval, avec Philippe Bourgeais pour maître d’apprentissage. Il m’a appris à tenir mes rênes, m’a initié au débourrage mais, en 3 ans, je n’ai pas beaucoup goûté à la compétition. Alors, je suis parti chez Gérard Margogne, et c’est pour lui que j’ai enregistré mon premier succès.

En plat ?

Non. En… cross ! Depuis le départ, l’obstacle m’intéressait davantage, même si, par la suite, j’ai gagné cinq courses plates. A l’époque, je pouvais me mettre en selle à 56 kilos.

Cette première victoire, alors ?

Je m’en souviendrai toute ma vie. C’était à Saumur, avec Eclat d’Argos. C’est le cheval qui a gagné, pas moi. Mais je n’avais pas trahi la confiance que m’accordait Gérard Margogne, chez qui j’ai vraiment « avancé », enregistré les leçons.

Vous êtes cependant parti…

Sur les conseils de Régis Bertin, qui était le premier jockey de l’écurie, qui demeure mon modèle, et qui m’a vraiment aidé à me « déclencher ». Il m’a recommandé de tenter ma chance à « Paris » et, à 18 ans, j’ai débarqué chez Thierry Civel.

Là ?

Tout se passait bien et, je n’étais pas arrivé depuis 15 jours qu’un « gars » a « oublié » de venir, un dimanche matin. Le premier garçon m’a demandé de me dépêcher, de préparer mon sac, et l’après-midi, je terminais deuxième, en plat, à Vire, pour ma première monte. Du coup, j’ai monté tous les dimanches suivants, une dizaine de fois, en tout, toujours en plat, avec mon premier lauréat, Lac Léman, à Maure-de-Bretagne. En décembre, le patron m’a envoyé à Cagnes-sur-Mer. Concours de circonstances : Nadège Ouakli, qui devait être associée à l’un de « nos » représentants, s’est cassé la main, le matin de l’épreuve. J’ai été appelé au pied levé, et j’ai signé ma première « PMU ».

Combien de temps, chez Thierry Civel ?

Deux ans. J’ai alors rejoint l’équipe de Yannick Fertillet, avec mon premier quinté à la clef. Il m’a même fait participer à des Groupes.

Cela n’a pas duré…

Disons que, sur un coup de tête, j’ai fait mes bagages.

Ensuite ?

J’ai navigué dans pas mal d’écuries, j’allais à gauche, à droite, associé à des « petits chevaux », bref, je galérais… J’ai même songé arrêter le métier.

Pourquoi cette valse hésitation ?

J’ai mauvais caractère. Ou plus exactement, je n’apprécie pas qu’on me parle comme à un chien. Il m’est arrivé, en plein boulot, le matin, de descendre de ma monture et de poser ma selle. Le respect doit être mutuel. Il va dans les deux sens.

Et puis ?

J’étais à Senonnes-Pouancé. En décembre 2009, Jerry Planque m’a fait signe. Cette année-là, je m’étais imposé à une seule reprise, et encore, c’était pour Jerry, en octobre.

Maintenant ?

Je crois que nous faisons du bon travail, ensemble. D’ailleurs, il « s’agrandit » gentiment et a désormais une trentaine de pensionnaires. Nous devons avoir, aussi, une trentaine de vainqueurs, ensemble. De ce fait, je ne réponds que rarement aux sollicitations de « l’extérieur » et, d’ailleurs, avant 2011, je n’avais jamais eu autant de participations en une année… Jerry m’a littéralement remis le pied à l’étrier.

Ma Filleule, c’est votre plus beau souvenir ?

Pour Yannick Fertillet, j'avais gagné un quinté, à Cagnes, avec Lady Dancer. C’était « ma » première listed Race mais, on le sait, les quintés ne sont pas toujours de « vraies » listed. En revanche, pour Jerry, avec Kashento d'Hommée, nous en avons remporté une, bien « authentique », le Grand Steeple-Chase du Lion-d’Angers. Mais, oui, celle-là, avec Ma Filleule, est très belle. La jument demeure invaincue en steeple, après deux premières places à Angers, elle est athlétique, me plaît beaucoup, et je crois que nous avons un peu le droit de rêver.

Regrettez-vous la région parisienne ?

Pas du tout. La vie, à tous les niveaux, n’y est pas du tout la même qu’en province, on y a moins de temps, il faut plus d’argent… Avec ma femme, Cindy, et notre petit Mathis, deux ans et demi, nous sommes bien, dans notre maison. J’adore bricoler, à l’extérieur, et jardiner. Dès que j’ai un moment de libre, je suis dehors, avec, souvent, Mathis « dans les jambes ».

Cindy connaît-elle la profession ?

Oui. Elle a été apprentie chez Frédéric Danloux mais, tombée en course, elle s’est fracturé plusieurs vertèbres. Les médecins ne lui ont pas redonné sa licence, même pour l’entraînement, et elle a alors été salariée chez Hervé Billot. Elle n’ignore donc rien des contraintes inhérentes à la casaque.

Et vous, des pépins ?

Curieusement, aucune « clavette ». En revanche, je me suis, mois aussi, cassé trois vertèbres sur le « gros » d’Auteuil, avec trois mois de repos forcé, et me suis fracturé le bassin. En deux, carrément. J’étais plus jeune, et je n’ai pas réagi, à ce moment-là, mais, ce serait aujourd’hui, je porterais plainte.

Comment cela ?

A l’hôpital, ils ne se sont pas rendus compte que j’avais une fracture, ils ne m’ont pas plâtré, ils m’ont dit de rentrer chez moi, à minuit. Dns la nuit, je souffrais énormément et, vers 3 heures, du haut des escaliers, j’ai appelé mes parents, chez qui j’habitais encore, pour qu’ils m’aident à descendre. Le lendemain, je n’arrivais toujours pas à marcher, je tombais dans les pommes. Le médecin de famille, lui, a tout de suite compris. Il m’a fallu deux mois et demi pour m’en remettre…

Ce n’est pas très long, pour une telle blessure !

Non. Et tout est parfait, désormais. Si j’ai les chevilles fragiles et que je suis sujet à d’assez fréquentes entorses, j’ai la chance de faire du « bon cal ».

Comment  réagit l’Association des Jockeys ?

Super. Plus que super. Sans parler du Président et de son staff, qui ont fait bouger beaucoup de choses, Maria, que je souhaiterais connaître un jour, nous rend de grands services. Elle est toujours là, à l’écoute, nous informe, nous conseille… Elle doit être une femme comme l’on n’en rencontre que rarement.

Cindy a-t-elle envie de remonter à cheval ?

Oui. Mais c’est interdit ! Il y a assez d’un casse-cou, sinon deux, car Mathis tient pas mal de son père, chez nous !

Votre poids ?

C’est le problème. Avec l’âge, même si je ne mesure qu’un mètre 65, il faut que je fasse des efforts pour honorer un partant à moins de 65 kilos. 64, ce n’est pas dramatique, saunas et course à pied, même si je ne suis pas très sportif, en dehors de l’équitation. La saison dernière, je me suis mis en selle à 62 kilos. Je n’avais pas mangé de la semaine. J’ai connu mieux, au niveau forme et sensations physiques…

Ossu ?

Pas spécialement, mais j’adore la « table », et je ne veux pas me priver, tout en faisant attention. Tous ceux qui se mettent la « double ceinture » durant leur période d’activité, « explosent », une fois leur carrière terminée.

Un bon « restau » de temps en temps, alors ?

Régulièrement, même. Comme dimanche soir, par exemple. Mais, là, nous avions un truc à fêter…

Et que fêter, prochainement ?

J’ai un score de 88, en obstacle. J’aimerais bien… l’arrondir !