Il n’avait pas monté en compétition depuis sa chute, le 13 mai à Cholet, et sa fracture ouverte de l’humérus. Pour son retour, ce mardi 24 août 2010 et sa seule monte de la réunion, il s’est offert le luxe de remporter le Grand Steeple-Chase de la ville de Deauville, avec Oxo des Prés, pour son ami, Jean-Louis Chasserio. Debout sur ses étriers, le bras levé, Olivier Sauvaget, 26 ans depuis le 13 août, a fait partager au public ce moment de bonheur intense…
Vous aviez l’air vraiment heureux…
Nous étions tous heureux. Je n’avais repris le travail que depuis une semaine, et j’appréhendais de ne pas être assez prêt, physiquement comme mentalement, que mon bras me joue un tour durant le parcours ou à la lutte. Mais mon cheval a été parfait. S’il avait été un peu moins bien, je n’aurais certainement pas pu l’aider. C’est lui, plus que moi, qui a gagné. Comme tout le monde le sait, le bon cheval fait le bon jockey. Et, de plus, ce succès, c’était pour Jean-Louis Chasserio, à qui je dois vraiment beaucoup. J’ai eu un mauvais passage, dans ma carrière, et lui que j’avais rencontré par hasard, m’a sorti la tête de l’eau. J’ai comme un contrat moral, avec lui. Je peux avoir plusieurs montes possibles, il passera toujours en premier. Alors là, ce Grand Steeple, c'était la joie absolue, ensemble...
Commençons par le début… Comment êtes vous devenu jockey ?
J’ai toujours aimé les chevaux. Je faisais des courses de poneys, dans la Fédération Ouest. J’y ai ainsi gagné un stage d’une semaine au Moulin-à-Vent de Gouvieux, l’école AFASEC. Précédemment, par un copain « de poneys », un peu plus âgé que moi, Charles Lécrivain, dont les parents avaient des chevaux de course chez Philippe Cormier-Martin, j’avais pu faire deux stages d’un mois, pendant les vacances scolaires, chez cet entraîneur. Quand j’ai intégré, pour de bon, le Moulin-à-Vent, je savais donc ce qui m’attendait.
Qui, pour maître d’apprentissage ?
Elie Lellouche. On m’avait dit : « Tu n’as pas de bol, il ne donne jamais sa chance à un jeune apprenti… ». Ce n’était pas vrai du tout. Tout s’est bien passé, avec lui, il m’a souvent fait confiance et, en 4 ans et demi, j’ai dû enlever une petite trentaine de courses. Il m’a vraiment « lancé ».
Pourquoi l’avoir quitté ?
A 14 ans, j’étais vraiment un tout petit gabarit. Je mesure maintenant 1,74 mètre, et j’ai beaucoup évolué, physiquement, pendant mon adolescence. La première année, j’ai dû « pousser » de 12 centimètres et, avec le boulot, j’ai aussi « éclaté », musculairement. J’étais pratiquement plus fatigué par la croissance que par mon travail proprement dit. Mais les inévitables kilos sont arrivés. Alors, j’ai pensé à l’obstacle. J’y avais goûté, avec les poneys, et cela m’avait bien plu. Patrice Châtelain, qui s’occupait, outre ses chevaux de plat, de deux ou trois sauteurs, m’a proposé de travailler pour lui. C’était une transition idéale, pour moi. Nous avons signé quelques succès, en plat, mais je commençais vraiment à être lourd et, malheureusement, suite à divers incidents, six mois plus tard, il n’avait plus de chevaux d’obstacle.
Alors ?
Patrick Monfort m’a contacté. Il s’occupe des deux disciplines. Direction, Senonnes-Pouancé ! Je faisais sauter les chevaux, le matin, je montais encore un peu en plat. Un jour, à peu près six mois après mon arrivée à Senonnes, je me suis imposé à Compiègne, pour un entraîneur britannique. J’ai été interviewé sur « France Courses », qui ne s’appelait pas encore « Equidia », et quand l’animateur m’a demandé ce que l’on pouvait me souhaiter, j’ai répondu : « de trouver une bonne écurie d’obstacle… »
Votre vœu a été exaucé ?
Le lendemain, Jehan Bertran de Balanda, qui avait regardé les retransmissions, a téléphoné à Patrick Monfort. Ils se sont entendus, et, cette fois, j’ai pris la direction de Maisons-Laffitte.
Il y a eu des résultats, chez Jehan Bertran de Balanda…
Oui. J’y ai perdu ma décharge, il m’a confié de très bons chevaux, comme Cerilly, le meilleur que j’aie monté. J’ai gagné dès ma première sortie, avec lui, puis la listed Prix Dawn Run, j’ai terminé troisième du Groupe III Prix Carmarthen, quatrième du Grand Prix d’Automne, Groupe I, ou encore cinquième de la Grande Course de Haies d’Auteuil…
Mais, là encore, vous avez fait vos valises, au bout d’un an et demi…
Oui. Disons que j’ai mon caractère, et que, même si cela va mieux, désormais, j’ai du mal à m’exprimer, d’autant plus face à un patron. Je cherche mes mots… A cette époque, je n’étais pas sûr de moi, j’étais plutôt renfermé. Et puis, j’étais sans doute un peu trop « gourmand », je pensais pouvoir prendre la suite, comme premier jockey de la maison, de Laurent Métais, qui arrêtait. Mais j’ai su que Boris Chameraud allait rejoindre l’équipe… J’ai voulu essayer ailleurs…
Chez qui ?
Hubert Hosselet, tout d’abord. Mais je ne m’y suis pas plû, les méthodes d’entraînement étaient bien différentes de celles que j’avais connues chez M de Balanda, par exemple. C’était un peu trop « vieille école », à mon goût. De nos jours, les chevaux doivent travailler la vitesse, s’exercer sur les obstacles très souvent, ils doivent arriver aux courses archi-prêts… Bref, 8 mois plus tard, j’étais au service d’Isabelle Pacault. Elle m’a envoyé à Pau, pour y disputer le meeting d’hiver, mais, là-bas, je me suis cassé le fémur…
Vous êtes resté dans le Béarn ?
Non. A Pau, j’avais rencontré Vanessa Oger, qui allait devenir ma compagne. Femme-jockey, elle faisait un festival avec Natan, pour son patron, Alain Couétil. Elle m’a ramené avec elle à Senonnes. J’étais en arrêt pour 3 mois. Mais je me prenais pour un « warrior » et, au bout de deux mois et demi, j’ai voulu me remettre en selle, chez Alain Couétil. Au trot, je pleurais de douleur… Au galop de chasse, je pleurais encore, mais de joie, cette fois ! C’était bon, j’allais pouvoir continuer le métier… J’ai dressé des poulains et pouliches, dont deux qui devaient disputer le Prix Finot, à Auteuil. Mais ce n’était pas moi qui figurais sur le programme, le jour J.
Nouveau départ ?
Oui. Je suis allé en « transit » chez Nicolas Madamet, suis de nouveau descendu à Pau, où cela s’est mal passé, j’ai bossé pour Edith Augonnet, puis Jerry Planque, pendant 1 an et demi. Entretemps, j’avais fait connaissance de Jean-Louis Chasserio, pour qui Vanessa montait Oxo des Prés, en plat, et, de fil en aiguille, il m’avait demandé de venir faire sauter ses représentants, chez lui. Il m’avait donné un sacré coup de main, quand j’étais un peu dans le creux de la vague, et je lui ai toujours accordé la priorité. Jerry Planque n’a pas apprécié, alors qu’il ne me sollicitait jamais, au début, pour la compétition. Alors, l’hiver dernier, j’ai fait le meeting de Pau pour Nicolas Devielder et grâce à lui, j’ai réalisé un de mes rêves : disputer un cross, sur le parcours mythique de Pau… J’avais déjà fait ceux de Craon, de Saint-Jean-de-Monts ou de Corlay, mais celui de Pau, c’est le régal absolu… Les fromages, le passage du gué, les banquettes… Quel « kif » !
Vous vous êtes donc cassé l’humérus, le 13 mai…
Oui, il ya avait eu aussi les deux clavicules, le fémur, le scaphoïde, le nez, 5 fois…
Christophe Pieux doit en être à 9 ou 10, fractures du nez…
Oui, mais chez lui, il n’y a que le nez, qui casse ! Tout le reste est en acier trempé… Ce mec est vraiment extraordinaire.
Au moment de ces divers accidents, l’Association des Jockeys a-t-elle été à la hauteur ?
Et comment ! Sans elle, bon nombre d’entre nous seraient clochards ! L’Asso m’a apporté une aide précieuse, et les dirigeants se bougent sans arrêt, pour que tout évolue dans le bon sens. Chapeau.
Pour qui travaillez-vous, aujourd’hui ?
Cyrille Morineau, et je m’occupe de 4 de ses pensionnaires. J’ai aussi mes « clients », ceux qui m’appellent régulièrement, à l’image de Jean-Louis, bien sûr.
Vous montez finalement peu…
Je préfère monter peu, mais dans de bonnes conditions. Cette année, pour une cinquantaine de montes, je suis tombé à 4 reprises… Je monte « à mon niveau », je ne me prends pas pour Pieux ou David Cottin. Je suis bien, comme ça.
D’autres passions ?
Les chevaux, c’est bien le matin, et bien l’après-midi, aux courses. Et je les adore. Mais, avec Vanessa, nous n’avons pas qu’eux comme pôles d’attraction. Il faut savoir aussi un peu se changer la tête…
Discothèques, fiestas ?
Non, ce n’est vraiment pas notre truc. Un bon petit restau, parfois, un bon film, quand nous allons à Pau, mais nous avons nos « trucs » à nous…
Quels trucs ?
Je suis fana de la pêche à la carpe. Pendant mon dernier arrêt, j’y allais tous les deux jours, en alternance avec ma rééducation. Vanessa, elle, est passionnée par les canards d’ornement. Nous en avons de toutes sortes, des sarcelles, des cols verts, et aussi des cygnes…
Et où vivent-ils ?
Face à la maison, que nous avons achetée il y a bientôt 4 ans, et où se trouvent quatre boxes, à 800 mètres du centre d’entraînement de Senonnes, nous avons un petit étang, où ils sont comme des rois.
Et vous pêchez aussi, dans cet étang ?
Pas vraiment, enfin si… J’y ai introduit des carpes chinoises, que je ne pêche pas, mais aussi, par bêtise, des poissons rouges. Ceux-là se reproduisent à la vitesse grand V et deviennent envahissants. Alors, de temps à autres, j’en pêche, et je les revends… Nous faisons même du commerce de poissons (rires) ! Mais ça, c’est chez nous, notre petit coin de paradis…