Lundi 11 Novembre 2019
Geoffrey Re

Tombé dedans quand il était petit à l’écurie de son oncle Christian Scandella, Geoffrey Re a essayé plusieurs métiers pour ne pas rester dans le milieu.
A 25 ans et 130 gagnants plus tard, Geoffrey Ré a perdu son accent marseillais, et fait partie des pelotons et des podiums parisiens !

A quelques heures des 48H de l’obstacle, rencontre avec un jockey très lucide, au joli minois et aux multiples casquettes.

Son histoire

Cavalier depuis toujours, mais suivant les avis de son entourage et ayant peur que son poids ne le rattrape pour pouvoir être jockey, il cherche un métier plus classique. Passionné de motos, il tente d’abord une école de mécanicien en alternance, puis poursuit avec une formation de maréchal ferrant.
Sa passion le rattrape, il ne voit que par les chevaux et le métier de jockey, il souhaite donc intégrer l’Afasec. Cependant lors des sélections à Marseille, il connaît déjà tout le monde. Il est alors préférable qu’il rejoigne l’établissement de Mont de Marsan pour une concentration optimale. C’est ainsi qu’il quitte le foyer familial à l’âge de 13 ans.
Après 15 jours d’enseignement à l’écurie d’application et maitrisant les bases de l’équitation, il est placé chez Jean Luc Laval.

GR : « Il a été pour moi un super patron, il m’a appris toutes les bases, j’ai débuté pour lui avec un ‘vieux tonton’. Mon diplôme CAPA en poche et après avoir fait mes armes pendant 3 ans grâce à cet entraîneur, j’embauche à l’âge de 16 ans chez Jacques Ortet. J’y reste 2 ans et demi environ et monte une trentaine de fois.
Après une erreur de parcours pendant un meeting de Pau pénalisée par 15 jours de mise à pieds, je décide de prendre des vacances et j’ai alors conscience que ma collaboration avec Monsieur Ortet arrive à son terme. Cela faisait un moment que cela murissait dans ma tête … je monte donc à Paris, j’ai 18 ans ! J’atterris chez Yannick Fouin. On est en 2013. Tout a collé de suite avec Yannick, je perds ma décharge assez vite en un peu plus d’un an. Au bout de quelques années, mes chevaux de cœur vieillissant, et une nouvelle décharge arrivant, il me fait comprendre gentiment qu’il faut que j’évolue en changeant de patron. Je prends la décision de postuler chez Guy Cherel, où les effectifs bougent aussi, Cyrille Gombeau arrête à ce moment, il reste Clément Lefebvre et David Cottin. Il y a donc une place à prendre. J’avais encore beaucoup à apprendre. L’écurie est une grosse maison, et grâce à lui ma carrière se lance, compte tenu de ses propriétaires qui m’ont fait confiance. »

Après trois meetings de Pau pour Monsieur Cherel, une chute à La Teste début 2018 lui provoquant des factures des apophyses, sans gravité mais douloureux nécessitant du repos, il se rend compte que les choses ont un peu changé, que la confiance n’est plus la même. Il en parle avec son patron. D’un commun accord, ils actent sur le fait que Geoffrey avait fait son temps à l’écurie. Il prend alors un peu de recul, fait un état des lieux du marché, de l’actualité, des écuries …
Il se dit clairement : « bon … qu’est ce que je fais, après 40 gagnants pour l’un des plus importants entraîneurs d’obstacle de l’époque, tout s’arrête d’un coup, j’étais un peu perdu … Bref, il fallait que je tente un truc ! Je n’imaginais pas monter le matin sans aller gagner des courses l’après-midi ! »
Pour s’aérer et acquérir une nouvelle expérience, il part à Royan chez Monsieur Arnaud Chaillé-Chaillé pendant 4 mois. Il a monté et gagné. Il savait que cette collaboration était définie pour une période, étant donné la droiture de l’entraîneur et la fidélité qu’il a pour ses jockeys ‘maison’. De plus, la logistique devenait compliquée entre Royan et Paris pour honorer le travail du matin et les montes pour d’autres clients. C’est ainsi qu’il recherche à nouveau un point de chute. (sans jeu de mots)

Meeting de Pau 2018 / 2019

C’est une discussion avec David Powell qui sera le déclic : « FORTHING rentre de vacances, il part chez David Cottin, il fera le meeting de Pau, il est pour toi » Pour mémoire, FORTHING est LE cheval spécialiste de Pau, il ne court que sur cet hippodrome en raison du fait qu’il est droitier, il ne peut pas courir ailleurs, mais c’est surtout le crack, le cheval de cœur de Geoffrey avec lequel il accumule les victoires. Ce dernier n’hésitera pas un instant … Il appelle immédiatement David Cottin, avec qui il a de très bons rapports. La collaboration pour le meeting se décide rapidement.
Un deuxième cheval rejoint le piquet de Geoffrey : VANGEL DE CERISY appartement à Carlo Robba, un ami. Connu pour être un cheval de lourd avec qui Geoffrey a déjà gagné à Auteuil sur une piste d’automne très lourde dans un handicap, il semble que la piste de Pau pourrait lui convenir parfaitement. Le jockey en parle à son propriétaire, et le cheval rejoint les écuries de David Cottin pour tenter l’aventure.
Geoffrey prend donc le risque de partir à Pau avec ces deux cartouches … l’histoire qui suit est belle et tout s’enchaîne : victoires dans les préparatoires, la Grande Course de Haies et le Grand Steeple pour FORTHING, et Quinté et second de Quinté pour VANGEL … Cerise sur le gâteau : il récupère un cheval de Jonathan Plouganou en fin de meeting avec lequel il gagne !

2019

A l’issu de ce fructueux meeting, il se rend compte qu’il n’y a plus que David pour rebondir. L’association se déroule sans accros depuis le début de l’année 2019. Grâce à ses performances, d’autres entraîneurs comme Marcel Rolland et Isabelle Pacault lui font confiance. De plus Erwan Grall, ancien collaborateur de Guy Cherel et de David Cottin, s’installe à Maisons-Laffitte. Geoffrey lui apporte son aide et son expertise au maximum.
C’est ainsi que son quotidien et sa semaine s’organisent entre Lamorlaye (pour David Cottin, Marcel Rolland) et Maisons-Laffitte (Pour Isabelle Pacault, Erwan Grall, Danielle Amel et Jehan Bertrand de Balanda qui l’a toujours fait monter quand la situation était compliquée) Il essaye donc de satisfaire au maximum tous ceux qui font appel à lui et les en remercie.

L’histoire avec PAUL’S SAGA

Après quelques échanges avec Geoffrey, nous comprenons très vite qu’il fait partie de ces personnes dont le destin est ponctué par des évènements et de « coups de chance » comme il les nomme, qui l’aiguilleront toute sa carrière, ou même sa vie.

GR : « PAUL‘S SAGA, pfffffff … c’est encore un coup de chance ! Après des résultats en plat avec PC Boudot (2 victoires) et Alexis Larue (1 victoire) sous l’entraînement de Gauvin, la jument participe à deux courses en obstacle en 2018, elle gagne à deux reprises avec Jonathan Plouganou. Puis elle fait sa rentrée à Compiègne en 2019, les résultats sont décevants, mais ce n’est ni de sa faute ni celle de son jockey. Les circonstances de courses ne lui ont pas été favorables.
Cependant, David Cottin croit en elle et a toujours su que c’était une crack ! Il l’engage dans la Grande Course de Haies de Printemps à Auteuil avec 66 Kgs. Les propriétaires ne souhaitent pas lui rajouter du poids, Jonathan ne peut donc pas honoré cette monte, c’est pourquoi je me retrouve dessus et je gagne. Les engagements se suivent avec de bonnes choses et de moins bonnes. Mais la jument se maintient. Arrive la rentrée de l’automne, et aucune course ne se profile pour elle, hormis avec une opposition de qualité. David lui trouve une rentrée en steeple après l’avoir dressée sur les obstacles. Sans la bousculer, elle termine 4ème de belle manière. Puis nous voilà au départ du Prix Carmathen, la jument est prête … terrain lourd qu’elle affectionne … 63 Kgs … tous les voyants sont au vert, David me dit : fais comme tu veux, tu la connais. Tout se déroule impeccablement à mi peloton, pour finir dans le dos de GALOP MARIN dans la ligne d’en face jusqu’à la dernière, et pour venir gagner de 1 ou 2 longueurs. » 

Les 48H de l’Obstacle

Une mise à pied dans le Quinté du 19/10 l’empêche de monter les deux jours. Il doit prendre son joker. Il a fait son choix … il montera dimanche. Il abandonne à contre cœur sa PAUL ‘S SAGA, remplacé par Kevin Nabet. Il sera en selle sur SANGENNARO, 3 ans. Avec déjà deux victoires à leur actif, il choisi le poulain car c’est l’avenir et qu’il ne peut que progresser.

D’autres passions ?

GR : « Hormis les chevaux pour lesquels je me lève tous les matins, je ne me vois pas faire autre chose, je suis né dedans, j’ai toujours vécu comme ca, je ne me suis jamais posé la question. Mais je suis fan de pêche et de plongée sous marine. Tous les étés, j’essaye de partir quelques jours en famille en Corse. Cela me permet de souffler. C’est mon échappatoire.

Des coups de gueule ?

Evidemment, avec son actualité, Geoffrey est un peu amère étant donné sa mise à pieds qui le prive de prendre le départ avec Paul’s Saga, entre autres. Son idéal serait de retrouver des anciens collègues de vestiaires reconvertis en commissaires. Ce sont des professionnels qui connaissent bien les courses, leurs risques, leurs contraintes ... et qui ont vécu des situations concrètes pour pouvoir prendre des décisions et des sanctions justes. Les jockeys sont à cheval pour défendre les couleurs des propriétaires, et gagner des courses. Tout ne se passe pas toujours comme sur des roulettes et il faut anticiper, et / ou réagir en fonction de ce qu’il se passe … en le tout en quelques secondes.

Un peu nostalgique, Geoffrey soulève également le fait que les courses d’obstacles sont de moins en moins populaires médiatiquement à causes des chutes mais paradoxalement toujours très suivies étant donnée l’adrénaline et le spectacle qu’elles procurent.
GR : « Je regrette que nous ne soyons pas mis plus en avant en terme de publicité en comparaison avec nos homologues de plat malgré le fait que les enjeux sont similaires. »

Un coup de cœur ?

GR « J’aime mon métier de jockey d’obstacle et j’apprécie le respect que les professionnels de plat et de trot ont pour nous, et qu’il soit reconnu que notre métier soit difficile, j’en suis fier … Je suis admiratif de jockeys comme Christophe Pieux ou David Cottin. »

Un objectif ?

GR : « J’en ai plusieurs … le Cambacérès … faire un bon meeting de Pau avec FORTHING entre autres, et monter le Grand Steeple Chase de Paris, car c’est le Graal de tout jockey »

Un rêve ?

GR : « Monter et gagner à Auteuil pour la casaque de mon grand-père, qui est aujourd’hui reprise par ma tante Brigitte Ré - Scandella. J’ai déjà gagné en province, et nous avons toujours quelques chevaux pour courir, mais qui n’ont malheureusement pas encore le niveau pour venir à Paris pour le moment … »

Le plus important pour être un bon jockey ?

GR : « Etre bien dans sa tête avec un mental à toutes épreuves. Savoir encaisser les coups physiques ou moraux. Savoir se remettre en question. Se souvenir d’où on vient, se satisfaire de sa progression. »

Le après ?

GR : « Je me suis toujours dit que je retournerai dans ma famille à Marseille. J’adore les huitres … et à Marseille il n’y a pas de bar à huitres … alors pourquoi pas (rire). Les chevaux me manqueront peut-être ..."

Le mot de la fin ?

GR : "Je remercie mes parents qui m'ont toujours soutenu, mon oncle et ma tante qui sont à la base de tout ça, mes entraîneurs nommés ci-dessus, et mes chevaux "

Bonne route à toi Geoffrey, un jockey passionné, motivé, impliqué, mais qui ne se prend pas au sérieux avec tout de même la tête sur les épaules grâce certainement à une éducation reçue de ses parents ayant la valeur du travail.

Propos recueillis par Carole Desmetz Consulting
Photos : APRH