François-Xavier Bertras, 34 ans, réalise un début de saison exceptionnel, trustant les belles victoires, comme, samedi 20 mars, encore, à Saint-Cloud, où il remporté la listed Race Prix Rose de Mai, en selle sur Sandbar, entraînée par son patron, François Rohaut.
Pour les parieurs, « FX » est une bénédiction : de début 1998 à fin 2009, il a disputé 4.199 courses « PMU », en a gagné 610, et a pris 1.913 places de deuxième ou troisième. Soit un taux de réussite de… 60 % !
Comment expliquez-vous cette régularité ?
Je travaille pour une bonne écurie, depuis bientôt 15 ans, je monte mes 4 lots tous les matins, quand mes déplacements sur les différents hippodromes me le permettent, je fais attention à mon hygiène de vie, je respecte un régime alimentaire à longueur d’année, pour pouvoir monter à 54,5 kilos, et… j’adore mon métier. Mais il faut avoir de la chance et, aussi, savoir la saisir quand elle se présente. Etre au bon endroit, au bon moment… Pour ma part, jusqu’à maintenant, j’estime que j’ai eu une vie facile…
C'est-à-dire ?
J’ai vraiment eu une belle enfance… Mes parents avaient une ferme, près de Dax, où ils élevaient des canards. La maison, c’était l’arche de Noé, avec les chiens, les chats, puis… les poneys et les chevaux.
Pourquoi, des chevaux ?
Mes deux sœurs sont parvenues à un haut niveau, en concours complet. Après mes premières armes à dos de poney, j’ai commencé, moi aussi, par le concours. Mon père, qui a toujours été amoureux des chevaux, a alors investi dans des poulinières, pour l’équitation classique. Nous en avions une vingtaine.
Vous n’avez pas continué dans cette voie ?
Depuis mes 8 ou 9 ans, j’ai voulu devenir jockey. Je n’avais pas la patience de mes sœurs, et j’étais également plus fainéant. Le concours, c’est une préparation de longue haleine et, pour un petit pépin, une petite boiterie, au dernier moment, alors qu’on prépare un championnat de France depuis un an, tous les espoirs s’effondrent. Mais ce passage par le concours hippique m’a beaucoup servi dans l’approche de l’animal.
Quand avez-vous vraiment « bifurqué » ?
A 14 ans, je suis entré à l’AFASEC de Mont-de-Marsan. J’ai eu Michel Laborde comme maître d’apprentissage. Pour l’anecdote, quand je suis entré à son service, Ioritz Mendizabal y entamait sa troisième année. Je cois qu’avec Ioritz, nous avons été les deux derniers jockeys que Michel Laborde a formés.
Ensuite ?
J’ai poursuivi chez Gildas Geffriaud, à Mont-de-Marsan, puis chez Jean-Luc Pelletan, qui s’installait entraîneur, avec un effectif d’une trentaine de chevaux. J’avais 18 ans, j’avais droit à la décharge et, cette année là, j’ai dû faire environ 30 gagnants. Jean-Claude Rouget, Henri-Alex Pantall ou Jean-François Bernard faisaient appel à moi, dans les épreuves où ils pouvaient utiliser ma décharge. J’ai décroché le titre de « meilleur apprenti du Sud-Ouest ».
Quand avez-vous rejoint François Rohaut ?
A 20 ans. Il m’a proposé une place de premier jockey. Quand je vous disais que tout a été facile… Cette année-là, Jean-Claude Rouget n’a pas eu de bons 3 ans… Nous avons tout gagné ! A 21 ans, je suis allé à Goodwood, disputer la Shergar Cup. J’étais le petit jeunot, provincial, qui plus est, qui venait se frotter à quelques unes des plus fines cravaches du monde. Des souvenirs formidables…
Il doit y en avoir d’autres, non ?
Beaucoup, oui… Je citerai Coach, qui m’a offert mes premières listed Races, et Lahib, un « arabe » avec qui j’ai signé le premier « vrai » Groupe I pour cette race, lors du week-end du Prix de l’Arc de Triomphe 2008. Nous nous sommes retrouvés à 4 de front, pour une lutte acharnée. Il a fallu dix minutes aux juges à l’arrivée pour déterminer, à la photo, le classement des 4 premiers… Lahib avait eu le nez le plus long…
D’autres Groupes ?
Le Prix Pénélope, le Prix Babouin, un autre en Allemagne, le Grand Prix de Norvège, une belle course en Espagne, une autre en Italie…
Vous aimez les voyages ?
Oui, mais je vais surtout là où mon patron me demande d’aller…
Vous êtres très souvent sur la route…
J’étais à Deauville le vendredi 19 mars, à Saint-Cloud le lendemain, à Mont-de-Marsan, dimanche, à Compiègne, lundi, et mardi, à Lyon…
Tout cela, en voiture ?
Non, heureusement. Quand je viens en région parisienne, je prends l’avion, le plus souvent. Ce qui ne m’a pas empêché de faire 90.000 kilomètres sur les routes, en 2009, et sans compter l’étranger… Cela dit, la « décentralisation » nous a fait un bien phénoménal, à nous « provinciaux ». A tous les niveaux, cavaliers, jockeys, entraîneurs… Jean-Luc Lagardère était un véritable visionnaire, tant dans ses entreprises que dans les courses…
Avez-vous le temps de nourrir d’autres passions ?
J’aime les sports mécaniques. Tout jeune, j’avais déjà une moto de cross. Mes deux enfants, Winona, 8 ans, et Sheyton, 3 ans, sont mordus de quad, eux aussi… On s’amuse beaucoup.
La famille semble importante, pour vous…
Enormément. Et je ne la sacrifierai pas à mon métier. J’aime la compétition, je suis un gagneur et je fais tout pour parvenir à mes fins, mais je ne veux pas me retourner, un jour, et constater que je n’ai pas vu grandir mes enfants… Gamin, j’ai vraiment été heureux, avec ma famille, et cela m’a beaucoup aidé, dans les moments de stress que tout un chacun connaît, à un instant ou un autre. Disons que j’essaye de prendre la vie au troisième degré, et d’occulter tout ce qui me dérange.
Vous êtes aussi souvent en rapport avec l’Association des Jockeys…
Je suis un peu le relais, pour le Sud-Ouest. J’estime qu’elle a pris une très bonne voie, que la « province » est beaucoup plus intégrée. D’ailleurs, les jockeys d’ici sont très impliqués. Je suis souvent en contact avec Thierry Gillet, le Secrétaire Général. Récemment, je lui ai demandé d’organiser une réunion, et il est venu aussitôt, pour faire le point et répondre à nos questions. J’avais demandé à beaucoup de nos jeunes de venir y assister, car « l’Asso » nous concerne nous, les « 30 – 40 ans », bien sûr, mais aussi les générations futures. Je me donne, a priori, encore six ou sept ans de carrière, alors que les gosses, eux, ne font que commencer…
Vous parliez d’hygiène de vie… Vous ne fêtez jamais les beaux succès ?
Si, bien sûr… Si l’on veut tenir, à longueur d’année, il faut se ménager des moments de décompression, savoir se « lâcher » un peu, de temps à autre… Il y a une super ambiance, à l’écurie. Pratiquement tous les soirs, après nos courses à droite ou à gauche, nous nous téléphonons, avec David Morrison, Cyril Bréchon ou Emilien Révolte… On échange nos impressions, ils ne se trompent pas souvent et ces discussions sont précieuses, pour les prochaines sorties de nos représentants… Régulièrement, nous invitons tous les membres de l’écurie au restaurant. Cela resserre encore les liens de notre « troupe ». C’est très important.
A propos de restaurant, êtes-vous gourmand ?
Très. J’adore la bonne « bouffe », mais je ne peux pas m’en accorder souvent. Là, c’est vrai, c’est un peu moins facile…