Pierre Charles Boudot & Kevin Nabet
Cravache d’Argent 2017
La jeunesse récompensée avec la tête sur les épaules !
Double rencontre sur l’hippodrome d’Auteuil des « Cravachés » d’Argent 2017. Respectueux l’un envers l’autre, pour leur travail et leurs exploits accomplis, Pierre-Charles Boudot et Kevin Nabet prennent quelques instants pour échanger et se connaître un peu mieux.
Kevin Nabet : Comment redescend t-on sur terre après une Cravache d’Or doublée d’un record ?
Pierre-Charles Boudot : Tout simplement ... on ne redescend pas ! Car tout reste à refaire et on ne doit en aucun cas se reposer sur ses lauriers, continuer à travailler et à progresser sur cette lancée.
P-C.B. : Une seconde cravache à 26 ans, après le Bronze, l’Argent... La Cravache d’Or est-elle ton prochain défi ?
K.N. : Cela pourrait être un objectif, mais en obstacle, c’est assez délicat. Il y a toujours des paramètres qui entrent en compte, notamment les blessures et ensuite les montes bien évidemment. En tant que jockey « Macaire », j’ai la chance de monter de bons chevaux mais Bertrand Lestrade a une place importante ... Devant moi. Je monte aussi pour l’extérieur, mais les chevaux de Monsieur Macaire auront toujours la priorité. ça sera sûrement grâce à lui et c’est lui qui décidera, si je suis capable d’être Cravache d’Or un jour… En revanche, il est évident que gamin, lorsqu’on rentre à l’école des jockeys, on rêve d’être le meilleur un jour…
Alors aujourd’hui je ne suis pas le meilleur mais on s’approche de la première marche... Avec la chance de monter de bons chevaux.
K.N. : Est-ce que tu vas retenter un record ?
P-C.B. : Sincèrement, je ne pense pas. Je l’ai fait une fois, c’était assez sympa car les bons résultats réguliers au fur et à mesure de l’année m’ont forcés à y penser, mais cela représente beaucoup d’efforts. Quand tu te lances à la poursuite d’un record, c’est 365 jours sur 365 avec des sacrifices en permanence. L’année suivante, j’ai vraiment levé le pied, et cette année je vais beaucoup moins en province. Quand on a la chance de pouvoir monter « les bonnes courses » il faut savoir privilégier la qualité des résultats par rapport au nombre de gagnants.
P-C.B. : Comme tu le disais, tu es Jockey « Macaire » depuis 2 ans, est-ce que ça change la vie professionnelle ?Â
K.N. : Je me suis installé à Royan en février 2016, après le Meeting de Pau. Je montais déjà pour Monsieur Macaire en tant que jockey « Free Lance » depuis 2 ans. Il m’avait confié de bons chevaux. J’y allais beaucoup l’été pour passer les vacances et j’en profitais pour aller monter à l’écurie. Et puis à force de faire les aller-retour, nous avons discuté de ce qui était le mieux pour la suite de ma carrière. Quitter Chantilly pour emménager à Royan, était l’évidence pour concrétiser notre partenariat. Depuis, je suis quasiment tous les matins à cheval. Ce qui me permet de bien connaître les chevaux que je monte l’après-midi et de faire partie de la « team ». Cela change de la vie de « jockey vedette » que j’avais à Chantilly, en me levant à 9h et en allant sauter des chevaux de temps en temps.
C’est une bonne chose et cela m’a permis de me cadrer moi-même et de trouver un équilibre, un rythme. Tout simplement ... On ne redescend pas ! Car tout reste à refaire.
K.N. : Envie d’obstacle un jour ? Car tu es souvent à Auteuil mais à pied.
P-C.B. : En effet, je suis souvent à Auteuil car ma mère a pas mal de chevaux avec lesquels cela se passe bien en ce moment. Je suis vraiment impliqué dans son élevage ainsi que dans le suivi des chevaux à l’entraînement avec Mickaël Seror, mon beau-frère. L’envie d’obstacle, bien-sûr que cela me tenterait mais sur une carrière je ne pense pas. Mais c’est vrai que cela serait sympa de le faire une fois...
P-C.B. : Quel serait ton Graal ? Quelle course ? Quelle performance ?
K.N. : Je ne vais pas être original mais je vais dire que c’est le « Grand Steeple Chase de Paris » et tous les Groupes I qui vont avec... il en restera 8 après celui-ci… (RIRES). Pour le moment, je n’ai gagné qu’un seul Groupe I et avec de la chance… L’année dernière, DE BON CŒUR est tombée sur l’avant-dernière haie et du coup j’ai pu remporter le « Alain du Breil » avec PRINCE ALI. J’ai une trentaine de Groupe II et III mais les Graals ce sont toujours les finales, ce sont elles qui sont gratifiantes. Maintenant, il faut les bons chevaux pour gagner ces courses là et arriver jusqu’à l’arrivée...
K.N. : Monter en course à l’étranger sur du long terme te tenterait-il ?
P-C.B. : On a la chance d’être dans un pays dans lequel les courses vont « encore » bien. J’ai eu l’opportunité de faire des saisons hivernales au Japon et à Hong-Kong, expériences très enrichissantes mais assez difficiles pour moi car le poids requis n’était pas simple à maintenir. Je n’exclus pas d’autres hivers à l’étranger si de belles occasions se présentent mais la France reste ma priorité.
P-C.B. : Je te retourne la question : est-ce que monter en Angleterre ou en Irlande quelques mois serait une envie ?Â
K.N. : Aujourd’hui non, car il y a beaucoup à faire en France et cela demande beaucoup de travail, d’effort et de concentration pour rester au top ici. Mais pourquoi pas un jour… Il n’est pas simple d’accéder aux courses en Angleterre et en Irlande, ils sont très « chauvins », il y a déjà beaucoup de jockeys, cela n’est pas simple d’y faire sa place et d’y monter de bons chevaux. Et dans notre métier, c’est quand même ce qui est intéressant. Cela serait très compliqué. Je serai intéressé pour faire un stage chez un top entraîneur mais en général c’est l’hiver que cela se passe, et je privilégie le meeting de Pau qui se déroule à la même période. En effet, je suis originaire de là-bas et j’ai surtout souvent pas mal de chance sur cet hippodrome... Je commence mon compteur de gagnants et c’est ce qui compte pour la course à la Cravache !
K.N. : Tu es grand, ton poids est-il un problème au quotidien ?
P-C.B. : Oui en effet, c’est un problème quotidien, mais on vit avec ça, cela devient une habitude et on compose... Quand je vois la carrière de Cash Asmussen ou Richard Hugues qui avaient la même morphologie, je me dis que cela n’empêche pas de réussir. Je connais assez bien mon corps maintenant, ses besoins et ses zones critiques. J’arrive à me maintenir et j’espère que je pourrais continuer encore longtemps...
P-C.B. : On te connaît comme quelqu’un avec du tempérament. Comment tu gères la pression, le stress, le trac ? (RIRES)
K.N. : Je le gère comme je peux... On a chacun nos façons de faire. Aujourd’hui, j’ai 26 ans, cela fait 10 ans que je monte en courses, je commence à prendre de l’expérience et je stresse beaucoup moins. Avant je faisais un peu (beaucoup) l’andouille dans les vestiaires pour évacuer le stress, c’était naturellement ma façon de décompresser. J’arrive aujourd’hui à me mettre dans ma bulle, je suis plus calme, je me concentre plus facilement. A partir du moment où je rentre dans le rond et encore plus quand je monte à cheval, la pression est là mais le stress disparaît. Je pense que la « bonne pression » est positive, c’est pour moi synonyme de professionnalisme, de volonté de bien faire. Pour les bonnes courses et quand on a une bonne chance, il y a toujours du trac...
P-C.B. : Le mot de la fin ?
K.N. : On a un œil extérieur par rapport au « Monde du plat » car on n’y évolue pas du tout et les deux disciplines sont bien parallèles. On ne peut qu’admirer tes performances ou celles de Christophe Soumillon. Moi, gamin, je ne voulais pas être jockey d’obstacle mais jockey de plat... mais le poids m’a rattrapé. Aujourd’hui je suis content d’être jockey d’obstacle, c’est mon métier, j’en suis fier. Je ne sais pas si j’aurai pu être un bon jockey de plat, car même si j’avais pu remplir les conditions, les places sont chères. Donc je ne regarde pas en arrière, je regarde devant moi et je suis content de ce que j’ai accompli jusqu’à maintenant.
Propos recueillis par Carole Desmetz Consulting