Lundi 17 Mai 2010
pauline-prod-homme

Elle ne pouvait pas échapper au virus : son grand-père, Maurice, a été un crack jockey d’obstacle, avant de devenir entraîneur réputé puis de passer le flambeau à son fils Didier, avec la réussite que l’on sait. On trouve des photos d’elle, encore « bébé », déjà à cheval dans l’écurie de son père… Didier. Après avoir fait ses classes dans les courses réservées aux cavalières amateurs, Pauline Prod’homme, 22 ans, a demandé sa licence de jockey professionnel. Un défi difficile à relever, mais qui la passionne.

Pas la peine de revenir sur votre désir de perpétuer la tradition familiale…

Non. Depuis toute petite, j’ai toujours désiré travailler auprès des chevaux. J’ai tout de même poursuivi des études jusqu’au bac « compta », que j’ai d’ailleurs raté, car j’étais plus souvent aux courses que sur les bancs du lycée. Mais, enfin bon, ça m’a tout de même donné des notions…

Pas d’école AFASEC, donc…

Non, j’ai suivi la « filière » des Cavalières. J’ai débuté au milieu des années 2000, en février, à Hyères, avec Miraculous… Il était bon, mais j’ai dû me contenter de la sixième place…

D’autres souvenirs ?

Bien sûr. J’ai passé le poteau en tête à 11 reprises, ensuite. Je me souviens particulièrement de ma victoire en Angleterre, à Goodwood, en août 2006. C’était une épreuve de la Coupe des Nations. Des cavaliers internationaux étaient associés à des pur-sang, après tirage au sort. Je pilotais un concurrent anglais, préparé par un professionnel britannique, qui n’avait pas une première chance, sur le « papier », d’autant que nous avions tiré le 12 à la corde, sur 12 partants. J’étais plutôt pessimiste. Mais, outre-Manche, les places dans les stalles sont inversées et, avec  le 12, j’étais finalement au plus près du rail. J’ai pris tête et corde et… les autres ne m’ont jamais revue ! Grand moment…

Pourquoi ne pas avoir continué chez les amateurs ?

Il me restait encore une autorisation de 2 ans, j’ai préféré franchir le pas et demander  ma licence…

En fait, c’est l’itinéraire qu’a emprunté un certain Christophe Lemaire, aujourd’hui premier jockey de l’écurie de son Altesse l’Aga Khan, qui, lui aussi, a commencé en tant que gentleman-rider…

Oui. Et pareillement à lui, comme le veut le règlement, je n’ai pas eu droit à la décharge due aux apprentis, la 1ère année. Désormais, je bénéficie de 2,5 kilos. Mais la comparaison avec Christophe s’arrête là… (rires)

Et vous en êtes à quel « score » ?

3 succès l’an passé, et 2 cette année.

Vous montez dans les épreuves réservées aux femmes jockeys, comme dans les autres, face aux « garçons »…

Dans les pelotons de femmes, on crie beaucoup, moi aussi. Avec les jockeys, beaucoup moins, et moi… pas du tout.

Un complexe ?

Non. Mais, face à des Peslier, Soumillon, Bœuf, Mossé et autres Thulliez, que voulez-vous que je dise ? Des grandes cravaches et une petite débutante…

Comment se comportent-ils avec vous ?

Cela se passe bien. Mais, s’ils peuvent me laisser « dans la boîte », ils ne se gênent pas, ou, en tout cas, ils essaient… C’est de bonne guerre.

Si vous ne vous étiez pas appelée « Prod’Homme » pensez-vous que vous auriez pu suivre le même itinéraire ?

Je vis mon rêve de toujours. Je n’aurais peut-être pas eu le même avec un autre nom, je ne me pose pas réellementt la question, c’est comme ça. Mais, c’est vrai que je me mets essentiellement en selle pour mon père, même si j’ai gagné pour Monsieur Demercastel. Et puis, mon but suprême, est de devenir entraîneur. Je « profite » de mon poids, 52 kilos, pour assouvir ma passion de la compétition. C’est un plus mais, l’important, c’est d’être avec les chevaux.

Vous êtes déjà assistante entraîneur, auprès de votre père. Ecoute-t-il votre avis ?

Oui. Nous discutons longuement, et souvent, des pensionnaires de l’écurie. Il est attentif à mes remarques ou impressions, à mon « feeling » après une course. Si je lui dis, « untel serait mieux avec un attache-langue » ou « il faudrait changer telle ou telle bricole », il en tient compte.

Votre compagnon, Anthony Cardine, jockey d’obstacle, effectue son retour à Auteuil, ce mardi 18 mai, après s’être sérieusement blessé à Enghien. Le trac ?

Non. C’est le métier. Il faut avoir confiance.

Et vous, tentée par les haies ou le steeple-chase ?

Très souvent, le matin, je fais sauter les chevaux, et, effectivement, j’aimerais, ne serait-ce qu’une fois, faire le tour d’Auteuil ou d’Enghien. Mais mes parents, mon père comme ma mère, ne sont absolument pas d’accord, pour ne pas dire qu’ils m’opposent un refus catégorique…

Etes-vous un « garçon manqué » ou avez-vous, aussi, des goûts, ou passions, féminins ?

J’aime bien faire du shopping, mais je ne suis pas patiente. Si je ne trouve pas ce que je veux rapidement, je m’en vais…

Etes-vous toujours habillée « sport » ?

Si quelqu’un me voit en jupe, qu’il prenne vite une photo… Mais ce n’est pas parce que l’on est toujours en pantalon qu’on ne peut pas « s’habiller un peu »…

Avez-vous beaucoup de « copines » ?

Pas tellement. A vrai dire, je ne fréquente pas trop les filles, surtout dans notre microcosme. Elles sont souvent beaucoup trop superficielles. Des amies comme Celine Montfort ou Manon Scandella, issues, elles aussi, du milieu, savent ce que c’est, et parlent « vrai ». Pour ma part, je dis trop facilement ce que je pense, et ce n’est pas toujours apprécié.

Vos hobbies ?

J’aime bien le cinéma… quand je ne m’endors pas avant la fin de la séance ! Levée tous les matins à 5 heures, il faut que le film soit bon pour me tenir éveillée, et captivée, jusqu’au bout. Et, l’été, à Vichy, quand nous partons pour le meeting, j’adore profiter de la piscine.

Des objectifs ?

Lors de mes six dernières tentatives, j’ai pris 4 deuxièmes places, étant « battue nez » à deux reprises à Longchamp. C’est rageant. Je voudrais bien que la photo soit enfin pour moi…

Et un quinté ?

J’en ai disputé 4, pour l’instant, sans réussite. Ce sont des épreuves très médiatisées, où les jockeys sont plus motivés que jamais… Contrairement aux courses pour cavalières, ou réservées aux apprentis, où je me sens à armes égales, il me faudrait vraiment un partenaire au-dessus des autres pour que nous puissions nous imposer. Disons que terminer dans la combinaison gagnante me suffirait amplement, dans un premier temps.

Listed, Groupe ?

Ouh là, là… J’espère que vous me rappellerez à ce moment là ! (rires)