Ce 26 avril, il a remporté le Prix Roger Duchêne, la « Grande Course de Haies d’Auteuil » des apprentis et jeunes jockeys… Sitôt le poteau franchi, au micro d’Equidia, il a dédié cette victoire, la 30ème de sa carrière, à son copain Arnaud Duchêne, fils du regretté Roger, mortellement blessé, le 6 mai 1993, à la Rivière du Huit. Kevin Guignon, qui fêtera ses 25 ans le 21 mai, a le cœur près de ses mots…
Pourquoi avoir choisi ce métier ?
Pour la passion des animaux, l’envie d’adrénaline …
Aviez-vous de la famille dans le monde du cheval ?
Non. Si ce n’est mon arrière-grand-père, qui a servi comme colonel dans la cavalerie, durant la guerre.
Par quelle porte y êtes-vous entré ?
Je suis du Maine-et-Loire. Je suis entré au CFA, à Laval, en 2000. J’y suis resté jusqu’en 2002, où j’ai décroché mon diplôme, avec Eric Aubré, comme maître d’apprentissage. Un « touche à tout », qui allait de l’élevage à l’entraînement - il a un permis d’entraîner – en passant par le débourrage et le pré-entraînement.
De quoi vous rendre heureux ?
En fait, j’étais moi-même comme les yearlings qu’il débourrait… Et j’ai sans doute plus appris, en suivant tout ce cheminement, que si j’étais devenu tout de suite apprenti jockey. J’ai hésité entre continuer mes études, ce que je voulais, quelque part, ou devenir salarié, ce qu’il me proposait. Finalement, à 17 ans, j’étais salarié…
Ensuite ?
Eric Aubré débourrait des poulains et pouliches pour Guillaume Macaire. Ensuite, ils – ou elles – passaient chez Rémy Pasland, pour le pré-entraînement, toujours dans le but de rejoindre les boxes de Guillaume Macaire. Eh bien moi, comme je vous le disais, j’ai suivi le même itinéraire : je suis allé chez Rémy Pasland. C’est lui qui m’a fait obtenir ma licence.
Vous avez pourtant changé d’écurie…
Guy Denuault m’a alors embauché. C’est pour lui que j’ai monté mes premières courses. Pour mon baptême du feu, en cross, avec L’Euro Star, qui débutait lui aussi dans la spécialité ; nous nous sommes imposés ! Le bonheur…
Mais vous avez quitté Guy Denuault…
Après deux ans à son service, j’ai rejoint l’équipe de Christophe Lotoux, puis celle d’Eric Lecoiffier, où j’ai rencontré Stéphane Juteaux. D’ailleurs, je lui tire mon chapeau. Tout le monde en plaisante : c’est vrai qu’il n’est pas toujours très esthétique, à cheval, mais il est diablement efficace… Il sait rendre la main à son partenaire comme la lui reprendre… Il m’a donné de précieux conseils…
Vous avez encore changé de « base »…
En novembre 2008, je suis arrivé à Maisons-Laffitte. J’ai travaillé pour Antoine Lamotte d’Argy jusqu’en mars2009.
Et, fin avril 2009, vous aviez un nouveau patron…
Guy Chérel cherchait un jeune jockey. A priori, je faisais l’affaire…
Vous êtes instable, vous avez la bougeotte ?
Non. J’ai envie d’apprendre, de voir d’autres méthodes, d’autres façons de concevoir et préparer les courses, et, j’ai donc toujours changé de « maison » pour apprendre. Il faut le dire, aussi, j’ai toujours voulu gravir les échelons. Si, aujourd’hui, je partais de chez Guy Chérel, ce serait pour me rendre en Angleterre, et découvrir une facette du métier que je ne connais pas. Mais ce n’est pas dans mes intentions. Je suis très bien chez lui.
Il y a pourtant eu de petites frictions…
On travaille dur, le matin, et le patron nous met la pression, dans un réclamer comme dans une épreuve de Groupe, pour se rendre compte comment nous la gérons. Il a raison. Si vous paniquez avant même de vous mettre en selle, ce n’est pas la peine. Il me donne des ordres, avant le départ, et moi, j’ai « mes petits chevaux », alors il veut me faire sortir de ma « bulle ». Avec Majaka, que j’adore, c’est vrai que j’ai été mal inspiré. Il m’a redonné ma chance, en me précisant bien que, si je commettais la même erreur – j’avais été trop « chaud »-, je ne la remonterais plus. J’ai gagné, ce 7 avril, et elle m’a offert mon premier coup de deux, avec Lesoloft, qui allait aussi s’imposer, de bout en bout, dans le Prix Roger Duchêne…
Justement, après ce Prix Roger Duchêne, vous étiez en larmes…
Arnaud était présent. Il m’a donné l’accolade. J’ai lu son interview, sur ce site, et j’ai vraiment reconnu mon ami : il y était comme à « confesse », il reconnaissait, comme d’habitude, ses erreurs, si on peut parler de véritables erreurs, voulait se les faire pardonner, en avançant ses arguments, en disant tout ce qu’il avait sur le cœur, sans tabous.
Arnaud s’est déjà gravement blessé, en compétition. Et vous ?
Deux fois. Le dos. Le 30 avril 2006, fracture de la 11ème vertèbre dorsale et, le 10 octobre 2007, de la cinquième.
Pas d’appréhension, depuis ?
Non. Mais ça m’a mis la rage, mais aussi du plomb dans la tête. Ces deux accidents m’ont fait mûrir. J’étais trop fougueux, trop nerveux…
D’autres passions ?
J’aime la musique des années 80 – 90. Elle m’apaise et me détend. J’apprécie aussi les restaus entre amis et les sorties « ciné ». Pour tout vous dire, un bon DVD, chez moi, dans mon « petit cocon » me procure aussi beaucoup de plaisir. Et quand je retourne dans la région de Saumur, je retrouve mes amis, extérieurs au milieu, et on s’amuse beaucoup… On pousse le chansonnette, on tape du pied, on écarte les tables et on danse…
Des faits divers vous ont-ils marqué, dernièrement ?
Le nuage du volcan islandais… Sans avions, à Paris comme dans les grandes villes de France et d’une grande partie de l’Europe, les gens se retrouvaient comme en province, pas mal d’années en arrière. Pour ma part, je circule en train ou en voiture, pour me rendre sur les divers hippodromes, mais je n’ai pas encore eu l’occasion de prendre l’avion…
Pour en revenir aux courses, des réactions sur l’actualité ?
On parle beaucoup de supprimer la cravache, d’ici à quelques saisons. Je suis contre, surtout en obstacle. Entre les chevaux qui biaisent sur l’obstacle, ceux qui ne vont pas droit, à un moment ou un autre… J’ai bien lu qu’il y aurait des aménagements, notamment pour « corriger les trajectoires ». Cela risque de survenir très souvent, dans notre discipline… En revanche, j’arrive à admettre qu’au-delà de 8 coups de « bâton » nous soyons sanctionnés, même s’il y a toujours des cas particuliers…
Un message à faire passer ?
Je remercie vraiment Guy Chérel et toute son équipe, les cavaliers comme Hervé Paimblanc, Ludovic, Ginette, Sarah, et tous ceux qui se reconnaîtront et qui font le boulot de l’ombre… Sans oublier, bien sûr, Daniela Mêlé, remarquable cavalière, compagne de Bertrand – Bébert – Thellier, et qui fait un travail de premier… garçon, remarquable, auprès de Guy Chérel.
Vos objectifs ?
Je vais tenter de perdre ma décharge le plus rapidement possible et essayer de bien monter Majakadans le Groupe I, fin mai, si le patron me la laisse… Avec cette pouliche, je suis tombé à la première haie de la ligne d’en face, aux Sables-d’Olonnes. J’étais complètement sonné. Je voyais le ciel bleu, les mouettes… Je me suis cru au paradis. Alors, j’espère qu’elle va m’y emmener, dans quelques semaines…