Jeudi 29 Juillet 2010
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A 36 ans, Thierry Thulliez, qui n’est pas loin des 1.300 victoires, dont 10 Groupes I, et toujours en tête du Championnat des Jockeys 2010, bien qu’étant sur la touche depuis le 16 juillet et malgré des « vacances forcées » de 15 jours, au printemps, est bien davantage qu’une valeur sûre du peloton : il est un « plus » incontestable… et incontesté.

Le 16 juillet, vous êtes tombé à Chantilly…

Je montais Pérénnité, une pouliche  de 2 ans, inédite, préparée par Pascal Bary. Un peu avant de passer devant les tribunes, quand elle a vu la sortie qui mène aux écuries, elle a commis un brusque et violent écart, et je me suis retrouvé au sol. Sur le coup, je souffrais de la cheville gauche, mais je ne savais pas s’il s’agissait d’une bonne entorse ou d’un incident plus grave. Finalement, quelques heures plus tard, les radiographies ont révélé une fracture de la malléole interne. Depuis, j’ai été opéré, tout s’est bien passé, on m’a fixé une vis, et il n’y a plus qu’à attendre…

Longtemps ?

Je ne peux encore rien dire. Je vais commencer la rééducation lundi 2 août mais, en à peine 15 jours, je me suis beaucoup démusclé, de la cuisse et du mollet. Même si le cal osseux se fait bien, et que la cheville est redevenue normale, on ne peut reprendre la compétition avec des jambes « faibles ».  Si tout va dans le bon sens, peut-être pourrais-je me remettre à cheval aux alentours du 20 août. Sinon, je patienterai jusqu’en septembre. En pareils cas, il ne faut pas se montrer trop pressé…

Vous aviez déjà connu des problèmes de santé, en début de saison…

Et je ne les soupçonnais même pas. C’est tout bêtement en allant passer la visite médicale obligatoire pour le renouvellement de ma licence que je l’ai appris. Les médecins ont détecté une hypertension, et m’ont tout bonnement interdit de me mettre en selle. Je suis allé à l’hôpital, on m’a prescrit un traitement approprié, que je devrai sans doute suivre toute ma vie, et tout est rentré dans l’ordre. Il n’empêche que, sur le moment, je n’ai pas trouvé les spécialistes très « cool », je me suis senti comme sous l’effet d’une injuste mise à pied de 15 jours, je ne comprenais pas pourquoi, du jour au lendemain, je n’avais plus le droit de monter et pourquoi eux, ou un de leurs confrères, ne pouvaient pas m’ordonner un médicament efficace, à prendre tout en continuant d’exercer. Mais, avec un peu de recul, je me dis que les hommes de l’art avaient peut-être raison…

L’Association des Jockeys vous-a-telle aidé ?

Et comment ! Ils se sont occupé de tout, de toutes les tracasseries administratives… Super. J’ai encore reçu des messages, pour ce nouveau pépin. Quand nous sommes sur la touche, nous sommes de véritables assistés, dans le bon sens du terme, et c’est tant mieux.

A 36 ans, vous avez encore quelques belles années de carrière devant vous…

Je l’espère. Quand je suis arrivé dans le « circuit », je côtoyais Freddy Head, Gérard Dubroeucq, le regretté Alain Lequeux ou Guy Guignard… Aujourd’hui, de ma génération, ou presque, ne restent plus que Dominique Bœuf, Thierry Jarnet et Gérald Mossé… Le temps passe, les pages se tournent et les jeunes poussent à la roue… Mais j’aime toujours autant mon métier, je me lève tous les matins, même très tôt, avec plaisir, et j’ai la même hargne qu’à mes débuts…

Comment êtes-vous devenu jockey ?

Je suis né à Aubervilliers, pas vraiment une région d’élevage. Durant ma scolarité, où, d’ailleurs je « suivais facile », en fin de 3ème, tous les élèves devaient trouver un stage à effectuer dans une entreprise. J’ai pu faire le mien dans un cercle hippique, à Sainte-Geneviève-des-Bois. Et là, ce fut le coup de foudre… Je voulais travailler avec les chevaux…

Alors ?

Alors, je suis entré à l’école AFASEC de Maisons-Laffitte. Mais j’avais déjà 15 ans, alors que tous les nouveaux inscrits n’en avaient que 14. De plus, et sans vouloir fanfaronner, j’avais déjà le BEPC et un « trop bon » niveau scolaire par rapport aux autres. On m’a donc fait « sauter une classe » et j’ai commencé directement en deuxième année…

Un an de gagné, donc…

Pas vraiment. Car, durant la première année, on monte à cheval tous les jours. Moi, je savais à peine tenir mes rênes. Je restais au pas, voire au trot, dans le paddock, quand tous les autres étaient déjà au galop…

Vous avez tout de même rattrapé ce retard, apparemment…

Grâce à mon maître d’apprentissage, Lucien Bates, qui nous a malheureusement quittés, il y a quelques années. Il a été d’une patience d’ange. J’ai vraiment beaucoup appris, avec lui.

Ensuite ?

J’ai travaillé deux ans pour Jean-Paul Gallorini, toujours à Maisons-Laffitte.

En plat ?

Non. Il avait un effectif essentiellement tourné vers l’obstacle. Alors, j’ai moi-même goûté des haies et du steeple…

Avec des résultats ?

16 gagnants pour 90 montes. J’avais droit à 4 kilos de décharge, je me régalais… Remarquez, je n’avais pas beaucoup de mérite. Etre l’un des pilotes de Jean-Paul Gallorini, en obstacle, c’est comme être l’un de ceux d’André Fabre, en plat. C’est un gros avantage… On vous confie quelques « formules 1 »…

Vous êtes cependant revenu en plat…

Oui. J’étais un peu léger et puis, j’ai eu l’opportunité d’entrer au service de Corine Barbe (NDR : désormais Barande-Barbe), à Chantilly. Elle n’avait qu’un seul, ou plutôt une seule, yearling. Et la « patronne » m’a chargé de veiller sur cette petite pouliche, depuis le départ. Elle s’appelait Carling et, deux ans plus tard, je remportais le Prix de Diane avec elle !

Il y a eu d’autres grandes victoires…

Toutes sont belles mais, parmi mes Groupes I, il y en a qui marquent plus que les autres, comme mes deux Prix du Jockey-Club, avec Blue Canari et Sulamani, le Prix Jacques le Marois et le Prix Marcel Boussac avec Six Perfections, la Breeder’s Cup Mile de Domedriver, en 2002, à Arlington Park… J’ai aussi gagné un Prix de l’Opéra pour Jean de Roualle, un Prix Jean Prat pour Nicolas Clément…

Vous êtes d’ailleurs souvent associé à des représentants de Nicolas Clément…

Je suis devenu « free lance », et je n’ai que des contrats « moraux ». Avec Nicolas Clément, effectivement, et François Doumen, mais, le matin, je me rends aussi à l’entraînement chez Fabrice Chappet… Et, en fait, mon agent Hervé Naggar, me trouve de bonnes montes pour d’autres entraîneurs.

Vous êtes toujours en tête du Championnat des Jockeys 2010, qui se joue dans les quintés…

Mais cela ne va pas durer… Hervé Naggar est aussi l’agent d’un certain Olivier Peslier, d’un certain Stéphane Pasquier, ou encore du grand espoir Pierre-Charles Boudot. Alors, les bons chevaux qui devaient, en principe, m’être confiés dans ces quintés, c’est Olivier, Stéphane ou Pierre-Charles qui les « récupèrent » et qui marquent des points… Là encore, tant mieux pour notre « équipe »…

Avez-vous le temps de vous consacrez à des loisirs ?

Par le passé, nous pouvions compter sur deux jours de repos par semaine. Désormais, quand nous arrivons à en sauvegarder un, une fois de temps en temps, c’est presque un coup de chance. La « décentralisation », qui a beaucoup de côtés positifs, cela dit, nous oblige à nous rendre partout en France, et, en dehors des réunions parisiennes, il faut aller à Lyon, Aux Sables-d’Olonne, au Lion d’Angers… Heureusement, pour ne pas jongler avec les horaires des trains, des avions et des taxis, j’utilise, comme plusieurs de mes collègues, la « navette » de Julien Planchard. Dans son gros véhicule tout confort, avec la presse du jour à disposition, une télé TNT, et des rafraîchissements, il vient vous chercher chez vous, vous emmène sur l’hippodrome en activité, et vous ramène devant votre porte, le soir. Il n’empêche que mon emploi du temps est très chargé. Mais, quand je peux trouver quelques heures, je vais jouer au golf, avec Dominique Bœuf, Stéphane Pasquier et Raphaël Marchelli. J’adore aussi le foot, et je suis un « PSG » convaincu, ce qui, d’ailleurs, ne me met pas toujours à la fête.

A propos de fête, aimez-vous les sorties ?

Je ne vais pas vous dire que je ne suis jamais allé, avec mes amis, arroser une belle victoire dans un endroit sympa, mais je suis de plus en plus casanier. Je me sens bien à la maison, auprès de ma compagne, Danielle, et de notre fille, Lola.

Côté professionnel comme côté vie privée, Thierry Thulliez est donc heureux…

Très heureux. Et quand cette malléole me laissera tranquille, alors là, ce sera le bonheur absolu…