Jeudi 23 Décembre 2010
raymond-o-brien

Lundi 20 décembre 2010, à Cagnes-sur-Mer, il a facilement remporté le quinté d’obstacle, en selle surRoyal Ultimatenia, tandis que son fils amenait Général d’Anjou à la cinquième place… Si en plat, ce genre d’événement est assez fréquent – Jean-Michel Breux et ses deux fils ont formé un trio gagnant à eux seuls, à Strasbourg –, de mémoire de turfiste, cela ne s’était pas encore produit en obstacle. Et pour cause : quand le « petit » est assez « grand » pour s’aligner au départ d’un quinté, Papa, par la force des choses, a déjà rangé ses bottes. Ce 20 décembre, les O’Brien, Raymond, 43 ans, et Raymond-Lee, 20 ans, eux, y sont parvenus… Raymond en a été très heureux…

Une grande joie, non ?

Oui. Ce n’était pas la première fois que nous participions à la même course mais nous n’avions jamais réussi à être « dans le coup » tous les deux. Même si je ne suis pas très « médias », j’ai été un peu déçu de voir qu’aucun journaliste n’avait relevé ce détail, et qu’il n’y avait même pas une ligne dans les journaux spécialisés, qui parlent souvent toujours des mêmes personnes… Mais bon, nous étions vraiment contents…

D’où venez-vous, exactement ?

Je suis né à Tipperary, une petite ville du Sud de l’Irlande…

Comment êtes-vous devenu jockey ?

Je ne pensais pas devenir jockey… Tout petit, quand je regardais par la fenêtre, chez nous, je voyais des chevaux gambader, tout autour, je ne voyais d’ailleurs qu’eux... Notre voisine la plus proche en avait plusieurs. Dès que je le pouvais, puis pendant les vacances scolaires, j’allais lui donner un coup de main. J’ai tout de suite mordu au truc…

Mais ce n’est pas chez la voisine que vous avez appris le métier, si ?

Non. Plus tard, je suis entré comme cavalier d’entraînement chez David O’Brien, le fils de Vincent, puis chez John Oxx. En 1989, j’ai voulu aller voir ailleurs, en France, plus précisément. Je désirais travailler pour Son Altesse l’Aga Khan, qui avait des chevaux chez John Oxx, et j’ai eu la chance qu’Alain de Royer Dupré me prenne à son service. Puis je suis passé chez John Hammond, où j’ai eu le privilège d’être associé, le matin, à des champions comme Suave Dancer ou Dear Doctor. Je les ai accompagnés aux USA, quand Dear Doctor a remporté l’Arlington Million, et en Irlande, quandSuave a enlevé le Derby… Cash Asmussen les pilotait…

Vous ne montiez pas en course ?

Oh non ! Les jockeys, les vrais, étaient largement au-dessus de moi.

Alors, comment en êtes-vous arrivé là ?

Une fin d’année, John Hammond m’a suggéré de me tourner vers l’obstacle, pour devenir professionnel, et m’a trouvé une place chez Yann-Marie Porzier. Je n’avais jamais franchi une haie de ma vie, mais je me suis dit : « pourquoi pas ? ». Yann m’a accueilli, m’a tout appris quant à cette discipline, et il m’a assez rapidement fait débuter.

Cette spécialité vous a-t-elle plu d’emblée ?

J’ai été immédiatement emballé… Je sentais la puissance du cheval, sa concentration, des sensations différentes de celles du plat. Je pense qu’en obstacle, le jockey joue un rôle plus important qu’en plat, il y est préférable de connaître ses chevaux, leurs habitudes, leurs réflexes… Les connaître, mais pas trop, pour ne pas se laisser « bercer » non plus… Si tu travailles un poulain, toi-même, trop souvent, tu vas le trouver bien le lundi, un peu moins bien le mardi, alors qu’en fait, il ne s’agissait, pour lui, que d’un jour sans, et quand tu es au départ de la course, le mercredi, tu as un doute… Il faut partir optimiste. Et moi, je suis un optimiste : je vois toujours le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide.  

Vous n’avez pas été très long à trouver vos automatismes…

Non. La première année, j’ai dû remporter 15 ou 16 victoires, pour Yann. Jean-Paul Gallorini, lui aussi, faisait appel à moi. En deux saisons, j’avais perdu ma décharge…

Ensuite ?

J’ai dû retourner en Irlande, à cause d’une grave maladie, survenue dans ma famille. J’y suis resté 7 ans. Et je suis revenu en France, il y a 7 ans, aussi. J’ai d’abord été embauché à Senonnes, chez Thierry Poché et Laurent Viel, deux professionnels d’une grande gentillesse. Je me sentais bien, là-bas, c’était un peu la campagne, comme chez moi en Irlande, avec des gens d’une mentalité sensiblement différente de celle qui règne, parfois, en région parisienne. Mais, le but, c’était de réussir à Paris. J’ai repris la direction de Chantilly…

Un retour facile ?

Non. Yann-Marie Porzier a connu des problèmes, avec France-Galop, il a été mis sur la touche pendant de longues années. Yann, il fait partie de ma famille, désormais, de la même façon que je considérais presque son père, qui nous a malheureusement quittés, comme mon deuxième père… Heureusement, Sylvain Loeillet, Loïc et Sylvie Audon, Marc Uzan, « Coco » Lafitte, et autres Bernard Barbier m’ont soutenu et fait monter, durant cette période. S’ils n’avaient pas été là, c’est moi qui ne serais plus là. Aujourd’hui, tout est enfin rentré dans l’ordre.

Vos plus beaux succès ?

J’ai gagné de bonnes épreuves, le Prix Alain du Breil ou le Maurice Gillois, avec Top of The Sky, mais toutes les victoires sont belles. Déjà, passer le poteau, finir le parcours, c’est une réussite. Le principal, c’est d’avoir bien monté, d’avoir bien appris au cheval, ne pas lui avoir donné une « mauvaise leçon », pour qu’il soit plus fort la prochaine fois.

Vous-êtes vous accidenté, aussi ?

Rien de grave. Les inévitables clavicules et autres petits bobos, mais il y a toujours beaucoup plus malheureux que soi, dans tous les domaines. C’est un si beau métier, pas toujours facile, mais pas toujours « mauvais », non plus…

D’autres passions ?

Tout me passionne… Le foot, avec Marseille, Lyon, le PSG, le rugby, les matches France Irlande ou Angleterre-Irlande, auxquels je me rends, quand je le peux car, en principe, je travaille 7 jours sur 7. J’aime la musique, aussi, alors que le cinéma, par exemple, ce n’est pas mon « truc »… Il faut faire la queue, perdre son temps… Mais je vous avoue que, lorsque je suis à cheval, où qu’il y en a un à proximité, je suis heureux. Et je regarde toutes les courses, à la télévision, les galopeurs, plat et obstacle, en repérant ceux qui pourraient passer du plat à l’obstacle,  mais aussi les trotteurs, les hommes du trot travaillent dur…

Vous êtes-vous remarié ?

Oui. Avec Polly. Une Anglaise que j’ai rencontrée lors des « ventes montées » de Newmarket. Avant de revenir en France, j’assurais ce type de vacations, en tant que cavalier, à Newmarket ou à Doncaster. Et, ce jour-là, elle qui faisait le même job que moi, sa monture l’embêtait pour aller au départ… Alors, comme je suis galant, et qu’elle était très jolie (rires), je suis allé l’aider… Et voilà comment tout a commencé. Aujourd’hui, nous avons deux enfants, Daisy, 5 ans, parfaitement bilingue, et Archibald, dit Archie, 20 mois. C’est le bonheur. Ils attendent le Père Noël, mais ils sont inquiets…

Pourquoi ? Ils n’ont pas été sages ?

Si, si… Mais ils savent que le Père Noël passe par la cheminée, pour entrer dans les maisons. Chez nous, près de Chantilly, nous avons bien une cheminée, mais dans l’appartement que nous louons à Cagnes-sur-Mer, pour le meeting d’hiver, il n’y en a pas…

Vous avez trouvé une solution ?

Oui. J’ai promis d’ouvrir en grand la baie vitrée, un peu avant minuit… Il va falloir bien nous couvrir !

Ressentez-vous parfois le « mal du pays » ?

Non. Je me rends en Irlande une ou deux fois par an, mais, au niveau transport, c’est moins facile qu’en Angleterre, où je vais plus souvent. Mais je me sens chez moi, en France. La France m’a adopté. Les Français sont un peu froids, au départ, mais, après, ils sont « extra »…

Pensez-vous à la retraite ?

Surtout pas. Tout baigne, physiquement, j’ai le moral au beau fixe… Raymond-Lee, le fils que j’ai eu de mon premier mariage, était resté en Irlande, lui, où il poursuivait ses études et jouait très bien au foot. Il pouvait même sans doute devenir joueur professionnel. Et puis, il y a deux ans, il a voulu me rejoindre, ici. Je ne voulais pas qu’il monte, car il est, par nature, plus lourd que moi… Mais il a été têtu. François-Marie Cottin est un excellent professeur, pour lui, alors j’espère qu’un jour, nous serons les premiers, père et fils, à former le couplé gagnant, dans une grande épreuve. Et peu importe dans quel ordre !