Mardi 3 juillet, à Clairefontaine, il avait deux montes à honorer, pour son nouveau « patron », François Nicolle. Il a remporté le quinté du jour, en selle sur Cigliano, puis l’épreuve suivante, avec Volnay Pierji. A 36 ans, il a dépassé le cap des 750 victoires, dont trente « Groupes » et quatre « Groupes I ». Pourtant, l’an dernier, Benoît Gicquel a bien failli ranger définitivement ses bottes dans le placard des bons souvenirs. Explications…
On reviendra plus tard sur ce « coup de blues », mais comment tout a commencé ?
Nous habitions la région de Nantes. Mon père avait voulu devenir jockey. Mais sa mère s’y était opposée. Du coup, il est devenu cuisinier et a travaillé à la cantine des hôpitaux de Nantes, où ma mère a été infirmière, mais c’est une coïncidence, ils s’étaient rencontrés avant de se retrouver dans la même administration. Papa était, et l’est toujours, vraiment passionné, et je pense qu’il m’a « refilé » le virus, sans que… Maman n’y puisse rien.
La mise en route ?
Un poney-club… Mais cela n’allait pas assez vite pour moi, d’autant que je n’ai pas goûté aux courses qui leur sont réservées…
Alors ?
Je suis parti pour l’AFASEC du Moulin-à-Vent, à Gouvieux. Bernard Secly a été mon maître d’apprentissage.
Un bon professeur, non ?
Oui. Mais j’estimais que c’était une approche trop « en douceur ». J’ai dû monter une trentaine de fois, en plat, pour lui, avec un succès à la clé, à Evry, mais je désirais m’essayer sur les obstacles, et il n’y tenait pas.
Par goût, les « balais » ?
A la base, oui, déjà. Et puis, à 18 ans, je pesais 53 kilos. A l’époque, c’était lourd.
Du coup ?
Je ne voulais pas stagner. J’avais un copain qui bossait pour Guillaume Macaire, à La Palmyre, et qui m’a dit que je devrais appeler son « boss ». A ce moment là, Guillaume n’était pas encore le « Maître » qu’il est devenu, il avait un peu de difficultés à trouver de la main-d’œuvre. Alors, un gamin, qui se proposait, était le bienvenu. J’ai refait mes valises. Je voulais voir comment cela se passait.
Bon accueil ?
Oui. J’étais « brut de décoffrage ». L’école « Macaire » est dure, mais plus qu’enrichissante. Avec lui, on apprend beaucoup, et assez vite. Quand il voit, face à lui, un jeune réceptif et avide de se perfectionner, il est vraiment très formateur.
Il avait déjà des jockeys, non ?
Bien sûr… Philippe Sourzac, le premier pilote, Stéphane Bihan, Fabien Lagarde. Il n’avait pas la même « cavalerie » qu’aujourd’hui, seulement une soixantaine d’éléments, mais je me souviens de Positron,Saint Preuil, Parika… Ce fut le début de son « ascension ». Moi, je n’étais rien du tout, mais j’essayais de bien faire, le matin.
Récompensé ?
Oui. Il m’a rapidement fait jouer les « doublures », en province, et de fil en aiguille, il, a commencé à m’accorder sa confiance.
Avec des résultats ?
J’ai signé mon premier gagnant et, en un an, j’ai perdu ma décharge. Je me souviens d’ailleurs que le jour où je suis passé « pro », j’ai réalisé un coup de quatre, à Dieppe.
Ensuite ?
Des cavaliers du staff sont partis, d’autres se sont accidentés, et tout s’est enchaîné. Deux mois après cette fameuse réunion à Dieppe, j’ai gagné mon premier Groupe, à Auteuil, le Prix Edmond Barrachin, avec Pantruche.
Vous-êtes vous senti « arrivé » ?
Je me suis dit : « C’est bien parti… », mais je crois avoir toujours su garder la tête sur les épaules. De toute façon, Guillaume te remet vite en place…
Vous êtes resté longtemps, à Royan…
15 ans.
Des joies, des peines ?
Beaucoup de joies, comme ce Groupe I en Angleterre, le Grand Steeple-Chase de Merano, mes deux Prix Maurice Gillois, mes deux Prix du Président de la république, mon coup de 5 à Vichy – quatre pour Guillaume et une pour Guy Chérel -, le Grand Cross de Craon… Des peines ? Pas vraiment. Disons, de l’abnégation. C’était « boulot, boulot, boulot... ». Je n’ai guère eu le temps de m’amuser et, d’ailleurs, je n’étais pas là pour ça. A ce sujet, c’est bien d’habiter cette région. Il y a moins de tentations qu’à Paris.
C’est pour cela que vous êtes revenu sur Maisons-Laffitte ou Chantilly ?
Pas du tout. Au bout de 15 ans, la roue tourne, j’ai voulu voir ailleurs, et puis, même si nous nous sommes quittés en bons termes avec Guillaume, le courant passait moins bien.
Quelle opportunité ?
J’avais fait le meeting de Pau pour François Cottin, tout ne s’était pas mal passé, et, à ma demande, il m’a embauché. J’y suis resté six mois, puis un an chez Guy Chérel et, enfin, six mois chez Mickaël Séror.
La bougeotte ?
Non. Mais je n’ai pas trouvé d’écuries qui me convenaient vraiment. J’avais l’impression qu’on ne me faisait pas assez confiance.
Chez François ou Guy, d’accord, ce sont de grosses « maisons », mais chez Mickaël, c’était plus difficile, non ?
C’était une sorte de challenge, de défi, que je m’étais lancé… Même s’il n’y avait pas un gros effectif, on pouvait peut-être faire parler de nous… Cela s’est avéré délicat.
Avez-vous tiré des leçons de ces expériences ?
Oui. Je les juge positives. J’ai découvert d’autres méthodes de préparation, j’ai ouvert les yeux sur certaines choses. Mais je me sentais tout de même en « stand by », et c’est là que j’ai eu des doutes… Et l’envie de raccrocher.
Pour faire quoi ?
J’avais des idées, ou tout au moins des envies… « Consultant », dans un média, par exemple, quitte à suivre une formation de journaliste.
Et puis ?
François Nicolle, qui est installé à Sain-Augustin, à côté de La Palmyre, m’a tendu la main, et je lui en suis pleinement reconnaissant. Ce n’est pas évident de recruter un jockey qui n’a pas la grande forme. Je le connais depuis longtemps, évidemment, mais je n’avais dû me mettre en selle, pour lui, et encore au pied levé, qu’à quatre ou cinq reprises. Tout se passe bien, l’équipe, avec François, bien sûr, Christophe Cheminaud, l’assistant, et Gaëtan Olivier, sans parler des lads et des cavaliers d’entraînement, se donne à fond. La réussite est au bout.
Vous parliez de Cross, tout à l’heure. Vous êtes toujours tenté ?
Ce n’est plus ma spécialité, mais, quand on me propose un bon cheval, sûr, et que le tracé me plaît, je suis toujours partant pour un « régal ». Cela dit, j’accepte avec parcimonie, selon les propositions.
Vous avez été victime de plusieurs accidents…
C’est inhérent au métier. Quinze fractures, dont, surtout, la hanche, qui m’a embêté. Une fois cassée et luxée, et deux autres luxations, les clavicules, les chevilles, les mains… Je dois être fragile des articulations.
Des « variantes » ?
J’adore le vélo, je cours, aussi, pour m’entretenir, et, cela peut paraître idiot, mais j’aime ma maison, aux Mathes. Jardiner, un coup de peinture, que tout soit impeccable…
Un bon repas ?
Bien sûr, et s’il y a l’occasion de faire la fête, je suis partant. Mais, si je n’ai jamais connu de problèmes de poids, il faut désormais que je fasse attention. Je ne reprends pas trois fois de la choucroute (rires) ! Cependant, je mange à ma faim.
La casaque toujours prête à être pliée ?
Non. C’est reparti au-delà de mes espérances, tant en qualité qu’en rapidité. Si je continue comme en ce moment, que le physique suit, et que le plaisir m’accompagne, vous n’avez pas fini de me voir…