Lundi 9 Avril 2012
thomas-huet

Il a attaqué très fort 2012, avec déjà 17 succès, dont le quinté de ce dimanche 8 avril à Longchamp, associé à Telbes, pour Mikel Delzangles. Il va bientôt fêter ses 29 ans, mais préfère dire qu’il en a 28. Mine de rien, il devrait passer, incessamment sous peu, le cap des 400 victoires (393, ce lundi 9 avril), mais, pourtant, il avait opté pour des choix risqués. Très investi dans son métier, il brigue la Présidence de l’Association des Jockeys, Ronan Thomas ayant fait connaître son désir de mettre un terme à sa fonction. Thomas Huet fait le point.

Quelque chose vous prédestinait-il à devenir jockey ?

Non. Rien. Je suis né dans l’Indre-et-Loire, près de Tours. A 6 ans, quand d’autres gamins se tournent vers le football, le karaté ou le judo, j’ai été attiré par les poneys.

Pourquoi ?

Par amour des animaux. Et j’ai tout de suite été conquis. Quand tu as été « mordu » par un cheval, c’est pour la vie. D’ailleurs, je me suis consacré une année au foot, tout de même, mais je suis revenu aux poneys.

Des courses ?

Non. Chez nous, ce n’était pas comme en Mayenne, elles n’existaient pas, ou presque. En revanche, j’ai goûté au CSO, à un petit niveau, et aux « cross », organisés par les centres équestres de la région.

La suite ?

Je ne suis pas revenu sur ma décision. Je voulais travailler avec les chevaux. Pas forcément dans les courses, mais avec eux.

Entendu ?

Oui. Ma mère travaillait dans l’insertion professionnelle, elle n’a eu aucun mal à trouver les coordonnées du Moulin-à-Vent, l’école AFASEC de Gouvieux. J’ai rejoint l’établissement à 16 ans, après avoir obtenu mon brevet. Gérard Collet a été mon maître d’apprentissage.

Ce n’était pas une écurie « classique »…

Non, mais Gérard avait alors une trentaine de pensionnaires, dont une vingtaine « à courir ». J’y ai effectué mes deux ans d’apprentissage, puis presque deux autres années en tant que salarié. De bons souvenirs. Pour lui, j’ai remporté ma première listed Race, avec L’Archonte, de l’Ecurie du Ring, et j’ai perdu ma décharge, à Chantilly, avec My Great Sky, qui appartenait à la compagne du patron. Nous en étions à la mi-saison, et je l’avais prévenu : dès que je passerai « pro », je deviendrai « free lance ». Bien avant, il m’avait d’ailleurs déjà laissé la bride sur le cou, me laissant aller monter quelques galops le matin, chez ses confrères, et même me mettre en selle l’après-midi, en compétition, pour d’autres que lui. Mais, au cours des derniers mois de notre collaboration, pour une quarantaine de gagnants, j’en avais enregistré 19 pour lui.

Drôle d’idée, à peine la décharge perdue, de se muer en « free lance »…

C’était mûrement réfléchi. Je ne dis pas qu’il n’y pas eu le creux de la vague – passage obligé -,  mais c’était ce que je voulais. Encore apprenti, je travaillais pour Mathieu Boutin, Fabrice Chappet, Julie Laurent-Joye Rossi, ou Jean-Claude Rouget… Idem, il y a trois ou quatre ans, j’ai été moins actif, mais je me suis toujours maintenu dans le Top 20, avec un score avoisinant les 40. Et le souhait de demeurer « indépendant ».

Les statistiques semblent importantes pour vous…

Oui. J’aime. Regarder les pourcentages de réussite. Celui que nous obtenons, avec Mikel, ne doit pas être mauvais. Je ne cours pas après les montes. Cinq, pour trois podiums, me conviennent mieux que dix, pour aucun résultat. S’il faut me déplacer – et nous sommes assez sollicités – , avec des espoirs, je le fais. Pour rien, non.

Un « agent », pour suivre ?

Au départ, j’étais « anti-agent ». Mais l’évolution de la profession veut que, désormais, tout jockey ait son « impresario ». Avec la délocalisation, il y a tant de logistique à gérer… Le mien se nomme Antoine Morteo, celui de Fabien Lefèvre, Ronan Thomas, ou Mathieu Tavares Da Silva. Sans vouloir blesser personne, je pense tout de même qu’un agent peut créer des tensions, avec les entraîneurs, ou qu’une fois que la « machine » est bien « huilée », il ne remplit plus qu’un rôle de secrétaire, Mais il est désormais indispensable.

En dehors de la première listed et de la 70ème , quels bons souvenirs ?

Sans hésiter, la soirée au Stade de France, où je me suis imposé avec  un « Mathieu Boutin », Cabeza de Vaca. C’était magique. Le public, dont beaucoup de néophytes, l’ambiance… C’était atypique et sympa. On n’a, hélas, pas revu cet événement se répéter. C’était un véritable show, avec des show-men, et des « show-horses », si l’on peut dire.

Pas de Groupes ?

Non. De nombreuses places. Mais je n’ai jamais eu les « chevaux pour ». J’ai bien failli être assis sirNo Risk at All, dans le Prix du Jokey-Club, avec lequel je venais de remporter l’Omnium, pour Jean-Paul Gallorini et Madame Wildenstein. Mais je me suis blessé, et, même si j’étais compétitif le jour J, Christophe Soumillon était venu travailler le cheval, un peu avant, et je savais que les « carottes étaient cuites ».

Vous avez attaqué fort 2012… Avec qui ?

François Doumen, Giuseppe Botti, Mikel Delzangles, donc, qui me fait venir le matin mais ne m’oublie pas lors des réunions, Valérie Dissaux… J’ai plusieurs « satellites »…

Ronan Thomas quitte la Présidence de l’Association des Jockeys. Vous avez l’air intéressé…

Oui. J’ai envie de m’investir. Ronan, et Thierry Gillet, ont beaucoup fait évoluer les choses, mais j’estime qu’on peut aller encore plus loin dans  le lien qui unit jockeys, entraîneurs, propriétaires et les diverses instances.

Qui, sur votre liste ?

Parmi les têtes d’affiche, Thierry Thulliez, pour le plat, et Jacques Ricou, pour l’obstacle, et certains, comme Laurent Gérard, ayant mis un terme à leur carrière et étant désormais un bon "conseiller" au sein de France Galop, des jeunes de talent se manifestent. Je sais que c’est un gros boulot, très prenant, Christophe Soumillon n’a effectivement pas eu beaucoup de temps à y consacrer, et je regrette que les « vedettes internationales » ne s’investissent pas davantage. En revanche, je peux vous dire que, quoi qu’il arrive, une femme jockey, en l’occurrence Pauline Prod’homme, fera partie du bureau. C’est très bien. Dans ce monde de « machos », elle nous fera remonter les bruits, et revendications, du vestiaire des demoiselles. Mais, quand j’emploie le mot "revendications", ce n’est pas tout à fait exact. Des « remarques », pourrait-on dire. Car le but de l’Association, ce n’est pas d’ameuter les rues, nous ne sommes pas des « syndicalistes », mais de tout faire évoluer dans le bon sens.

Vous n’avez peut-être plus beaucoup de place pour d’autres passions…

Si ! Déjà, ma fiancée, Maëlle. Puis les bonnes soirées, avec bons repas à la clef, avec les copains, et, surtout… l’élevage que je viens de mettre sur pied, au trot.

Au trot ?

Oui. J’y ai obtenu ma casaque, « beige, coutures gros-bleu, manches « beige, étoiles gros bleu », et toque à l’inverse. Avec un ami, notre premier foal vient de naître. Nous avons déjà gagné, avec nos représentants, quelques courses, dont le Grand Prix du Nord, qu’avait préparé Bruno Marie, et nous avons vibré, aussi, avec des sujets mis au point par Charles-Antoine Mary, un bon copain, ou Julien Raffestin.

Au galop ?

Je suis plutôt opposé à ce qu’un jockey ait ses couleurs, sauf dans le cas du « jockey-entraîneur ». Sinon, il pourrait y avoir trop de suspicion, alors que nous luttons activement pour la transparence et la bonne image des courses, salie par le passé mais ayant beaucoup évolué.

Pour conclure ?

Je désire ardemment que l’Association des Jockeys parvienne à trouver, et instaurer, une bonne harmonie entre tous les différents acteurs. Dans l’intérêt des courses et, surtout, des… chevaux !