Un jour, Maître Jean-Paul Gallorini a dit, solennel : « Maxime Guyon, c’est le dieu des courses qui l’a créé… » L’entraîneur ne s’est sans doute pas trompé, et André Fabre, autre Maître en son genre, doit probablement penser la même chose, lui qui fait confiance au « gamin mayennais » depuis plusieurs années. Dimanche 6 juin, le jockey, 21 ans, a écrit l’une des plus belles pages de son histoire, signant un retentissant « coup de trois » à Chantilly, avec le Groupe III Prix de Royaumont, pour Henri-Alex Pantall, et, surtout, le Prix du Jockey-Club, avec Lope de Vega, pour son patron. Le 5ème Groupe I, en moins d’un an, pour le jeune prodige, et le livre d’Or n’est pas terminé…
Comment avez-vous eu l’idée de devenir jockey ?
J’habitais Laval, pays du cheval, mais des trotteurs, surtout. Moi, je me suis pris au jeu des courses de poneys, et le galop m’a toujours plus attiré, ce qui tombait bien, vu mon gabarit. Mes parents – mon père officiait dans les travaux publics – n’avaient rien à voir avec le monde des courses.
Itinéraire classique, ensuite ?
Oui. L’Ecole AFASEC du Moulin-à-Vent, à Gouvieux, et Monsieur Fabre pour maître d’apprentissage.
Un petit coup de « piston » ?
Non. C’est l’AFASEC qui s’est occupé de tout. Un petit… coup de chance !
Pourquoi ?
Si vous êtes mauvais, où que vous alliez, vous serez mauvais. Si vous avez un tant soit peu de dons, ils sont plus faciles à démontrer chez André Fabre. Il met au point, au millimètre, de très bons chevaux, il est à la tête d’un effectif important. Bref, j’ai bien conscience d’être un privilégié.
Mais la confiance d’André Fabre se mérite, non ?
Tout s’est tout de suite bien passé, entre nous. Il m’a rapidement permis de monter dans les « courses écoles », puis tout a suivi.
Vous donne-t-il des consignes précises, avant les courses ?
Généralement, non. Il me dit de monter les chevaux « pour eux », de ne pas les mettre dans les mauvais coups, ni « dans le rouge ».
Il avait l’air heureux, dimanche, après le « Jockey »…
Et moi donc ! C’est indicible. Certes, mon premier Groupe I, avec Cavalryman, le 14 juillet 2009, dans le Grand Prix de Paris, avait été très fort, sur le plan émotionnel, mais ce Jockey-Club, c’était encore une dimension supérieure… Les trois Groupes I les plus importants, en France, sont le Jockey, le Diane, et, bien sûr, l’Arc de Triomphe. Dimanche, j’en enlevais un des trois… C’est fabuleux, cette joie, ces sentiments venus d’une autre planète…
Vous vous mettez pourtant en selle, dans toutes les autres épreuves, avec la même hargne…
J’ai toujours été comme ça. Je suis un battant. Je suis là pour gagner.
Tout le monde a en mémoire des « météores » qui, même plus jeunes que vous, ont ébloui de leur talent les plus grandes courses françaises. Quelques-uns ont « disparu »… Et vous ?
Ce n’est pas le but. J’ai besoin de réussir, besoin d’être « au top », et « dans le top ». J’ai l’impression de tout faire pour. Je travaille, j’observe, j’écoute, je prends exemple sur mon modèle, Olivier Peslier. Je veux durer, faire partie des meilleurs durant de longues années. Evidemment, une journée comme hier se fête, et nous l’avons fait. Nous étions un comité restreint, chez moi. Pas la peine d’inviter tous ceux qui ne sont là que pour reboire une coupe de champagne.
Et qui était là, justement ?
Des amis, des vrais. Du monde hippique, mais pas forcément des jockeys. Des cavaliers d’entraînement, par exemple, qui sont pour beaucoup dans la bonne marche de l’écurie.
Avez-vous du temps à accorder à des loisirs ?
Pas réellement, avec la multiplication des réunions, les délocalisations, nous sommes à Vichy, Deauville, Lyon ou Longchamp… J’adore le sport et, une ou deux fois par semaine, avec des copains jockeys, nous nous retrouvons pour un match de foot.
Un rêve d’Arc de Triomphe ?
J’aimerais bien, évidemment. Mais nous n’en sommes pas là. Dimanche prochain, j’aurai une bonne chance dans le Prix de Diane. C’est plus que motivant et, cela aussi, c’est du rêve…
Il y a des jeunes très prometteurs, derrière vous…
Oui. Mickaël Barzalona, Flavien Prat ou Pierres-Charles Boudot sont tous très doués. Et, surtout, ils sont tous de bons « gosses », qui ne se prennent pas pour d’autres alors que, manifestement, ils ont « quelque chose » en plus.
Un mot à ajouter ?
Je remercie André Fabre de m’avoir donné, et de continuer à me laisser, ma chance. J’espère ne pas le décevoir.